Les 50 sites industriels les plus polluants sont responsables à eux seuls de 7,3% des émissions françaises de gaz à effet de serre en 2023, auxquelles s’ajoutent les pollutions de l’air, de l’eau et des sols, aux lourdes conséquences non seulement sur le climat, mais aussi sur notre santé à tous et toutes, notamment pour les personnes vivant à proximité de ces sites. Ce rapport, rédigé par le Réseau Action Climat avec la contribution de France Nature Environnement, identifie ces 50 sites, leurs stratégies de décarbonation, les investissements nécessaires mais aussi les aides publiques déjà reçues, et les plus mauvais élèves en matière de respect des règlementations environnementales.
Pour la deuxième année consécutive, le Réseau Action Climat a réalisé un état des lieux de la transition écologique de l’industrie française, responsable de 17,5 % des émissions nationales. L’accent a été mis sur les 50 sites industriels les plus polluants, responsables à eux seuls de 7,3 % des émissions nationales de gaz à effet de serre en 2023. Ce rapport examine les stratégies de décarbonation, les investissements nécessaires et les aides publiques déjà versées à ces 50 sites.
France Nature Environnement s’est associée à l’écriture du rapport pour souligner que l’impact de l’industrie sur l’environnement ne se limite pas au climat : certains des 50 sites sont aussi responsables de pollutions de l’air, de l’eau et des sols pouvant avoir des conséquences graves sur la biodiversité et la santé humaine. Ce rapport présente également un bilan des infractions environnementales commises par de grandes entreprises industrielles en France, dont ArcelorMittal, partenaire des Jeux Olympiques
L’accent a été mis sur les 50 sites industriels les plus polluants. Ce rapport a été rédigé en mai 2024, avant la tenue des élections européennes du 9 juin et la dissolution de l’Assemblée nationale qui s’en est suivie1. Les constats et recommandations du Réseau Action Climat sont les suivants :
- 1- L’industrie n’a pas encore entrepris sa décarbonation et affiche des réductions d’émissions portées par la baisse de la production en France. Avec une réduction des émissions de 7,8% entre 2022 et 2023, l’industrie est l’un des secteurs économiques qui a le plus réduit ses émissions en France
mais cette réduction repose pour moitié 2 sur la baisse de la production de produits tels que le ciment et l’acier. Ainsi, l’industrie doit encore prouver que sa décarbonation est engagée et pérenne.
- 2 – La planification écologique orchestrée par le gouvernement a donné lieu à l’élaboration, par les entreprises de l’industrie, de feuilles de route de décarbonation des 50 sites les plus émetteurs de gaz à effet de serre. Ce travail est désormais en cours sur plus d’une centaine de sites industriels. En dépit du manque de transparence envers la société civile sur le contenu de ces feuilles de route, que le Réseau Action Climat a de nombreuses fois dénoncé, les rares éléments rendus publics donnent un aperçu de l’orientation prise par l’industrie pour se décarboner : le recours aux solutions technologiques. Or, la réduction d’émissions attendue pour 2030 (-36,5% par rapport aux niveaux de 2023) requiert une transformation digne d’une révolution industrielle reposant sur des évolutions de procédés, mais aussi sur l’économie circulaire et la sobriété, deux leviers de décarbonation indispensables qui doivent être bien davantage investis par les industriels.
Le Réseau Action Climat demande aux pouvoirs publics des garanties solides en échange de cette aide publique avec entre-autres :
- respecter la stratégie de décarbonation,
- fixer une date d’arrêt des hauts fourneaux au charbon,
- éviter tout verrouillage carbone (rénovation et captage des émissions des hauts fourneaux etc.)
- 3 – Les technologies de captage, stockage ou d’utilisation du carbone industriel sont de nouveau plébiscitées par les entreprises mais présentent de nombreuses limites, qui en font une solution de dernier recours, pour réduire les émissions résiduelles qui ne peuvent être supprimées ou évitées, une fois les autres solutions de décarbonation déployées. En raison de ce rôle secondaire, les investissements doivent se concentrer sur les leviers principaux de décarbonation de l’industrie plutôt que sur celui-ci.
Par ailleurs, l’orientation de l’industrie française vers des solutions de captage du carbone doit faire l’objet d’un débat public, d’autant plus dans le contexte actuel d’explorations des capacités de stockage de CO2 dans le sous-sol français.
- 4 – L’impact des stratégies de décarbonation des industriels sur les emplois et compétences ne semble pas avoir été évalué par les industriels dans le cadre du travail des feuilles de route. Cette dimension doit être anticipée au plus vite pour les salariés et faire l’objet d’un dialogue social pour garantir une transition écologique juste.
- 5 – La révolution industrielle nécessaire pour opérer la décarbonation de l’industrie existante nécessite d’importants investissements, évalués par l’Institut Rousseau à 48 milliards d’euros d’ici 2050, avec un déficit d’investissement actuellement évalué à 27 milliards d’euros. Le soutien financier de l’État est donc essentiel pour assurer la décarbonation de l’industrie. Néanmoins, ce soutien ne doit plus se faire sans contrepartie des industriels sur la tenue d’engagements environnementaux et sociaux.
- 6 – Alors que la problématique de l’impact de l’industrie sur le climat semble avoir été prise en main par les pouvoirs publics, ce n’est pas le cas des autres pollutions générées par les activités industrielles, qui ont des impacts délétères sur la santé des riverains et travailleurs. Parmi les 50 sites, beaucoup commettent des infractions environnementales, notamment en raison du manque de contrôles que le Réseau Action Climat recommande d’augmenter à un minimum de 30 000 par an. Les sanctions financières doivent également être revues à la hausse pour devenir réellement dissuasives, cela peut par exemple prendre la forme d’une sanction proportionnelle au chiffre d’affaires de l’entreprise.
- 7 – ArcelorMittal, fleuron de l’acier de haute qualité en France, illustre parfaitement la nécessité de conditionner les aides publiques. Malgré une stratégie de décarbonation imprécise, incomplète (peu
d’informations ont été communiquées sur la décarbonation du site de Fos-sur-Mer), mouvante et contradictoire (construction de nouveaux hauts fourneaux au charbon dans d’autres pays) ainsi que de multiples infractions environnementales ayant des conséquences néfastes sur les populations riveraines des mines et sites sidérurgique du groupe, ArcelorMittal France devrait recevoir une aide publique à la décarbonation s’élevant à 850 millions d’euros.
- La mention « gouvernement » dans le texte fait référence au gouvernement d’Elizabeth Borne puis de Gabriel Attal, sans distinction, étant donné que la politique industrielle a été poursuivie, notamment
avec le maintien de Bruno Lemaire, en tant que Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, et de Roland Lescure en tant que ministre délégué chargé de l’industrie. ↩︎ - Haut Conseil pour le Climat. (2024). Tenir le cap de la Décarbonation, protéger la population – Rapport annuel 2024 ↩︎