Presse, télé, radio… le développement durable investit l’ensemble des supports. Un nouvel espace d’expression pour les annonceurs. À certaines conditions.
Le 12 novembre dernier, dans 23 pays, le journal Metro saluait d’un numéro « vert » l’ouverture de la conférence du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Le gratuit n’est certes pas le premier titre de presse écrite à sortir le drapeau vert. La tendance gagne depuis plusieurs mois la plupart des supports et, plus généralement, les grands médias. Y compris aux états-Unis, où l’on voit les chaînes TV céder dans un bel unisson au credo écolo. NBC propose ainsi, depuis le 4 novembre, 150 heures de programmes sur l’écologie : infos, séries, talk-shows, publicités, etc. Modèle systémique En France, l’injonction émane des plus hautes sphères. Le ministre de l’écologie, du Développement et de l’Aménagement durables Jean-Louis Borloo l’a clamé haut et fort lors du Grenelle de l’environnement : il est temps de rénover le traitement de l’écologie dans les grands médias. Et, semble-t-il, la sauce prend. On dépasse le concept strictement écolo (Thalassa, Ushuaïa, National Geographic, etc.) pour aborder la problématique plus complexe du développement durable. Des embryons de chaînes télé et radio fleurissent, pour l’instant encore souvent largement adossées au Web : Fréquence terre, Gaïa Network, Canal23, Terre TV… Pour Alice Audoin, responsable développement durable d’Havas Media France, les médias ne pourront prétendre au titre de haute responsabilité environnementale qu’à une condition : « L’équation médias/développement durable induit des contenus, mais aussi des processus. Les premiers n’auront pas de valeur sans les seconds. » Plus que tout autre impératif économique, le développement durable se définit sur un modèle systémique : il n’a de sens que dès lors qu’on l’aborde de manière globale. « Une entreprise liée au développement durable, quelle qu’elle soit, ne sera pérenne que si elle remplit trois exigences : être économiquement viable, écologiquement vivable et socialement équitable », résume Mondher Abdennadher, directeur général de Deep Blue (Aegis Media). Une logique dont les consommateurs sont les premiers zélateurs. Quelles conséquences pour l’annonceur ? Il lui faudra tout bonnement éviter d’injecter son budget de communication dans un média, même le plus militant, si celui-ci ne respecte pas certaines règles de production et de fabrication. C’est parce qu’il a été le premier groupe de télévision à faire son bilan carbone antenne que TF1 peut plus légitimement que d’autres annoncer le lancement de deux émissions dans la mouvance écolo. L’une, diffusée dès janvier 2008 sur TF1, sera animée par la navigatrice Maud Fontenoy, l’autre sera programmée sur Ushuaïa TV et présentée par l’animatrice Christine Oberdorff. Seulement voilà, où fixer le seuil de tolérance ? On aura beau exiger d’une chaîne qu’elle engage des artistes et animateurs locaux pour limiter les transports, qu’elle utilise un éclairage basse consommation, des caméras à manivelle, qu’elle fasse venir à Vélib ses invités jusqu’à ses plateaux écoconçus, son impact carbone indirect restera toujours indexé sur le nombre de postes de télévision allumés. Même souci pour la presse écrite. Des journaux imprimés sur papier recyclé, très bien. Mais quels sont les procédés de blanchiment utilisés ? Des titres accessibles à tous, certes. Mais pourquoi accepter une diffusion en kiosques qui génère des tonnes d’invendus ? Autant de questions auxquelles les éditeurs de presse pourraient bientôt avoir à répondre de manière très précise. Depuis le pionnier Valeurs vertes, bimestriel présent en kiosques depuis 1992, dont la vocation est de « réconcilier l’économie et l’environnement », jusqu’au tout récent Développement durable, lancé le 23 octobre dernier et tiré à 100 000 exemplaires, la presse environnement a vu naître beaucoup de titres : Ithos, La Revue durable, Environnement magazine, Idéo mag, etc. Toutes ces publications, souvent portées par une foi militante, doivent répondre à une équation paradoxale : vivre grâce aux annonceurs alors qu’elles s’inscrivent dans une logique de remise en cause des modèles commerciaux traditionnels. « Certaines connaissent de réelles difficultés. Pas facile d’attirer les annonceurs, même « propres », avec des tirages parfois limités à 2000 ou 3 000 exemplaires », commente Cyrille Souche, fondateur de M & C, agence-conseil en communication spécialisée dans le développement durable, et créateur du site Web Cdurable.info. Ce pari économique, Hervé Pointillart l’attaque de front. Le 8 novembre dernier, l’éditeur du mensuel Femme en ville inaugure Néoplanète, bimestriel gratuit tiré à 300 000 exemplaires et distribué notamment dans les boulangeries et les magasins Virgin. « Notre ambition n’est ni de sortir un bulletin paroissial, ni de nous positionner en donneurs de leçons. Nous sommes sur une ligne grand public, tendance optimiste », explique-t-il. Le gratuit compte 48 pages, dont 8,5 de publicité, vendues à 9 annonceurs : BNP, Veolia, Gaz de France, Yves Rocher, La Poste, Soluvert, Jardin bio, Tetra Pak et HSBC. « On a ramé. Normal pour un premier numéro », confie Hervé Pointillart. « Soyons clairs : il existe encore peu d’espaces affinitaires pour des entreprises qui souhaiteraient communiquer largement sur le développement durable. Mais faut-il qu’elles aillent en priorité vers les supports ou les médias spécialisés ? Les marques trouveront plus légitimement leur place dans le durable si celui-ci ne reste pas l’affaire de militants ou de communautés associatives », explique Mondher Abdennadher. Autrement dit, les annonceurs ont tout intérêt à s’orienter vers des lieux d’expression généralistes, pour peu qu’ils témoignent de leur intérêt à la chose en développant des programmes, des rubriques ou des contenus spécifiques. Et ceux-ci ne manquent pas : Touche pas à ma planète sur Direct 8, Attention fragile sur France 5, Terre-mère sur LCI, Planète environnement sur France info, CO2 mon amour sur France inter… « La tendance est davantage à l’intégration des problématiques du développement durable par les médias généralistes qu’au développement de médias spécialisés. Cela signifie sans doute que le développement durable entre dans la vie des gens au même titre que l’économie, le social, la culture », remarque Cyrille Souche. Muriel Jaouën