Danielle Nierenberg est chercheur senior à l’Institut Worldwatch, une organisation environnementale basée à Washington, DC. Elle voyage actuellement à travers l’Afrique subsaharienne évaluant des solutions durables pour l’environnement dans la lutte contre la faim et la pauvreté. Cette étude aboutira avec la sortie de L’état du monde 2011 : Des innovations qui nourrissent la planète. A suivre sur CDURABLE.info … chaque semaine une nouvelle initiative pour nourrir la Planète.
Cette semaine, Danielle Nierenberg retourne à Lomé, au Togo, d’où elle nous écrit pour mettre en évidence une série de projets innovateurs qui contribuent à réduire les maladies et la pollution causées par la contamination issue des déchets humains, en particulier dans les villes surpeuplées. Innovations qui procurent de surcroit des avantages pour les jardins urbains et améliorent la sécurité alimentaire locale. Plusieurs organisations et projets innovateurs tels que la Peepoo, SOIL/SOL, Rigel Technology et Sulabh International transforment les déchets humains en solutions agricoles. Il est difficile à croire, mais à peu près 2,6 milliards de personnes dans le monde en développement – presqu’un tiers de la population mondiale – n’ont toujours pas accès aux services d’assainissement de base. Cela pose un risque important d’hygiène, en particulier dans les zones urbaines densément peuplées et les bidonvilles où l’eau potable contaminée peut propager des maladies très rapidement. Chaque année, plus de 1,5 million d’enfants meurent de la diarrhée à cause du mauvais assainissement et d’un manque d’hygiène. C’est dans ces villes surpeuplées que la sécurité alimentaire est affaiblie par le manque d’eau propre, de sol riche en éléments nutritifs ainsi que d’espace pour les jardins des familles locales. Mais il existe une solution peu coûteuse aux deux problèmes. Une innovation récente, appelée Peepoo, consiste en un sac jetable qui peut être utilisé une fois comme toilette, puis enterré dans le sol. Les cristaux d’urée dans le sac tuent les agents pathogènes et font se décomposer les déchets organiques en engrais ; ils éliminent le risque d’assainissement tandis qu’ils bénéficient aux jardins urbains. Après des essais réussis au Kenya et en Inde, les sacs seront produits en masse et vendus 2 ou 3 cents de Dollar US chacun, les rendant accessibles aux gens qui en bénéficient le plus. Dans Haïti post tremblement de terre, où beaucoup de résidents pauvres et sans-abris sont forcés à vivre dans les ordures et de se soulager où ils peuvent trouver un endroit privé, SOIL/SOL, une organisation à but non lucratif qui travaille à améliorer le sol et transformer les déchets en ressources, travaille en partenariat avec Oxfam GB à construire des toilettes sèches intérieures pour 25 familles ainsi que quatre toilettes sèches publiques. Le projet créera un site de compostage des déchets pour convertir les déchets secs en engrais pour un sol riche en nutriments qui peut ensuite être employé pour cultiver les légumes dans les jardins soit sur les toits soit derrière les maisons. Au Malawi, le projet de permaculture de Stacia et Kristof Nordin (que Danielle Nierenberg, co-directeur de Nourrissant de la planète, a visité au cours de ses voyages en Afrique) emploi une toilette à compost pour fertiliser les cultures. Bien que ces unités peuvent être coûteuses à acheter et à installer, une entreprise, Rigel Technology, fabrique des toilettes qui ne coûtent que 30 US$ et qui séparent les déchets solides des fluides, en les transformant en engrais. L’organisation à but non lucratif indien, Sulabh International encourage également les unités communautaires qui transforment le méthane provenant des déchets en biogaz pour cuisiner. À plus grande échelle, les zones humides à l’extérieur de Calcutta, en Inde, traitent environ 600 millions de litres d’eaux d’égout brutes arrivées de la ville chaque jour dans 300 bassins producteurs de poisson. Ces zones humides produisent 13.000 tonnes de poisson par an pour la consommation des 12 millions d’habitants de la ville. Ils servent aussi de centre de traitement des déchets qui ne nuit pas à l’environnement, avec des jacinthes, la prolifération d’algues et de poissons éliminateurs des déchets, tout en offrant un foyer pour les oiseaux migrateurs et une source importante de nourriture pour la population locale de Calcutta. (Voir également Fish Production Reaches a Record). Outre le coût et l’installation, les principaux obstacles à l’utilisation des déchets humains pour fertiliser les cultures sont culturelles et comportementales. L’UNICEF note