Nouvelle interrogation concernant les Limites Maximales de Résidus de pesticides dans les aliments : Générations futures et la branche européenne de Pesticide Action Network (PAN-Europe) révèlent comment dans ses calculs la Commission européenne divise artificiellement par 2 les quantités de pesticides retrouvés dans les aliments pour faire chuter le nombre de dépassements de ces LMR… sur le papier !
On se souvient qu’il y a quelques années une polémique avait fait rage en Europe lors de l’harmonisation des Limites Maximales de Résidus (LMR) pour les résidus de pesticides dans les aliments. A l’époque beaucoup d’ONG européennes avaient protesté contre le relèvement d’un grand nombre de LMR à cette occasion, permettant ainsi à de plus grandes quantités de pesticides d’être tolérées dans les aliments dans l’UE . Aujourd’hui, Générations Futures révèle un nouveau tour de passe-passe de la Direction Générale Santé consommation (DG Sanco) qui à la Commission européenne est en charge du suivi des résidus de pesticides dans les aliments. Les explications de Générations Futures : « Pour prendre en compte l’incertitude analytique des laboratoires analysant les résidus de pesticides et les différences éventuelles entre les laboratoires, la DG SANCO a, dans un document guide officiel [[SANCO Document 10684/2009 on Method Validation and Quality Control procedures for pesticide residue analyses.]], arrêté la valeur de l’incertitude analytique à +/- 50% de la valeur mesurée (X). Ainsi, pour une valeur mesurée de X = 2 mg/kg, l’intervalle d’incertitude est compris entre 2 -1 et 2+1 ( 50% de 2 = 1). L’intervalle d’incertitude est donc compris dans cet exemple entre 1 et 3 mg/kg. Jusque-là tout va bien…. » « Le tour de passe-passe intervient ensuite et il est énorme : la DG Sanco considère arbitrairement que la valeur qui sera retenue pour juger d’un éventuel dépassement de LMR est – non la valeur mesurée mais – la valeur inférieure de cet intervalle (valeur mesurée – 50%) soit dans l’exemple ci-dessus 1mg/kg, au lieu des 2 mg/kg mesurés ! Le truc est énorme : Il s’agit ni plus ni moins que de diviser la valeur mesurée par 2 avant de la comparer à la LMR ! On se doute qu’avec cette méthode les dépassements de LMR vont diminuer…mais artificiellement. La DG Sanco demande aux Etats membres de l’UE d’appliquer cette méthode ». « En matière de LMR pour les pesticides la DG Sanco a inventé la machine à diviser par 2 les quantités de pesticides retrouvées dans les aliments! Cela revient dans les faits à doubler la tolérance par rapport aux résidus de pesticides et à exposer la population européenne à des quantités toujours plus grandes de ces produits toxiques dans leur alimentation ce qui est un pur scandale » déclare François Veillerette, Porte-parole de Générations Futures. Résultats en France, selon François Veillerette : « cette disposition, applicable depuis la campagne d’analyses 2010 dont Générations futures vient de se procurer les résultats qui viennent juste d’être publiés [[Note d’information n°2012-105 de la DGCCRF.]], conduit à une chute artificielle du pourcentage de fruits et légumes contenant des pesticides au-delà des LMR : 1.5% en 2010 contre 3% en 2009 ! Cette baisse ne correspond pas à une amélioration de la situation mais uniquement à l’application de l’artifice de calcul demandé par la DG Sanco. En effet, dans le même temps le pourcentage des fruits et légumes contenant des pesticides a pourtant augmenté de 37,9% en 2009 à 40,7% en 2010 mais le tour de passe-passe de la DG Sanco a permis de faire croire à une amélioration concernant les dépassements de LMR grâce à un artifice de calcul ! » François Veillerette note que « la France applique de plus les directives de la DG Sanco de manière surprenante, en ne considérant comme dépassement de la LMR que les valeurs > 150% de la LMR, ce qui est ‘moins pire’ que ce que l’UE préconise, mais de tout de façon négatif (et en plus fantaisiste !) ». « Nous demandons que l’Union Européenne mette en place des dispositions protectrices de la santé publique en matière de résidus de pesticides en considérant que la valeur analytique mesurée augmentée de la valeur d’incertitude de 50% soit la valeur retenue pour la comparaison avec la LMR et non pas la valeur basse de la fourchette comme actuellement car l’incertitude doit bénéficier à la protection de la santé et pas aux fabricants de pesticides ! » conclut François Veillerette. Dans LE MONDE daté du 21 décembre 2012, Stéphane Foucart apporte la réponse des autorités françaises sur ce dossier : A la DGCCRF, on ne nie pas que l’application des recommandations de Bruxelles a joué un rôle, mais on précise qu’il peut être trompeur de comparer ces chiffres dans le temps, car les « LMR, qui sont propres à chaque pesticide, peuvent changer d’une année sur l’autre ». Quant au choix de prendre la limite inférieure de l’incertitude de mesure pour fixer le dépassement de la limite autorisée, il est justifié par la nécessité d’harmoniser les mesures et de mettre sur pied un référentiel commun aux Vingt-Sept. La DGCCRF précisant : « L’adoption de la limite inférieure de la fourchette d’incertitude comme valeur de référence permet aussi de s’assurer qu’aucune sanction ne sera prononcée à tort contre un producteur ». « Le commerce au détriment de la santé ? » s’interroge Stéphane Foucart. « Les seuils sanitaires sont situés au-dessus des LMR, lui répond-on à la DGCCRF. Les LMR sont plutôt des seuils qui s’assurent que les bonnes pratiques d’utilisation des pesticides sont bien respectées par les producteurs, notamment pour protéger l’environnement. » … Pour en savoir plus : – Lire l’article dans le Canard Enchaîné de cette semaine (19/12/12) – Lire l’article « quand Bruxelles joue avec les chiffres » sur le site du Nouvel Obs – Ecoutez le journal de France Inter de 8h (à partir de la 12ème minute) diffusé le 19/12/12 :
Les quantités de pesticides retrouvés dans les aliments sont-elles divisées par 2 ?
Merci pour cet article bien instructif.
On n’arrête pas de nous mentir…jusqu’au prochain scandale sanitaire.
Face à ces industries qui n’ont d’autre souci que le profit, cultivons et mangeons bio et élimions ainsi ces produits toxiques de nos assiettes.