Dans le monde, nous pêchons près de 90,3 millions de tonnes de poissons. Près de 93% de nos stocks mondiaux sont pleinement exploités (57,3%) ou surexploités (35,4%) estime la FA0. Cette surpêche met en péril la sécurité alimentaire de nombreux pays. Désormais, plus de la moitié des produits de la mer que nous consommons est issue de l’aquaculture. Cependant, les impacts de cette filière sur l’environnement et sur la santé des poissons sont loin d’être négligeables. Avec son label, l’ONG Aquaculture Stewardship Council souhaite rendre l’aquaculture plus responsable.
Comprendre
Le contexte :
Dans son rapport 2022 sur les pêcheries et l’aquaculture mondiale, l’organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime que la consommation mondiale de produits alimentaires d’origine aquatique a plus que quintuplé en presque 60 ans. Ce sont 158 millions de tonnes de poissons et autres fruits de mers qui ont atterries dans nos assiettes en 2019. En moyenne, cela représente donc 20,5 kg par habitant de la planète. Une quantité qui pourrait même atteindre les 21,5 kg en 2030…
Face à cette hausse prévue de 15%, la FAO préconise le développement d’une aquaculture durable.
Derrière cette hausse de la consommation mondiale de produits de la mer, se cache une véritable explosion des pratiques d’élevage. Entre 1990 et 2018, les captures de poissons ont augmenté de 14%, tandis que la production de l’aquaculture s’est accrue de 527%. Qu’il s’agisse de cages en mer, d’étangs, de bassins ou de rizières, il faut donc savoir que l’aquaculture fournit désormais 51 % des poissons consommés par les humains.
Il est désormais temps de se soucier des conditions qui ont cours dans ces élevages. Certaines associations dénoncent depuis des années le recourt à la « pêche minotière » qui capture les poissons situés en bas de la chaîne alimentaire (sardines ou anchois) pour les réduire en farine et en huile pour alimenter les poissons d’élevage. Soit 20 % des captures mondiales. Ces élevages aquatiques consommeraient à eux seuls 57 % de la production mondiale des farines de poisson, devant l’élevage de porcs (22%) et de volailles (14%).
L’aquaculture intensive est non durable. Les ravages de la pisciculture intensive menace les poissons, les fait souffrir et a également des impacts sur la faune et la flore locales, en contribuant à l’acidification des océans.
Une solution : développer une aquaculture responsable
Le WWF reconnaît aussi que l’intensification de l’aquaculture ajoute une pression de pêche pour l’exploitation des poissons et des crustacés de bas niveau trophique dit de fourrage qui ne sont destinés qu’à l’alimentation d’autres animaux. Mais l’ONG souligne aussi que « lorsque les poissons deviennent “végétariens” les problèmes s’en trouvent déplacés sur terre, comme la déforestation en Amérique du Sud par les cultures de soja destinées à l’alimentation des animaux ». Des alternatives commencent à émerger avec, par exemple, l’utilisation de farine d’insectes, autorisée depuis 2018 en Europe. C’est « l’un des chevaux de bataille de notre label » explique Camille Civel, ingénieure agronome et directrice de la branche française de l’ONG ASC. « Il faut minimiser le plus possible la part des protéines marines dans l’alimentation des poissons d’élevage ».
Créé à l’initiative du WWF aux Pays-Bas, le label ASC (Aquaculture Stewardship Council), pendant aquacole du label de pêche MSC (Marine Stewardship Council) est présent en France depuis 2019. Son référentiel couvre aujourd’hui 12 espèces de poissons d’élevage comme le saumon, la truite ou les crevettes. Sa mission: garantir que le poisson a été produit dans le respect de l’environnement et dans de bonnes conditions de travail. En 2023, plus de 2000 produits labellisés ASC ont été vendus en France. On les retrouve notamment dans le rayon Picard ou encore chez Carrefour qui s’est fixé comme objectif que 50 % des ventes de produits de la pêche et de l’aquaculture soient issus d’une démarche responsable d’ici 2025. Une certification importante pour la grande distribution confirme Camille Civel, directrice ASC France interrogée par le site PDM : « On les aide à communiquer sur leur engagement, à protéger leur réputation et l’intégrité de leur approvisionnement. Nous sommes leurs yeux et leurs oreilles sur des filières lointaines. Ils peuvent apporter la transparence à leurs clients sur les sujets primordiaux comme l’alimentation, la durabilité des matières premières, la qualité de l’eau… »
Pour redonner ou garder la confiance des consommateurs, l’objectif de l’ASC est de transformer l’aquaculture conventionnelle pour la rendre plus respectueuse de l’environnement et des droits humains.
