Ex « ville la plus polluée du monde », Mexico fait aujourd’hui figure d’exemple pour les mégapoles qui luttent contre la pollution atmosphérique. Limitation de la circulation, transports propres, pistes cyclables, vélos et autos électriques en libre-service, éclairage public intelligent, meilleure gestion des déchets, développement du végétal… La ville actionne tous les leviers.
Au début des années 1990, Mexico est officiellement désignée par les Nations Unies « ville la plus polluée du monde ». La situation environnementale de la ville est alors critique. On retrouve dans les parcs urbains des centaines d’oiseaux morts, empoisonnés par la pollution. Certains jours de janvier, l’air est tellement irrespirable que des écoles doivent fermer.
En 2008, Mexico génère à elle seule 1,5 % des gaz à effet de serre de la planète. Le nombre de décès liés à la mauvaise qualité de l’air de l’agglomération est alors estimé entre 4 000 et 22 000 par an selon les études. La commission des droits de l’homme de Mexico évoque même une « violation du droit à un environnement sain » et souligne que 80 % des émissions proviennent des transports et des voitures particulières.
Des handicaps cumulés
Il faut dire qu’en matière de pollution, la capitale mexicaine cumule les handicaps. C’est d’abord l’une des plus grandes mégapoles du monde : une agglomération de 22 millions d’habitants, dont neuf millions pour la ville même, où circulent chaque jour cinq millions de véhicules. C’est aussi une ville industrielle où se sont implantées, au cours de la seconde moitié du XXe siècle, des raffineries, des cimenteries et d’autres entreprises polluantes. Les émissions de gaz à effet de serre et de particules d’origine automobile et industrielle sont donc importantes. La situation géographique particulière de la cité n’arrange rien : Mexico est située à plus de 2 200 mètres d’altitude, au centre d’une cuvette entourée de volcans et de montagnes, ce qui ne favorise pas la ventilation naturelle du site. De plus, le taux réduit d’oxygène à cette altitude limite l’efficacité de la combustion et les moteurs des véhicules génèrent plus de gaz imbrulés et de particules polluantes. Des substances qui interagissent ensuite avec les UV, présents en plus grande quantité qu’au niveau de la mer, et favorisent la formation d’ozone. De plus, ces éléments polluants tendent à se concentrer dans la poche naturelle qui abrite la ville, les vents dominants étant arrêtés par les sommets qui l’entourent. Résultat : la persistance d’un épais « smog », un nuage de pollution qui a du mal à se dissiper, en particulier durant la période hivernale – durant laquelle l’absence de réchauffement du sol ne permet pas de générer des courants ascendants favorisant sa dispersion. A l’inverse, l’air chaud qui surplombe la vallée, appelé « couche d’inversion », empêche l’évacuation de la pollution, tandis que l’urbanisation a fait monter la température de la ville de 5°C en un siècle.Des mesures volontaristes
En 2008, le gouvernement fédéral de Mexico décide de s’attaquer frontalement à ce défi. L’ancien maire de la ville, Marcelo Ebrard (2006-2012), lance un ambitieux « Plan Verde » visant à réduire les émissions de sept millions de tonnes de CO2 d’ici à la fin de son mandat. L’objectif est atteint et même dépassé, ce qui vaut à l’édile d’être désigné en 2010 « meilleur maire du monde » par la fondation internationale City Mayors. Le programme écologique de son successeur, Miguel Angel Mancera (2012-2018), va encore plus loin : il vise une baisse des émissions de dix millions de tonnes de CO2 d’ici à 2020. Son « programme d’actions climatiques 2014-2020 » prévoit 70 mesures de lutte contre la pollution. La continuité de ces efforts vaut à la ville le prix 2013 de la qualité de l’air du C40 Cities Climate Leadership Group, réseau international de 75 mégapoles confrontées à des problèmes similaires. Au niveau national, le Mexique a également adopté, à l’unanimité de tous les partis politiques, la loi générale sur le changement climatique qui compte réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30 % d’ici à 2020 et de 50 % d’ici à 2050 par rapport à leur niveau de l’an 2000. Dans le cadre du « plan vert », les industries lourdes (raffinerie, cimenterie, etc.), implantées à la périphérie de Mexico, ont été fermées. Le carburant sans plomb a été introduit et des aides ont été versées pour inciter les habitants à s’équiper d’un pot catalytique ou à changer de voiture. Reconnue pour ce combat écologique, Mexico a même été le lieu de la deuxième conférence Women4Climate du C40 en Février 2018. Le C40, présidée par la maire de Paris Anne Hidalgo depuis 2016, est l’organisation créée en 2005 qui rassemble plus de 80 des plus grandes villes du monde qui veulent travailler de concert pour lutter contre le dérèglement climatique. C’est à l’occasion de cette conférence que la maire de Rome Virginia Raggi a annoncé son plan de lutte contre la pollution dans la Ville éternelle.Transports propres
