Le jour même où Nicolas Sarkozy, dans ses vœux au monde rural, affirmait mardi en Alsace son « attachement à une agriculture durable, respectueuse de son environnement et qui ne met pas en danger la santé des paysans », l’association Générations Futures annonçait la disparition d’un homme devenu le symbole des dangers courus par les agriculteurs du fait de leur exposition à des produits toxiques : Yannick Chenet.
La nouvelle fait grand bruit (voir article du quotidien Sud-Ouest en cliquant ici) et pourrait secouer le monde agricole. Yannick Chénet, 43 ans, viticulteur à Saujon (Charente-Maritime), s’est éteint samedi (15 janvier), des suites d’une leucémie reconnue comme maladie professionnelle par la Mutualité sociale agricole. Nul produit spécifique n’a été clairement défini comme la cause de sa maladie, mais le benzène est fortement suspecté, et le défunt se considérait comme « empoisonné ». Du fait d’un rejet de greffe, Yannick n’était plus en mesure de travailler et c’est sa femme Caroline qui s’occupait de leur exploitation depuis la survenue de la maladie. Générations responsables en partenariat avec HEAL, avait en janvier 2010 réunit à Ruffec des victimes des pesticides. Yannick et Caroline s’étaient alors joints à cette rencontre. Cette rencontre avait contribué à apporter au couple, à tous les participants et aux organisateurs, de l’espoir et l’envie de faire connaître la situation d’autres agriculteurs se trouvant dans des situations similaires. « La mort de Yannick Chénet nous attriste, commente François Veillerette, président de l’association Générations futures. Les dangers des pesticides sont malheureusement incarnés à travers des situations comme celle-là. Des agriculteurs payent de leur vie le prix de la légèreté avec laquelle on a laissé se développer un système agricole basé sur les pesticides et sur la tolérance vis-à-vis de produits très toxiques. Nous sommes plus motivés que jamais pour faire évoluer notre législation sur les pesticides et faire valoir le droit des victimes. Il est très difficile d’accuser une substance en particulier après trente ans d’expositions à une multitude de produits phytosanitaires. Mais le combat pour la reconnaissance des maladies professionnelles et le besoin de réparation et de sanction est de plus en plus fort. » Déplorant la perte d’un « compagnon de route », Paul François, lui-même en procès contre la firme Monsanto après avoir été gravement intoxiqué par un herbicide en 2004, affirme : « C’est l’un des premiers décès imputables aux pesticides. » Evoquant un combat comparable à celui des victimes de l’amiante, cet ex-« pur produit de l’agriculture intensive » annonce la création, en mars, d’une association de défense des victimes de pesticides : « Yannick comptait s’y investir. L’objectif est d’apporter soutien moral et aide aux agriculteurs dans leurs démarches pour faire reconnaître leurs souffrances comme maladie professionnelle (cancers de la prostate, de la vessie, du cerveau, de la peau…), et les accompagner le cas échéant dans des procédures judiciaires. Certes, il peut encore y avoir un problème de précautions d’usage de la part des agriculteurs, et certains progrès sont palpables dans les pratiques du secteur agricole. Reste que le nombre de victimes recensées va s’amplifier avec le temps. On en est au même stade que les victimes de l’amiante il y a quinze ans. Le combat ne fait que commencer. » Yannick Chénet dans deux documentaires Yannick Chénet avait accepté de témoigner dans le documentaire « Notre poison quotidien », de Marie-Monique Robin dont la diffusion est prévue le 15 mars sur Arte. Il apparait aussi dans « Severn », film du réalisateur Jean-Paul Jaud sorti en novembre dans les salles. Dénonçant les limites d’une l’« agriculture dominée par la recherche du profit », ce dernier a fait part à Metro de sa colère : « Rien ne bouge, ce n’est pas acceptable. Yannick Chénet est la victime d’un système dominé par le profit, la cupidité et la spéculation. L’industrie pétrochimique a envahi notre agriculture et notre alimentation dans des proportions extrêmes. Les victimes des produits phytosanitaires vont croissant. Les témoignages sur les maladies ou malformations d’enfants d’agriculteurs se