A la veille de la possible nomination de Jean-Louis Borloo à Matignon, le sondage réalisé par OpinionWay pour Terra Eco sur le Grenelle de l’environnement fait désordre. Les Français jugent la politique « verte » du gouvernement très sévèrement : ils sont 74% à considérer que le Grenelle de l’environnement est tout bonnement un échec.
Sans surprise, ce sondage [[Etude réalisée du 4 au 5 octobre 2010 par OpinionWay auprès d’un échantillon de 900 personnes, représentatif de la population français âgée de 18 ans et plus.]] confirme que les Français de gauche sont plus critiques (84 %) que ceux de droite (62 %), mais ils sont globalement très négatifs sur les apports du Grenelle de l’environnement. Seuls 22 % des Français considèrent le Grenelle comme d’un « succès ». Déçue, la population l’est aussi quant à la signature du Pacte écologique lancé par Nicolas Hulot. 71% des personnes interrogées considèrent que le gouvernement n’a « plutôt pas » voire « pas du tout » respecté les engagements de ce texte signé en 2007 par tous les candidats à l’élection présidentielle.
Les réactions
A l’occasion de la sortie de ce sondage, l’AFP a interrogé quatre personnalités liées à l’écologie pour donner leur bilan du Grenelle. « Le moins qu’on puisse dire, c’est que cela n’a pas été une révolution. On pensait que tout allait être jugé à l’aune de l’environnement. On a raté une bonne occasion de faire vraiment bouger les choses » constate Isabelle Autissier (navigatrice, présidente du WWF-France). « Mais il ne faut pas tout rejeter en bloc. Par exemple, le Grenelle de la Mer auquel j’ai participé a donné lieu à de vrais débats de fond ». « Ce qui reste, c’est que les textes votés permettent » de « mettre la barre à un certain niveau ». « Mais je suis comme 74% des Français, déçue ». Selon Jean-Marc Jancovici (ingénieur-consultant spécialiste des questions d’énergie et de climat, et un des promoteurs de la taxe carbone, portée puis abandonnée par Nicolas Sarkozy), grâce au Grenelle, « on a pu être cadre dirigeant, élu et commencer à parler d’environnement comme d’un sujet sérieux, et non plus d’une maladie honteuse ». En revanche, « la révolution dans la façon de penser, de changer de manière radicale notre vision de l’avenir, n’a pas eu lieu! » « On continue à faire des projets comme si le monde était infini, alors que la contrainte sur l’énergie et le climat ira croissante ». « J’ai en mémoire la solennité de la cérémonie de clôture à l’Elysée. Ce fut un grand moment. Car non seulement les périls écologiques étaient pris en compte, mais aussi une nouvelle forme de démocratie » se souvient Hubert Reeves (astrophysicien, président de la Ligue Roc pour la préservation de la faune sauvage). Trois ans après, « l’immédiateté des problèmes (non environnementaux) relègue ceux que l’on croit moins urgents à traiter ». « Le monde associatif de protection de la nature doit rester vigilant ». Cette « révolution », « je n’y ai jamais cru » confie Pierre Rabhi (agriculteur, écrivain, penseur de l’écologie). « On n’a pas compris que l’écologie n’est pas un problème subsidiaire mais absolument prioritaire. Il s’agit véritablement d’une question liée à la survie de l’humanité ». « Si le Grenelle avait compris vraiment l’enjeu, il devrait y avoir toutes affaire cessantes des lois drastiques ». Or « il n’y a pas vraiment de choix déterminé, on continue de faire des proclamations qui endorment l’opinion, à préserver la chèvre et le chou ». Pierre Rabhi de conclure, « La politique aujourd’hui, avec la loi du marché, est obligée de faire des compromis. Elle ne peut prendre des décisions qui seraient radicalement inspirées par les critères et impératifs absolus de la vie qui sont bien au-delà de toute question économique ».