Ouverture
Ne pas laisser tomber le climat
C’est aujourd’hui que s’ouvre à Durban la conférence des parties sur le climat (COP17), qui réunit 193 Etats. S’ils attendaient des chiffres alarmants pour prendre conscience de l’urgence et agir contre le changement climatique, les négociateurs sont servis.
L’Organisation Météorologique Mondiale [1], le GIEC [2], l’AIE [3] et le PNUE [4] ont récemment et coup sur coup, publié des rapports sur l’état du dérèglement climatique et la trajectoire de réchauffement.
Leurs conclusions sont accablantes : jamais la concentration de GES n’a été aussi élevée ; si le volontarisme politique reste à ce niveau, la planète se réchauffera de 6°C. Coté impacts, les évènements extrêmes (canicules, pluies torrentielles, sécheresse etc.), et les risques liés à la montée du niveau de la mer s’intensifieront au cours du siècle.
Le défi consiste à gérer ces risques, s’adapter à la nouvelle donne climatique, et remettre en cause les modes de développement, au Nord comme au Sud
Alors que la Conférence se déroule sur le continent africain, première victime du dérèglement climatique, le niveau d’ambition est aujourd’hui au plus bas : remise en cause du Protocole de Kyoto, tergiversations sur les financements, etc. Une action mondiale concertée est plus que jamais impérative pour espérer limiter le réchauffement à 1,5°C.
Si la signature d’un accord global remplissant ces conditions ne se fera pas cette année, la Conférence de Durban devra cependant tracer la voie pour y parvenir au plus vite.
Pour ce faire, les décideurs devront à la fois :
– s’appuyer sur le passé : en renouvelant le protocole de Kyoto. Il faut à Durban que les pays industrialisés se fixent des objectifs de réduction d’émissions contraignants au sein d’une deuxième période d’engagement ;
– préparer le futur : en se dotant d’une feuille de route vers un accord mondial qui devra être conclu au plus tard en 2015 et comporter des objectifs de réduction d’émissions d’au minimum 80% d’ici 2050 au niveau mondial ;
– mettre à profit le présent : en consolidant dès maintenant les avancées de Cancún et plus particulièrement le Fonds vert pour le climat à même de fournir les financements pour l’adaptation, l’atténuation et la lutte contre la déforestation. Pour remplir son rôle, il devra être alimenté par des financements innovants (taxation du transport maritime notamment).
Quelque soit le contexte et l’agenda politique, le climat reste une priorité absolue qui nécessite des réponses immédiates et d’envergure. Durban est le lieu pour y parvenir.
Marc Mossalgue – Réseau Action Climat : +33 (0)6 67 24 1234 68
Mobilisation Citoyenne
Une question de responsabilité face à l’urgence climatique
La prochaine Conférence de l’ONU sur le climat qui se déroulera à Durban (Afrique du Sud) du 28 novembre au 9 décembre, s’inscrira dans un contexte de crises ; crise écologique en premier lieu, mais aussi crises financières et des dettes publiques.
Ce contexte ne facilitera en rien des négociations internationales aujourd’hui au pied du mur. Alors que la première période d’engagement du Protocole de Kyoto expirera dans quelques mois, fin 2012 et que les émissions mondiales explosent, les blocages au sein des négociations ne laissent aucun espoir de trouver aujourd’hui un accord mondial qui permettrait de lutter efficacement contre les changements climatiques.
Après l’échec de la Conférence de Copenhague en 2009, puis le sauvetage du processus onusien à Cancún en décembre 2010, la réunion de Durban doit permettre de donner un nouvel horizon aux pourparlers sur le climat.
Pour être le point de départ d’un nouveau cycle de négociations, la conférence devra atteindre quatre objectifs :
– 1 préserver les avancées du droit international de l’environnement via la prolongation du Protocole de Kyoto ;
– 2 mobiliser des financements pour le climat publics, additionnels et innovants dès 2013 et jusqu’en 2020 pour faire face aux besoins d’adaptation et de sobriété carbone dans les pays les plus pauvres ;
– 3 assurer la mise en œuvre des quelques avancées des « accords de Cancun » notamment pour le Fonds Vert, la lutte contre la déforestation et l’adaptation.
