L’augmentation de l’incidence de certains cancers hormono-dépendants (sein, prostate) et les craintes sur la fertilité humaine en raison d’une baisse de la qualité du sperme et d’une hausse des malformations génitales masculines et du cancer du testicule, suscitent d’importants débats. Quelles en sont les causes ? Le mode vie occidental peut-il être une explication à la multiplication de ces maladies d’origine environnementale ? Les substances qualifiées de « perturbateurs endocriniens » sont fortement soupçonnées de jouer un rôle important. Mais qu’en est-il véritablement ?
C’est cette question que le sénateur Gilbert Barbier a souhaité élucider dans le cadre de son rapport intitulé « Les perturbateurs endocriniens, Le temps de la précaution » et approuvé mardi par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) [[L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), composé de 18 députés et 18 sénateurs, a pour mission d’informer le Parlement et d’évaluer les lois et les politiques publiques de son ressort. Il est assisté d’un conseil scientifique de 24 experts de réputation internationale.]]. Dans ce rapport, Gilbert Barbier rappelle que les inquiétudes relatives aux perturbateurs endocriniens proviennent de l’augmentation importante et non encore expliquée de maladies liées au système hormonal comme certains cancers ou des problèmes de fertilité. En France, l’incidence du cancer du sein a doublé depuis 1980. Il en serait de même du cancer du testicule dans les pays développés depuis 1970. En matière de fertilité, les chercheurs s’inquiètent d’une possible combinaison d’une baisse de moitié du nombre de spermatozoïdes et d’une augmentation des malformations génitales masculines. Le rapport souligne que les données scientifiques disponibles rendent crédible un lien de causalité entre ces maladies et l’action de substances perturbant le système endocrinien. En effet, l’impact avéré de certaines de ces substances sur les animaux sauvages, l’analogie avec des produits comme le Distilbène ou la chlordécone et plusieurs publications académiques vont dans ce sens [[Le Distilbène est un médicament prescrit à des femmes enceintes jusqu’en 1977, à l’origine de malformations sur deux générations. La chlordécone est un pesticide abondamment utilisé aux Antilles et mis en cause dans les cancers de la prostate.]] Cependant, les incertitudes restent nombreuses notamment quant aux mécanismes d’action à faible dose, en mélange ou à des moments précis de la vie et quant aux différentes molécules impliquées. Le sénateur Gilbert Barbier estime toutefois que les données disponibles sont suffisantes pour agir dès maintenant afin de protéger les populations les plus vulnérables, tout particulièrement les bébés et les femmes enceintes. Il propose donc :- de renforcer l’effort de recherche et d’améliorer sa coordination pour relever les défis scientifiques posés par ce problème émergent de santé publique. Il demande plus particulièrement à ce que des efforts soient faits au niveau européen pour aboutir d’ici à 2013 à la validation de tests internationaux permettant de détecter les perturbateurs endocriniens ;
- d’informer les consommateurs et d’apposer un pictogramme similaire à celui présent sur les bouteilles d’alcool pour indiquer sans ambiguïté aux femmes enceintes ou allaitantes qu’elles devraient éviter de s’exposer, elles et leurs jeunes enfants, à des produits contenant des perturbateurs endocriniens. L’apposition de ce logo serait soumise à un avis de l’ANSES dans le cadre des évaluations en cours des perturbateurs endocriniens potentiels ;
- enfin, d’affirmer, au niveau européen, l’objectif d’interdire la présence de perturbateurs endocriniens dans les produits spécifiquement destinés aux femmes enceintes et allaitantes et aux jeunes enfants car le moment d’exposition peut être plus important que la dose, et d’accélérer la substitution des produits problématiques tels que les phtalates à chaîne courte (DEHP) dans les applications médicales à destination des publics sensibles.
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- Perturbateurs endocriniens : les ONG identifient 22 perturbateurs hormonaux à réglementer d’urgence. Une coalition d’ONG menée par Chemsec a publié le 4 mai dernier une version actualisée de la Liste SIN (Substitution Immédiate Nécessaire !), un document désormais incontournable listant les substances chimiques dangereuses prioritaires pour les associations de défense de l’environnement, de la santé publique, des droits des femmes et des consommateurs. La version 2.0 comprend maintenant 22 perturbateurs endocriniens supplémentaires, ingrédients courants de nombreux produits et biens de consommation, qui relèvent du règlement Reach en tant que « substances chimiques extrêmement préoccupantes ». Les associations françaises appellent le gouvernement français et la Commission européenne à prendre leurs responsabilités et à agir, de manière urgente et prioritaire, sur ces substances dans le cadre de Reach. Pour en savoir plus en cliquant ici.
- Perturbateurs endocriniens : 20 ans après la Déclaration de Wingspread les pouvoirs publics doivent agir sans attendre. Pour en savoir plus en cliquant ici.