multiplient. Il est temps de prendre vraiment le chemin du respect de notre biodiversité et de notre santé. » Réaction de l’UIPP (Union des industries de la protection des plantes) Contactée par Metro, l’UIPP (Union des industries de la protection de plantes), qui fédère les entreprises du secteur des pesticides, déplore la triste nouvelle mais estime ne pas être pour l’heure en mesure de commenter ce cas en particulier. « Les pesticides mis sur le marché font systématiquement l’objet d’évaluations », précise Jean-Charles Bocquet, son directeur général, tout en rappelant : « Il est impératif de respecter les précautions d’emploi qui figurent sur les étiquettes selon les décisions d’homologations. Nous faisons des efforts en ce sens à travers des campagnes destinées à la santé des agriculteurs et via des formations aux bonnes pratiques. » Les obsèques du défunt agriculteur auront lieu jeudi matin (20 janvier).Pour en savoir plus
En juin 2011, un règlement européen doit encadrer plus strictement les mises en marché des pesticides. En France, le plan Ecophyto lancé dans le cadre du Grenelle de l’environnement prévoit une réduction de 50% des produits phytosanitaires sur la période 2008-2018. Il était temps comme le démontre les trois documentaires suivants : – Notre poison quotidien : comment l’industrie chimique empoisonne notre assiette. Après Le monde selon Monsanto, Arte diffusera le 15 mars prochain à 20h40 le nouveau documentaire de Marie-Monique Robin. Au cœur de cette enquête intitulée Notre poison quotidien, il y a une question fondamentale : comment les produits chimiques qui contaminent notre chaîne alimentaire sont-ils testés, évalués, puis réglementés ? Pour pouvoir répondre à cette question, qui concerne les pesticides, les additifs et plastiques alimentaires, Marie-Monique Robin s’est notamment intéressée à l’histoire des produits concernés. Le résultat de cette longue enquête, qui a conduit l’auteur dans six pays européens (France, Italie, Allemagne, Suisse, Grande Bretagne, Danemark), aux Etats Unis, au Canada, au Chili, et en Inde, sera également publié le 7 mars dans un ouvrage de 400 pages aux éditions La Découverte … Pour en savoir plus, cliquez ici. – Nos enfants nous accuseront, un film de Jean-Paul Jaud. Chaque année en Europe 100 000 enfants meurent de maladies causées par l’environnement. 70% des cancers sont liés à l’environnement dont 30% à la pollution et 40% à l’alimentation. Chaque année en France, on constate une augmentation de 1,1% des cancers chez les enfants. En France, l’incidence du cancer a augmenté de 93% en 25 ans chez l’homme. Dans un petit village français au pied des Cévennes, le maire a décidé de faire face et de réagir en faisant passer la cantine scolaire en Bio. Ici comme ailleurs la population est confrontée aux angoisses contre la pollution agro chimique. Ici commence un combat contre une logique qui pourrait devenir irréversible, un combat pour que demain nos enfants ne nous accusent pas. Pour en savoir plus, cliquez ici. – Severn, la voix de nos enfants : le nouveau film de Jean-Paul Jaud. Parmi les nombreux intervenants présents dans ce film sorti en novembre 2010, on retrouve notamment Édouard Chaulet (le maire de Barjac que vous avez découvert dans nos enfants nous accuseront), le Professeur Gilles-Eric Séralini (Président du Conseil Scientifique du CRIIGEN), Guy Kastler (Réseau Semences Paysannes), Sjoerd Wartena (Président de l’association Terre de liens), Nicolas Hulot ou encore Pierre Rabhi … Pour en savoir plus, cliquez ici. – Menus toxiques : enquête sur les substances chimiques présentes dans notre alimentation. Aujourd’hui, un homme sur 2 et une femme sur 3 est ou sera touchés par le cancer en France. Nous sommes donc tous et toutes concernés par cette terrible maladie. Face à cette épidémie, Générations Futures (ex-MDRGF) a décidé de lancer une campagne sur Environnement et Cancer. Dans le cadre de cette campagne, Générations futures publie aujourd’hui cette enquête sur l’exposition de la population, par l’alimentation, à des substances chimiques suspectées d’être cancérigènes. Pour en savoir plus, cliquez ici. – Vous retrouverez de nombreuses autres informations sur le site de Générations responsables cliquez ici.