Comment fonctionne le label ASC ?
Les critères évalués concernent à la fois les pratiques sociales et environnementales. Ils incluent notamment une limitation stricte (ou une interdiction pour certaines espèces) des antibiotiques, l’utilisation d’aliments plus responsables, la protection des espèces sauvages, de la qualité de l’eau et des habitats sensibles, comme les mangroves ou les herbiers de Posidonie.
Pour remplir sa mission, l’ASC a défini des cahiers des charges qui s’articulent autour de sept grands principes :
- • la conformité aux législations et réglementations locales et nationales
- • la préservation des habitats naturels, de la biodiversité locale et de l’écosystème
- • la préservation des ressources et de la qualité de l’eau
- • l’utilisation responsable d’aliments aquacoles et d’autres ressources
- • la préservation de la diversité de la population sauvage
- • l’amélioration de la santé des animaux et l’utilisation contrôlée et responsable de produits chimiques et médicamenteux
- • la responsabilité sociale des fermes aquacoles à l’égard de leurs salariés et des communautés locales.
Le label ASC en France c’est 230 entreprises certifiées « Chaîne de garantie d’origine ». Parmi ces entreprises, « la ferme d’huître GEAY » en Charente-Maritime ou encore la ferme ostréicole Favier, une entreprise familiale dont l’activité a démarré en 1980 à la Tremblade. En 2016, elle devient la première exploitation certifiée ASC en France. “On a mis à peu près un an à monter notre dossier. Et l’obtention de la certification a été une belle reconnaissance”, s’enthousiasme sa gérante. La certification est obtenue pour trois ans. « Trois années durant lesquelles les installations sont régulièrement auditées afin de s’assurer que les référentiels sont toujours respectés » assure ASC.
Outre la certification, l’ASC finance également de nombreux projets à travers le monde. C’est notamment le cas en Equateur avec le Coastal Habitat Stewardship Fund, un fonds destiné à protéger les forêts de mangroves menacées par de nombreuses activités humaines, dont l’élevage de crevettes. Grâce à un système d’incitations économiques pour les communautés locales, en échange de leur engagement pour la conservation, l’objectif est de limiter au maximum la destruction des mangroves.
Agir
Bien que l’aquaculture puisse représenter une nouvelle source de protéines, tous les modes de production ne sont pas encore durables. Loin de là. C’est pour ces raisons que le WWF estime qu’il est essentiel de modérer sa consommation de poisson et d’acheter du poisson issu d’élevages certifiés bio ou labellisés ASC. L’ONG recommande ce label pour son niveau de durabilité.
Si le label ACS est critiqué, il apporte aussi une réponse d’amélioration. Il permet de développer des innovations qui tentent de minimiser l’impact de l’aquaculture conventionnelle sur l’environnement en mettant en avant des pratiques plus vertueuses, assurant une meilleure qualité des produits de la mer. En France, les start-ups Mutatec et Entofood élèvent des mouches soldat noires pour produire de la farine d’insectes riche en protéines. Le média Usbek et Rica invite désormais les acteurs de l’aquaculture responsable à adopter les principes de l’agroécologie. « L’aquaponie et la rizipisciculture en sont les incarnations les plus répandues. L’activité des poissons permet d’y faire fructifier les plantes (ou le riz) de manière naturelle, sans produits chimiques ni antibiotiques : un filtrage biologique réalisé par des microorganismes transforme en nitrates l’ammoniac contenu dans les urines des poissons, fertilisant ainsi les cultures ».