Les dessous de la high-tech
A quelques semaines de Noël, 9,5 millions de produits high-tech s’apprêtent à être vendus en France [1] : appareils photos, consoles de jeux et bien évidemment, smartphones. Ces objets sont devenus indissociables de notre quotidien mais que savons-nous d’eux ? Leurs impacts, de la chaîne de production à la mise en décharge sont souvent passés sous silence, et pour cause, ils sont catastrophiques, comme l’explique le site www.dessousdelahightech.org des Amis de la Terre.

Les performances environnementales des produits high-tech s’affichent désormais dans les boutiques ou sur les sites Internet. Signe d’une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux ? Pas vraiment si l’on observe les derniers smartphones commercialisés par deux géants du secteur, Apple et Samsung [2]. La production de l’iPhone 5 émet ainsi 36 % de gaz à effet de serre de plus que celle de l’iPhone 4S [3], commercialisé un an plus tôt.
Surtout, lors de la production, les conséquences de l’exploitation minière dans les pays du Sud où sont extraits les métaux utilisés pour les smartphones (étain en Indonésie, terres rares en Chine), les destructions environnementales ou pollutions ainsi que les rythmes de travail imposés aux ouvriers des usines d’assemblage sont souvent passés sous silence.
Des impacts qui s’aggravent avec le rythme soutenu de renouvellement de ces produits et la consommation de masse qui y est liée : il se vend depuis 10 ans près de 20 millions de téléphones par an en France. La surconsommation liée à l’innovation et aux stratégies publicitaires a contribué à créer une véritable obsolescence programmée et commerciale [4]. En effet, les constructeurs n’informent pas sur le meilleur moyen de réduire l’impact de ces consommations comme allonger la durée de vie des produits [5]. Pire, constructeurs et opérateurs usent de tous les stratagèmes pour réduire la durée de vie de leurs produits.
Pour Camille Lecomte, chargé de campagne Modes de production et de consommation responsables aux Amis de la Terre France : « Certaines pratiques ont été encadrées mais pour doper leurs ventes, des opérateurs et constructeurs de produits high-tech continuent de les détourner malgré les accords volontaires [6] et les directives européennes : les chargeurs universels peinent à voir le jour alors que les batteries intégrées, théoriquement interdites [7], foisonnent. Alors qu’il est urgent de réduire l’impact de nos consommations, le renouvellement de nos biens de consommation, notamment dans le secteur des télécom, est de plus en plus fréquent. Un ordinateur portable est actuellement renouvelé tous les 3 à 4 ans et un téléphone tous les 18 mois. »
Les Amis de la Terre demandent aux pouvoirs publics de lutter contre l’obsolescence programmée des biens en promulguant une loi qui créé un délit d’obsolescence programmée, allonge la durée de garantie légale de 2 à 10 ans et donne des informations substantielles au consommateur quant aux possibilités de réparation (durée de disponibilité des pièces détachées, informations sur le caractère réparable des produits, etc.).
Les citoyens sont aussi appelés à interpeller leurs élus (députés, sénateurs) pour que cette loi ait le plus de chance d’aboutir.

Contexte et objectifs
A grand renfort de publicité et de rapports, le secteur des nouvelles technologies est présenté comme un moyen de réduire l’impact environnemental global de nos modes de production et de consommation, à travers notamment la dématérialisation. En plus de contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre globales jusqu’à 20%, les nouvelles technologies pourraient aussi être bénéfiques pour le commerce et l’emploi [8]. Pour traduire cette dynamique, on parle désormais de « TIC vertes » ou de « Green IT » [9]. Pourtant dès le début des années 2000, un rapport réalisé par l’Organisation de la coopération et du développement économique (OCDE) alertait sur les impacts négatifs de ces nouvelles technologies et principalement sur la hausse de la consommation énergétique, l’épuisement des ressources, la gestion des déchets et la diffusion de toxiques [10].
Néanmoins, les produits high-tech s’imposent de plus en plus dans notre quotidien et les ventes explosent [11]. Les Français consacrent une part croissante de leur budget aux téléphones, tablettes et ordinateurs portables [12] mais peu d’entre eux ont connaissance de leurs impacts environnementaux. Ainsi, une enquête réalisée sur Apple, un des géants du secteur, a montré que « 56 % des personnes interrogées disaient ne rien penser de négatif à propos d’Apple, 14 % estimaient que le principal problème de cette entreprise était ses prix trop élevés. 2 % seulement mentionnaient les conditions de travail des ouvriers à l’étranger » [13]. Quid des conditions de production et d’élimination de ces appareils ? Pourtant, la croissance des ventes et un usage plus intensif de ces technologies tendent à accroître les impacts environnementaux et sociaux de cette industrie, des impacts qui sont encore trop souvent passés sous silence.
Depuis 2010, date de sortie du premier rapport des Amis de la Terre et du Centre national d’information indépendante sur les déchets (CNIID) sur le sujet [14], la question de l’obsolescence programmée fait débat en France. La plupart des constructeurs et distributeurs de biens manufacturés se défendent d’avoir recours à cette stratégie, alors que de nombreux consommateurs, relayés par les médias et plusieurs partis politiques8, constatent que des produits sont mis sur le marché avec des systèmes de mise à jour, des consommables ou des pièces détachées pendant une période limitée à quelques années seulement.
Si les produits ne sont pas toujours conçus pour se détériorer de façon physique rapidement, ne sont-ils pas néanmoins conçus pour être, dans les faits, remplacés rapidement ? Le design, les offres commerciales, l’impossibilité de faire évoluer ces produits dont la technologie évolue pourtant continuellement et de plus en plus vite, ne contribuent-ils pas indéniablement à réduire leur durée d’utilisation ?