– 4 remettre sur les rails les objectifs de réduction des émissions de GES pour que ces derniers soient compatibles avec une limitation du réchauffement climatique en deçà de 1,5°C.
Sans ces résultats minimalistes mais pourtant indispensables le risque est grand de voir tomber en désuétude la dynamique internationale sur le climat.

Objectif #1
– Adopter une deuxième période d’engagement du Protocole de Kyoto dans la perspective d’un accord mondial légalement contraignant
Le Protocole de Kyoto est plus que jamais en danger.
Seulement treize mois (fin 2012) nous séparent de la fin de sa première période d’engagement qui fixait des objectifs contraignants de réduction de leurs émissions aux pays industrialisés (sauf Etats-Unis). L’adoption d’une deuxième période d’engagement sera donc centrale lors de la conférence de Durban.
Le Protocole de Kyoto est l’étendard de la politique internationale sur le climat et doit à tout prix être revigoré. Au-delà de cette valeur émotionnelle pour les opinions publiques et de nombreux pays, il est le seul outil juridiquement contraignant au niveau international de lutte contre le changement climatique. Il est en effet constitué d’éléments architecturaux permettant de garantir le respect des engagements de réduction d’émissions des pays industrialisés, ainsi que l’intégrité environnementale des mesures entreprises.
Mettre de côté les principes du Protocole au profit d’une approche « par le bas » où chaque pays ne prendrait que des engagements volontaires, aurait des conséquences dévastatrices.
Il est indispensable que soit adopté à Durban une deuxième période d’engagement qui commencerait dès 2013 afin d’éviter toute césure dans les engagements de réduction des pays industrialisés.
A Durban, il s’agira aussi d’améliorer l’intégrité environnementale et sociale des mécanismes et méthodes de comptabilisation des émissions du Protocole. A ce titre, il faut que la France et l’Union européenne, leaders sur la question de la forme légale, jouent un rôle de locomotive dans les négociations.
Enfin, pour relancer un nouveau cycle de négociations à Durban, il faudra que le renouvellement du Protocole de Kyoto s’inscrive dans un processus revigoré de négociation d’un accord mondial engageant les principaux émetteurs à réduire drastiquement leurs émissions de GES.
Durban devra, à ce titre, définir la feuille de route pour que cet accord soit trouvé au plus tard en 2015.
Objectif #2
– Mobiliser des financements climat publics, prévisibles et additionnels dès 2013
A Cancún, à la suite de Copenhague, les pays développés se sont engagés sur la question des financements pour les pays en développement ayant vocation à lutter contre les changements climatiques. Ils ont ainsi promis 30 milliards de dollars de financements dits « précoces » entre 2010 et 2012 et 100 milliards de
dollars par an de financements « long-terme » d’ici 2020. La Conférence de Durban ayant lieu sur le continent africain, les attentes sont grandes de la part des pays les plus vulnérables aux conséquences des changements climatiques quant à la mise en œuvre effective de ces engagements.
Alors que les financements précoces prennent fin en décembre 2012, les pays développés n’ont pour l’instant pris aucun engagement ferme pour 2013. En outre, les négociations sur comment atteindre les 100 milliards en 2020 ont été repoussées aux calendes grecques avec le prétexte de la crise financière et économique. Pourtant, il existe des mécanismes financiers « innovants » permettant de mobiliser les financements climat nécessaires sans peser sur les budgets publics actuels [5].
A ce titre, Durban peut et doit impulser la création d’une taxe mondiale sur le fret maritime international qui permettrait à la fois de générer des financements climat et de réduire les émissions croissantes du secteur. Et ce, sans incidence nette sur les économies en développement.
Enfin, la Conférence de Durban doit mettre sur pied un programme de travail sur l’ensemble des sources de financements – notamment innovants - pour assurer l’alimentation du Fonds Vert sur le long terme, donnant suite aux décisions adoptées lors du sommet du G20 à Cannes.
Objectif #3
– S’assurer que la mise en œuvre des « accords de Cancún » soit efficace et bénéficie aux populations les plus vulnérables
Les « accords de Cancún » sont loin d’être satisfaisants mais ils ont permis de mettre sur pied quelques outils nécessaires au futur régime international de lutte contre les changements climatiques.
