Pour la première fois, une étude internationale publiée dans la revue Nature, montre des évolutions significatives des débits de crue sur le continent européen sur un demi-siècle. Irstea y a contribué en apportant son expertise sur les stations hydrométriques et sur l’impact du changement climatique sur les régimes des cours d’eau.
Les inondations dues aux crues des rivières causent des dégâts considérables : au niveau mondial, l’estimation de leur coût annuel dépasse les 100 milliards de dollars, un chiffre qui continue d’augmenter. Mais dans quelle mesure le changement climatique affecte-t-il l’intensité des crues ? Jusqu’à présent, les études existantes n’avaient pas permis d’identifier des tendances cohérentes à une échelle continentale, notamment à cause de la faible couverture spatiale des stations hydrométriques[[Une station hydrométrique est un dispositif de mesure installé sur un cours d’eau ou un réservoir d’eau permettant d’évaluer en continu le débit.]].
Cette nouvelle étude a impliqué 35 groupes de recherche européens, et a bénéficié d’une base de données contenant les pics de crue enregistrés sur plus de 3700 stations hydrométriques, dont un peu plus de 200 en France. Les résultats montrent que les changements observés durant les dernières décennies en Europe sont en partie dus au changement climatique. Cependant, les effets sont différents selon les régions : les chercheurs ont constaté une augmentation des débits de crue dans le nord-ouest de l’Europe alors qu’ils diminuent dans le sud et l’est de l’Europe.
Le changement climatique : un facteur décisif
De précédentes recherches[[Article : Découverte : les périodes des crues en Europe, perturbées par les changements climatiques]] avaient déjà montré que le changement climatique modifiait la saison des crues. L’objectif de cette étude était de déterminer si le changement climatique avait également une influence sur l’intensité des crues. Pour cela les chercheurs ont évalué les données de 3738 stations hydrométriques en Europe sur une période de 50 ans (1960-2010). Les résultats montrent différentes tendances. En Europe centrale et dans le nord-ouest (entre l’Islande et l’Autriche), le débit des crues augmente du fait d’une hausse des précipitations et d’une humidité accrue des sols. A l’inverse, l’amplitude des crues diminue dans le sud de l’Europe car le changement climatique induit une diminution des précipitations et une augmentation des températures causant une augmentation de l’évaporation de l’eau dans les sols. En Europe de l’est, qui bénéficie d’un climat plus continental, le débit des crues diminue également à cause de chutes de neige plus faibles en hiver associées à des températures plus hautes. En France, le nord (jusqu’au bassin versant de la Loire) est en partie concerné par la tendance à l’augmentation des crues constatée sur la partie Nord-Ouest de l’Europe. Alors que le sud (hors Alpes) est plus concerné par une diminution des crues. Cependant, les crues des petits cours d’eau et le risque d’inondation par ruissellement peuvent être plus importants à cause de l’augmentation de la fréquence des orages.Des variations importantes de débit de crue
L’ampleur du changement du débit des crues est conséquente : sur 5 décennies analysées, les observations vont d’une diminution du niveau des crues jusqu’à 23% à une augmentation jusqu’à 11% sur l’ensemble du continent européen. Si ces tendances se confirment dans le futur, elles auront des effets majeurs sur le risque inondation dans de nombreuses régions d’Europe, la gestion du risque (zonages, mesures de prévention et protection) devra alors être adaptée à cette nouvelle réalité.Publication : – G. Bloeschl et al., Changing climate both increases and decreases European river floods, Nature, 28 août 2019
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Irstea – Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture – est placé sous la double tutelle des ministères en charge de la recherche et de l’agriculture. Il concentre ses recherches sur l’eau, les écotechnologies et l’aménagement des territoires. Sur un modèle de recherche « finalisée », il a pour vocation de répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux d’aujourd’hui et de demain. En collaboration constante avec les entreprises, il est labellisé « Institut Carnot ». Le 1er janvier 2020, l’Inra et Irstea seront réunis dans un établissement unique pour porter une ambition renouvelée en recherche, innovation, expertise et appui aux politiques publiques pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.