L’étude sur la durée de vie des équipements électriques et électronique menée par l’ADEME en 2012 [15] a mis en évidence le manque d’informations disponibles à ce sujet et a conclu sur la nécessité de travailler à « une méthode commune [pour] définir précisément la durée de vie, des indicateurs de mesure, des méthodes d’analyse transparentes, des normes et des contrôles. » [16]. Une proposition de loi pour lutter contre l’obsolescence programmée de nos biens portée par Europe Ecologie Les Verts est en cours d’élaboration. Enfin, dans le cadre du projet de loi « Consommation », le sujet de l’obsolescence programmée doit être débattu en 2013. Les performances énergétiques, la réduction de l’utilisation de substances dangereuses ou le traitement des produits en fin de vie sont de plus en plus l’objet d’attention tant de la part des pouvoirs publics que de la société civile. La mise sur le marché de nouveaux équipements électriques et électroniques a été encadrée au sein de l’Union européenne par trois directives en particulier : la directive dite DEEE qui encadre la gestion des déchets électriques et électroniques, qui a été complété par la directive dite « ROHS » de 2003 qui encadre l’utilisation des substances dangereuses et la directive dite « Ecodesign » ou « EuP – Energy Using Products » de 2005 qui vise à améliorer la performance énergétique des équipements ménagers et industriels. Les constructeurs ont pris en compte ces évolutions législatives et ont également mis en place des démarches volontaires.
Les associations de protection de l’environnement se sont aussi emparées de la question des impacts environnementaux des produits du secteur des nouvelles technologies. En 2011, le WWF a réalisé un guide pour aider les responsables d’organisations à « comprendre les impacts environnementaux des technologies de l’information et de la communication et agir pour les réduire. » [17]. Le WWF a aussi contribué à la réalisation du comparateur « Top TEN » [18] pour informer les consommateurs des performances énergétiques de leur appareil. Greenpeace International depuis 2005 travaille sur la question des nouvelles technologies et en particulier sur l’élimination des produits toxiques et la gestion de la fin de vie des produits. Greenpeace réalise régulièrement un classement des entreprises du secteur. En 2012, une nouvelle campagne sur les consommations d’énergie des data centers [19] a été lancée. Mais sur la question de la durée de vie, les directives européennes et les engagements volontaires des entreprises constituent encore des réponses largement insuffisantes.
www.dessousdelahightech.org

Sommaire
Approche méthodologique
I. Environnement et high-tech : de bonnes intentions qui peinent à se concrétiser
– 1. La priorité est accordée à l’innovation et à la mise sur le marché de produits économes en énergie
– Des économies d’énergies qui ne tiennent pas compte de l’ensemble du cycle de vie
– 2. Risques liés à l’utilisation et à l’élimination : l’Union européenne tente d’encadrer les pratiques des producteurs
– 3. Le recyclage, alternative à l’extraction minière non encore suffisamment explorée
II. Des volumes de vente portés par la durée de vie très courte des produits high-tech
– 1. Téléphonie mobile, une durée d’usage conditionnée par les offres commerciales (abonnements et renouvellements du matériel)
– 2. Les limites du droit de la consommation : des consommateurs potentiellement bien protégés mais mal informés
– 3. Des durées de vie sous contrôle : obsolescence technique et technologique en série
Recommandations
Bibliographie
Contact
Pour plus d’informations, merci de contacter Camille Lecomte – Chargée de campagne Modes de production et de consommation responsables au 01 48 51 18 94
Téléchargement
– Télécharger L’étude de Décembre 2012 des Amis de la Terre sur l’obsolescence des produits high tech