Yannick Chenet : un agriculteur tué à petit feu par les pesticides
Yannick était mon ami
Yannick était mon ami, l’un des plus fidèles de notre jeunesse, de notre adolescence fougueuse. Cette amitié trouvait aussi ses racines dans nos origines paysannes, dans l’amour de notre métier, dans l’attachement à notre territoire, la vallée de la Seudre.
Depuis huit ans, cette amitié a pris une autre tournure, autour d’un objectif commun : la survie.
Mon parcours professionnel m’a éclairé sur la nécessaire remise en cause d’un modèle agricole qui menace la survie de nos enfants, des générations futures et j’ai construit le modèle de production de ma ferme, la teneur de mon action militante autour de la démonstration qu’une autre voie est possible.
Mon engagement quotidien, professionnel, syndical, et politique aujourd’hui, est animé par une colère permanente causée par la famine dans le monde, par l’insoutenable constat d’enfants qui meurent de faim, par l’omerta autour de scandales sanitaires agricoles au nom du profit, et aujourd’hui, par la disparition de Yannick. Mais ce combat est bien dérisoire au regard du combat de Yannick qui a lutté avec courage et avec force pour sa propre survie.
Au-delà de la douleur qu’est celle de perdre l’un de mes plus sincères amis, gronde une nouvelle colère, celle de l’impuissance, celle de l’injustice.
L’injustice de perdre ici, un ami, un fils, un collègue, un mari, un père, et là-bas des enfants, des paysans sous le joug de la famine. Dans les deux cas, au nom d’un profit assassin.
Face à l’horreur invisible, l’impuissance de Yannick, malgré la débauche d’énergie qu’il a consacrée dans sa lutte contre la maladie, l’impuissance des « femmes » autour de lui, Caroline, son épouse, Pauline et Emilie, ses filles, qui durant ces années ont été exemplaires, admirables et qui, avec une abnégation rare et remarquable ont consacré leur vie à accompagner Yannick, pour conclure sur cette injustice.
Yannick ne souffre plus, mais Yannick nous manque déjà, parce qu’il avait des projets plein la tête, pour après… Des projets que cette épreuve avait modelés, des projets militants pour l’émergence d’une agriculture responsable, des projets pour récompenser Caroline, Pauline et Emilie qui lui tenaient la main avec tellement d’espoir pour traverser cette passe difficile.
Et de ces parcours différents, de cette amitié d’enfance, de notre engagement militant nous avions su cultiver, nous les paysans, une nouvelle forme de complicité dans l’espoir d’une époque où l’avenir aurait un futur, pour nos enfants, pour les enfants. Une complicité scellée par le film de Jean-Paul Jaud, « Severn, la voix de nos enfants ».
Jeudi, nous t’accompagnerons une dernière fois, et pour nous va débuter le prolongement de ton combat, avec l’incertitude de savoir le conduire avec autant de force, de dignité, que celles que tu nous as montrées, mais toujours animés par la colère née de cette injustice, la mémoire et le respect de tes souffrances.
Benoit BITEAU
Parti Radical de Gauche
Vice Président de la Région Poitou Charentes,
Président de la commission « Ruralité, Agriculture, Pêche & Cultures marines ».
Ingénieur des Techniques Agricoles.
Conservateur du Patrimoine Technique, Scientifique & Naturel.
Paysan Bio.
Lauréat 2009 du Trophée National de l’Agriculture Durable.
Yannick Chenet : un agriculteur tué à petit feu par les pesticides
Une honte cet article.
C’est lui l’empoisonneur par cupidité et on le fait passer pour une victime. Et avec ça les cotisations à la MSA vont augmenter pour faire vivre la famille des empoisonneurs subventionnés par la PAC pendant plus de 40 ans. A dégouter d’être exploitant agricole bio pour payer les pots cassés de ceux qui ont pollués nos terres, nos nappes phréatiques, nos aliments depuis 40 ans. Elle dit quoi là la FNSEA ?
Mettre du benzène sur les vignes, faut être vraiment taré, il n’y a pas d’autres mots. Personne ne lui a mis un révolver sur la tempe pour acheter les produits monsanto. Quant on aime son métier, comme son ami le prétend, on ne martyrise pas la vie, la faune, la flore pour le seul profit. Quand on est vrai paysan on a Giono en tête, pas les titres des JT de TF1. Ce n’est pas une victime, c’est un assassin comme tous ceux qui ont pactisés et pactisent encore avec la FNSEA.