Le programme de circulation alternée « Hoy no circula », limitant les déplacements en voiture un jour par semaine, a aussi permis de réduire les émissions. Après de multiples évolutions, les limitations de circulation fonctionnent aujourd’hui selon un système de vignettes dont la couleur dépend directement des émissions du véhicule, mesurées lors d’un contrôle. Les vieilles voitures qui polluaient le plus ont ainsi disparu du centre-ville. Les transports publics ont également été développés. Une nouvelle ligne de métro a été ouverte. Un réseau de bus propres, roulant au gaz naturel, baptisé Metrobús, quadrille désormais les rues principales de Mexico, tandis que des taxis électriques sillonnent le centre-ville. La mégapole s’est également dotée de plus de cinquante kilomètres de pistes cyclables et les bicyclettes publiques en libre-service « Ecobici » jalonnent les trottoirs mexicains. « Reprendre les rues aux voitures est notre priorité », affirme ainsi Tanya Müller, maire adjointe de Mexico en charge de l’environnement. La ville a également mis en place « Carott », un système d’autopartage de voitures électriques et hybrides rechargeables en libre-service, inspiré de l’Autolib’ parisien. Mais le chantier reste titanesque dans cette agglomération tentaculaire, où la population, et donc le parc automobile, continuent inexorablement à augmenter. La ville produit aussi plus de 12 000 tonnes de déchets par jour. Pour relever cet autre défi écologique, la mairie a rendu le tri sélectif obligatoire et fermé le Bordo Poniente, une des plus grandes déchetteries à ciel ouvert du monde. La ville s’est également équipée de technologies de pointe dans la récupération du biogaz dérivé de la décomposition des déchets, mais aussi dans le recyclage et le compostage, pour fournir de l’électricité, des combustibles et des engrais.Eclairage intelligent
Pour réduire encore la combustion, la ville sait qu’elle doit privilégier les énergies décarbonées, l’usage de l’électricité et des énergies renouvelables. Afin de diminuer ses consommations d’énergie et ses émissions de CO2, la capitale mexicaine a ainsi lancé un vaste plan de modernisation de son éclairage urbain. Sur deux des trois zones de Mexico City, c’est une entreprise française, Citelum, spécialisée dans l’éclairage urbain, qui a remporté l’appel d’offre. En juillet 2017, l’entreprise a ainsi signé avec Mexico un « partenariat public-privé » d’une durée de six ans et d’un montant de 130 M€ pour la modernisation, le financement et la gestion de l’éclairage dans un périmètre intégrant notamment le centre historique, les grands boulevards et le Bois de Chapultepec. Au total, plus de 43 000 points lumineux seront rénovés dont 12 500 équipés de la technologie LED. L’ensemble du parc d’éclairage sera recensé sur la plateforme de gestion de Citelum (Muse) permettant un suivi en temps réel et une planification rapide des interventions de maintenance. Ce contrat s’ajoute à celui déjà détenu depuis 2010 par l’entreprise française dans la capitale mexicaine. La qualité de service et les résultats délivrés après cinq années d’exploitation ont été déterminants dans le choix de la ville. Grâce à la rénovation de près de 37 000 points lumineux, Mexico a en effet déjà pu réduire de 44 % sa facture énergétique sur la partie rénovée et diminuer son taux de panne de luminaires de 59 % à 0,9 %. « Ce contrat avec Mexico est le fruit de notre engagement auprès de notre client et des résultats de nos équipes sur le terrain », explique Carmen Munoz-Dormoy, directrice générale de Citelum. « Nous sommes très fiers d’accompagner les actions d’efficience énergétique de la ville qui soutient l’Accord de Paris et la lutte contre le changement climatique. Notre capacité à structurer le financement du projet a été aussi décisive ». Le développement de l’éclairage à faible consommation et de l’éclairage intelligent est aujourd’hui l’un des leviers sur lesquels agissent les villes pour renforcer leur action en matière d’efficacité énergétique et mettre en place des systèmes énergétiques plus durables.Poumon vert et murs végétaux
Pour apporter de la fraîcheur et absorber une partie du CO2, Mexico a également décidé de miser sur le végétal. Déjà, dans le cadre du « Plan vert », la ville a planté 500 000 végétaux. Mais elle a voulu aller plus loin : « manquant de place, nous avons eu l’idée de construire des espaces verts en hauteur », explique Tanya Müller. Le programme « Azoteas verdes » (toits verts) compte ainsi des dizaines de milliers de mètres carrés de jardins qui poussent sur les toits des bâtiments publics et des terrasses des sièges d’entreprises. Selon Tanya Müller, « ces espaces verts créent un microclimat qui fait baisser la température ambiante mais aussi un micro-habitat animal qui améliore la biodiversité et la qualité de vie des habitants ». Mexico a aussi entrepris de préserver l’immense zone naturelle qui joue le rôle de poumon vert au cœur de la ville : Xochimilco. Une petite Camargue, avec des marais et des étangs, d’une superficie égale aux deux-tiers de Paris. « C’est le dernier site naturel de Mexico. Il participe au règlement du climat de la ville et contribue à réguler la température pour les habitants », indique Clara Barclay, de l’Agence française de développement, qui travaille sur ce projet. Un ambitieux programme de reforestation des aires naturelles protégées de la capitale a également permis de replanter plus d’un million d’arbres. Un collectif de citoyens a même lancé un projet baptisé « Via Verde ». « Nous nous sommes organisés pour transformer les colonnes du plus long viaduc du périphérique de Mexico en 60 000 mètres carrés de jardins verticaux », explique Fernando Ortiz Monasterio, l’architecte à l’origine de cette initiative, qui a séduit des sponsors privés et des entreprises spécialisées dans l’aménagement du territoire. Pour recouvrir les 1 000 piliers du viaduc, il a fallu concevoir un substrat spécial, à partir de bouteilles en plastique recyclé, ainsi qu’un système d’irrigation alimenté par l’eau de pluie. « 10 % de la surface des jardins verticaux est allouée aux panneaux publicitaires des sponsors et permettent de financer l’installation et l’entretien des plantes », précise l’architecte. Un modèle économique qui se veut donc, lui aussi, durable. Contacter l’auteur de l’article : Henri CaronAller plus loin
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