dans une étude de cas en ligne qu’un programme en Inde géré par le gouvernement a fourni des latrines à proximité de leurs maisons à 33 familles dans le village de Bahtarai. Mais la majorité des villageois ont préféré continuer à employer les champs comme toilettes, car ils avaient cette habitude pendant toute leurs vies. « Il ne suffit pas simplement de construire des toilettes », a déclaré Gaurav Dwivedi, collecteur et magistrat du district de Bilaspur. « Il faut changer la mentalité des gens afin qu’ils se prêtent à l’utilisation des toilettes. » – Photo : Bernard Pollack – Au Malawi, Stacia et WC Kristof Nordin compostage fertilise leurs cultures. – Plus de photos dans la Galerie de Nourrir la PlanèteNourrir la Planète : Evaluation des solutions durables pour l’environnement afin de réduire la faim dans le monde et la pauvreté en milieu rural
Un projet du Worldwatch Institute soutenu par la Fondation Bill & Melinda Gates Le développement agricole arrive à un carrefour. Près d’un demi-siècle après la Révolution Verte – la première tentative systématique à grande échelle pour réduire la pauvreté et la faim dans le monde – une grande partie de la famille humaine souffre encore de la faim. Dans le même temps, les investissements dans le développement agricole par les gouvernements, les banques internationales et les fondations sont à leur plus bas niveau historique. Ceci ne pouvait arriver à un plus mauvais moment. La complexité des forces démographiques, économiques et naturelles concourent à rendre plus difficile le défi pour réduire la faim. Ceux-ci incluent la hausse vertigineuse des prix du pétrole et des denrées alimentaires ainsi que le changement climatique et la persistance d’accords commerciaux injustes. Cependant, cette crise nous donne l’opportunité de recentrer l’attention de l’opinion publique sur les ressources alimentaires, l’agriculture et les zones rurales. De façon globale, il s’agit de redonner priorité à la sécurité alimentaire. Dans les prochaines années, les preneurs de décision et les donateurs vont à nouveau attribuer des fonds au développement agricole, ces derniers auront donc grand besoin d’être conseillés. Durant des dernières décennies, a émergé une nouvelle génération d’approches innovantes pour soulager la faim. Celles-ci proviennent de communautés de fermiers, d’organisations bénévoles privées, d’universités et de compagnies agro-alimentaires. La plupart de ces approches offrent des modèles utiles pour des projets à grande échelle. Cependant, il semble de plus en plus évident que combiner les approches (techniques conventionnelles combinées à des approches agro-écologiques ou des méthodes d’auto-évaluation protégeant les ressources naturelles) est plus efficace en termes de productivité, de revenu et de durabilité. Le projet Nourrir la Planète établira une évaluation des nouvelles techniques agricoles – des méthodes de récoltes aux technologies d’irrigation et aux politiques agricoles – en mettant l’accent sur le développement durable, la biodiversité, la santé des écosystèmes ainsi que la productivité. Le projet a un double but : celui d’informer sur les efforts mondiaux pour éliminer la faim et celui de promouvoir ces efforts. Le projet étudiera également les infrastructures institutionnelles nécessaires à chacune des approches, en suggérant les investissements complémentaires pouvant contribuer au leur succès – des banques de semences locales aux installations de traitement et aux bureaux de marketing. Le projet aboutira à la parution de State of the World 2011, un rapport complet sur la situation de l’agriculture ainsi que des documents d’informations dérivés, des résumés, des vidéos et des podcasts. Ce rapport fera office de guide pour les fondations, et les donateurs désirant soutenir les actions les plus efficaces dans le domaine de l’agriculture, dans des contextes agro-écologiques et socio-économiques divers. Les conclusions de ces recherches seront mises à la disposition des nombreux milieux influents dans le domaine agricoles, y compris les ministères des gouvernements, les décideurs en matière de politiques agricoles ainsi que les communautés de fermiers et les organisations non-gouvernementales dans le domaine de l’environnement (dont l’influence va en s’accroissant). Mettant l’accent sur les recherches de terrain, la co-directrice du projet Danielle Nierenberg est actuellement en déplacement en Afrique sub-saharienne afin de rencontrer des fermiers et communautés de fermiers, des représentants de gouvernements locaux, des donateurs et des organisations non-gouvernementales.