Partant du constat que la croissance ne profite pas à tous de la même manière, le rapport Stiglitz sur la mesure de la richesse nationale recommande de compléter le produit intérieur brut par d’autres indicateurs axés sur l’individu et le développement durable. Le président de la République demande à l’Insee d’adapter son outil statistique. Il entend surtout porter les recommandations du rapport sur le plan mondial.
MISE A JOUR du 21 SEPTEMBRE 2010 – NOUVEAU LIVRE : Le rapport Stiglitz : pour une vraie réforme du système monétaire et financier international après la crise mondiale. Pour en savoir plus, cliquez ici. Le président Nicolas Sarkozy, qui avait installé la commission il y a 18 mois, lui a donné lundi un puissant écho en affirmant, dans un discours prononcé à l’ouverture d’un colloque à La Sorbonne, que la France porterait dans les instances internationales le débat sur une nouvelle mesure des performances économiques des nations . Installée en février 2008, la commission présidée par l’économiste américain Joseph Stiglitz ne conteste pas la valeur du produit intérieur brut, mesure universelle adoptée à l’échelle internationale dans l’immédiat après-guerre. Mais elle en identifie les limites et propose des indicateurs complémentaires pour mesurer le progrès social et le bien-être des individus, dans l’optique d’avoir des décisions politiques mieux adaptées. « Il faut améliorer notre mesure du PIB mais certainement pas le confondre avec une mesure de bien-être », a déclaré Joseph Stiglitz au nom des 22 membres de la commission, dont cinq prix Nobel. Le rapport souligne que l’écart entre de grands indicateurs comme la croissance, l’inflation ou le chômage et les perceptions qu’en a la population peut saper la confiance à l’égard des statistiques officielles. « En France, un tiers des citoyens à peine fait confiance aux chiffres officiels », relève-t-il. Ce thème est cher à Nicolas Sarkozy qui, dans son discours, a fustigé un « fossé très dangereux parce que le citoyen finit par penser qu’on le trompe ». « Pendant des années on a dit à des gens dont la vie devenait de plus en plus difficile que leur niveau de vie augmentait », a-t-il déclaré en ajoutant que la croissance s’était longtemps bâtie au détriment du développement durable. Le rapport formule 12 recommandations sur trois thèmes : la prise en compte des ménages dans l’analyse économique, la mesure de la qualité de vie et le développement durable. Alors que le PIB est la mesure de la production nationale et qu’il masque les disparités individuelles, le rapport propose d’analyser les revenus et la consommation en fonction des catégories d’individus et non plus d’une moyenne nationale. Pour l’analyse de la situation des ménages, il demande d’englober le patrimoine et de mesurer les activités non marchandes, par exemple l’apport d’une mère au foyer. Le chapitre sur la qualité de vie recommande l’utilisation d’indicateurs de bien-être portant sur la santé ou l’éducation mais aussi le niveau de démocratie ou encore de sécurité. Enfin, le rapport prône la création d’indicateurs monétaires de développement durable permettant de mesurer les ressources naturelles comme un stock humain et physique, avec l’idée de le préserver et de le transmettre aux générations futures. « Les indicateurs macro-économiques, tels que le PIB, l’inflation ou le pouvoir d’achat conservent toute leur pertinence, mais j’estime naturel que la statistique publique s’enrichisse de nouveaux indicateurs tenant mieux compte de l’évolution et de la disparité des niveaux de vie et des contraintes qui pèsent sur les ménages », a déclaré la ministre de l’Economie, Christine Lagarde, lors du colloque. Elle a formé le voeu que l’Insee, l’institut français de la statistique, s’engage à poursuivre chacune des recommandations de la commission Stiglitz pour donner l’exemple à l’étranger. Au niveau international, elle a souhaité que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), très impliquée dans les travaux de la commission, « mette rapidement en oeuvre des lignes directrices concrètes et que naissent les nouvelles statistiques du XXIe siècle ». « On est prêt et on sera fier d’accepter ce mandat », lui a répondu Angel Gurria, secrétaire général de l’OCDE. L’organisation tient fin octobre à Busan, en Corée, un forum mondial sur les statistiques qui devrait être l’occasion de faire avancer les recommandations de la commission Stiglitz. Egalement présent à la Sorbonne, Jacques Barrot, vice-président de la Commission européenne, a noté que les conclusions du rapport rejoignaient l’approche de Bruxelles et s’est félicité que « la France devienne une inspiration pour la Commission européenne et pour l’Europe. » « Nous avons l’intention de créer un cadre légal pour amener les Etats membres à adopter des comptes nationaux environnementaux et sociaux homogènes », a-t-il dit.Vidéo : la présentation du rapport par Joseph Stiglitz
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Rapport de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social remis hier au Président de la République à la Sorbonne. – Télécharger la synthèse du Rapport Stiglitz au format PDFLe rapport Stiglitz sera une « référence » pour l’Insee
Le rapport « novateur » de la commission Stiglitz qui recommande de mieux intégrer la notion de « bien-être » dans la mesure du progrès économique sera une « référence » pour les statistiques françaises, a affirmé lundi l’Insee dans un communiqué. Selon l’Institut national de la statistique, ce rapport est « un document de référence, qui influencera le cours de ses activités ». « Ce travail important et novateur aura très certainement un impact sur les travaux des instituts statistiques de par le monde », poursuit-il. Le directeur général de l’Insee, Jean-Philippe Cotis, membre de la commission présidée par le prix Nobel Joseph Stiglitz, estime que le document présenté lundi au président Nicolas Sarkozy « trace des perspectives prometteuses pour la statistique publique ». Il fait valoir que l’institut français a « d’ores et déjà ouvert la voie », citant notamment la publication de données sur le revenu et la consommation par catégories de ménages.