Les « accords de Cancun » ont débouché sur la création d’un Fonds Vert chargé d’héberger la majeure partie des financements climat, pour financer l’adaptation et l’atténuation dans les pays en développement. A Durban, il s’agira donc de lui donner corps sur la base des recommandations du Comité Transitoire qui a travaillé depuis un an sur le sujet. Les lignes directrices du Fonds vert devront garantir que les financements climat répondent aux besoins des communautés vulnérables dans les Pays les Moins Avancés et les Petits Etats-îles en Développement.
Concernant la lutte contre la déforestation, les « accords de Cancún » ont permis des avancées importantes sur le mécanisme dit de « REDD+ », mais des questions cruciales restent toujours en suspens quant à son mode de fonctionnement. A Durban, les pays devront donc prendre des décisions pour garantir le respect des exigences d’efficacité et d’équité dans la mise en œuvre du mécanisme REDD+ et sécuriser les finances nécessaires (de l’ordre de 30 milliards de dollars par an). Ce dernier devra non seulement permettre une réduction effective des émissions mondiales de gaz à effet de serre (et non pas engendrer un simple déplacement de la déforestation), mais aussi contribuer à renforcer les
droits et aspirations des peuples autochtones et communautés locales au développement social et économique. Enfin, il devra contribuer à préserver la diversité biologique et les services rendus par les écosystèmes forestiers tropicaux.
Les « accords de Cancún » offrent des opportunités de coopération globale renouvelée sur ces trois points de négociation. Ces derniers devront pouvoir se traduire en actions concrètes et dessiner la voie d’un développement sobre en carbone, en énergie et résistant aux impacts du changement climatique au Sud. La conférence de Durban devra donc à ce titre permettre de :
– donner corps au Comité pour l’adaptation afin qu’il soit efficace et représentatif de la diversité des enjeux liés à l’adaptation. Sa mission devra être de coordonner et d’orienter l’action mondiale de lutte contre les impacts du changement du climat dans les pays les plus vulnérables ;
– définir les contours des futurs plans nationaux d’adaptation au Sud ;
– mettre en cohérence et rendre opérationnel le Comité exécutif pour la technologie (CET) et le Centre et réseau des technologies pour le climat (CRTC), tous deux créés à Cancún ;
– créer un cadre international pour le renforcement de capacités en faveur des pays en développement.
Objectif #4
– Réconcilier les objectifs de réduction des émissions et la réalité scientifique pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C
Les objectifs de réduction des émissions pris aujourd’hui par les Pays sont loin d’être suffisants pour éviter un réchauffement climatique dangereux. En effet, selon les estimations, s’ils ne sont pas rehaussés, ils conduiront à un réchauffement planétaire compris entre 3°C et 5°C ce qui serait catastrophique et entrainerait des impacts dévastateurs sur toutes nos sociétés, nos économies, et notre cadre de vie.
Il faut que la conférence de Durban permette d’enclencher le processus de révision de ces objectifs qui datent dans leur majorité de fin 2009 et de la Conférence de Copenhague. Tout d’abord, il faut qu’à Durban soit décidé un objectif mondial de réduction des émissions d’au moins 80% à l’horizon 2050 avec une juste répartition de l’effort entre les pays et un pic des émissions au plus tard en 2015. Par ailleurs, les pays industrialisés sont loin des réductions nécessaires de 25% à 40% d’ici 2020 pour s’inscrire sur les trajectoires les plus ambitieuses du GIEC (limitation du réchauffement à 2°C). Ils doivent rehausser leurs objectifs au plus vite.
Pour être en mesure de suivre l’évolution des engagements de réduction de chaque pays, il faudra aussi que soit créé à Durban un système robuste et efficace de suivi, reporting et vérification (MRV en anglais). Ces mécanismes devront s’appliquer de manière différenciée aux actions de réduction d’émissions entreprises par les pays industrialisés et en développement. Il sera également nécessaire que les règles de MRV permettent d’effectuer un suivi efficace des financements de leur origine jusqu’à leur utilisation.
– UNEP, « Emissions Gap Report », 2010
Points de repères
– où trouver l’info pendant les négociations ?
ECO est le bulletin quotidien d’information édité par le Climate Action Network (CAN) à l’intention de tous les négociateurs et journalistes. Il décrypte chaque jour l’évolution des négociations et les positions des pays. A Durban, l’édition francophone paraîtra chaque jour en matinée et sera disponible sur les tables d’information et sur le site www.rac-f.org. Il sera également envoyé immédiatement à une liste de journalistes.
Le site www.rac-f.org sera constamment actualisé pendant la conférence de Durban. Consultez réguliérement les actualités en page d’acceuil, ou abonnez-vous au flux RSS pour suivre les éclairages et décryptages des ONG francophones sur le cours des négociations.
Le Fossile du Jour distingue les pays qui ont fait le plus d’efforts pour freiner ou bloquer le processus de négociation. Ce prix est décerné chaque jour des négociations par le Climate Action Network lors d’une cérémonie haute en couleur. A Durban, elle aura lieu chaque soir au stand du CAN International à 18h. Le Fossile du jour est à retrouver quotidiennement dans le bulletin ECO et sur le site du RAC-F.
Conférence de presse CAN International. Le Climate Action Network tient chaque jour une conférence de presse pour tenir informés les journalistes internationaux de l’état des négociations. Retrouvez tous les communiqués le planning et les vidéos
Contact
Marc MOSSALGUE
Information / Rédaction Réseau Action Climat France
Tel : +33 (0)1 48 58 83 92
Mob : +33 (0)6 67 24 12 34
« La transparence des négociations sur le Climat est vitale. La société civile apporte aux négociations le point de vue du terrain et le regard d’ensemble. : A Rio, on entendait : « Un des enjeux majeurs qui s’annoncent pour la communauté mondiale, dans son effort pour remplacer ses pratiques de développement insoutenables par un développement sain et respectueux de l’environnement, c’est la nécessité d’éveiller dans tous les secteurs de la société le sentiment d’un objectif commun ». Cette rencontre à DURBAN peut devenir une borne dans l’histoire de l’humanité et un tournant décisif dans les annales de la démocratie participative.
Selon les choix qu’ils feront, les dirigeants feront pencher la balance climatique de la planète d’un côté ou de l’autre. Or, le monde demande la conclusion d’un accord équitable, ambitieux et contraignant. Ce texte ne pourra être conclu qu’à trois conditions : réduire drastiquement les émissions, mettre suffisamment d’argent sur la table. Et établir la confiance entre les Nations.
Sur le plan des émissions, nombre d’experts soulignent que nous ne sommes pas sur la route qui nous permettra de limiter le réchauffement à 2°C. Au cœur du problème : les engagements pris par la plupart des pays industrialisés. Les promesses, notamment celles des USA, du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, vont plus contribuer à canaliser leurs ambitions et l’innovation qu’à réduire leur empreinte carbone. L’avenir s’assombrit encore si l’on intègre le fait que ces politiques ne seront efficaces qu’au prix d’une forte consommation d’air chaud et de crédits forestiers. Ces projets enferment la planète dans une économie carbonifère et sapent les fondations d’un véritable « green deal ». Sans changement de cap, la planète devra se préparer à supporter un climat vénusien. Le second point d’achoppement est la crise du financement de l’adaptation.
L’Union européenne a fait des propositions pour le long terme. La Norvège et le Mexique promeuvent l’idée d’un fonds vert. Mais, collectivement, les pays riches sont incapables de s’engager sur le montant de leur contribution.
Faute d’engagement et d’argent, il sera difficile d’établir un climat de confiance entre nations riches et pauvres. Dans ces négociations, la peur, la méfiance et la suspicion sont devenues la règle. Résultat : on ne discute plus du fond mais de l’architecture juridique de l’accord. Peut-on sortir de l’impasse ? Oui, il est encore temps. Il faudra, pour ce faire, que les Etats-Unis révisent à la hausse leurs objectifs. Ce qui n’a rien de chimérique ! Des études montrent qu’il leur serait plus facile de réduire leurs rejets de 18% en dix ans (par rapport à 1990) que de retourner sur la lune. Les autres parties devront mettre en œuvre des solutions créatives : généraliser les tarifs de rachat de l’électricité verte ; éradiquer les GES des produits de grande consommation ; créer un fonds pour financer la baisse des rejets carbonés diffus dans les pays en développement ; adopter un cadre réglementaire visant à rendre l’air chaud et les crédits forestiers additionnels ; faciliter le transfert vers le Sud des technologies propres, taxer l’aviation civile et le fret maritime, mettre aux enchères les quotas. »