Dans l'actualité :

Écologaï, 50 idées pour faire entrer l’écologie dans votre quotidien

Alors que près de 8 Français sur 10 sont...

Le télétravail : un levier pour lutter contre le dérèglement climatique ?

France Stratégie et l'Inspection générale de l'environnement et du...

Manger flexitarien, végétarien ou végétalien sauvera-t’il notre avenir, biodiversité et climat ?

La consommation de viande est le principal poste d'émissions...
A des milliers de kilomètres de la Louisiane, un autre golfe agonise dans l'indifférence

Nigeria : 50 ans de marées noires dans le delta du Niger

Premier producteur de pétrole brut du continent africain, le Nigeria ne compte plus les marées noires qui ont ravagé son delta. Cet ancien sanctuaire écologique, qui a nourri les populations pendant des siècles, est devenu impropre à la pêche, en raison de l’or noir devenu poison. En mai 2010, au moment où la fuite dans le golfe du Mexique faisait les gros titres de la presse mondiale, à l’autre bout du monde, une énième rupture d’oléoduc provoquait également une marée noire. Selon Amnesty International, en 50 ans, 9 millions de barils de brut se sont déversés dans le delta du Niger. La marée noire dans le golfe du Mexique est certes plus importante encore – 30 millions de barils se sont déjà échappés du puits de BP – mais la couverture médiatique des deux événements semble tout de même complètement disproportionnée.

L’affaire commence à être enfin médiatisée depuis que le New York Times publie à sa une, le 16 juin dernier, un reportage édifiant sur la situation dans le Delta du Niger : « Plus rien de vivant ne bouge dans un monde noir et brun autrefois grouillant de crevettes et de crabes […]. Les pêcheurs maudissent leurs filets de pétrole […]. De jeunes enfants nagent dans l’estuaire pollué […]. Le marais est désert et silencieux, sans même un chant d’oiseau. » The Guardian précise de son côté : « Il est impossible de mesurer la quantité de pétrole répandu dans le delta du Niger chaque année, car les pétroliers et le gouvernement veillent à ne pas divulguer l’information. Cependant, si l’on en croit deux grandes enquêtes indépendantes réalisées ces quatre dernières années, il s’en déverse autant par an dans la mer, dans les marais et sur terre que ce qui a fui dans le golfe du Mexique jusqu’à présent… Selon un rapport publié en 2006 par le World Wide Fund (WWF) Royaume-Uni, l’Union internationale pour la conservation de la nature et la Nigerian Conservation Foundation, jusqu’à 1,5 million de tonnes de brut – soit cinquante fois la marée noire provoquée par le pétrolier Exxon Valdez en Alaska – se sont déversées dans le delta durant le demi-siècle écoulé. En 2009, Amnesty International a calculé que ces fuites ont représenté l’équivalent d’au moins 9 millions de barils. L’organisation accuse les géants de l’industrie de violer les droits de l’homme. Les autorités nigérianes ont recensé officiellement plus de 7 000 marées noires entre 1970 et 2000, et 2 000 grands sites de pollution, la plupart touchés depuis plusieurs décennies. Des milliers d’autres, plus petits, attendent toujours un hypothétique nettoyage. Plus d’un millier de procès ont été intentés rien que contre Shell ». Mais comment expliquer qu’il aura fallu plusieurs décennies pour que l’on commence enfin à s’intéresser à cette catastrophe écologique ? France 24 a interrogé Khalifa Dikwa, politologue dans une université du nord-est du Nigeria. Pour lui, la réponse est simple : « L’Occident n’a rien dit depuis 50 ans parce que ces dégâts se passent en Afrique. Il a toujours supporté n’importe quel diable tant qu’il est prêt à maintenir ses intérêts, notamment le pétrole. La démocratie qu’on copie de l’Amérique est ici source de corruption car on n’a pas encore eu le temps de développer nos infrastructures. Les banques occidentales ne font que protéger les fortunes volées. Ici, on dit que l’Occident est la mère des 3 D, c’est-à-dire ‘disease’ (maladie), ‘disaster’ (désastre) et ‘death’ (mort). » Shell Nigeria, jusqu’alors la plus importante compagnie pétrolière du pays, est pointée du doigt. Mais elle rétorque que la quasi-totalité des marées noires a été causée par des saboteurs, notamment par les rebelles du Mouvement d’émancipation du delta du Niger (Mend), surnommés les « Robins des Bois » nigérians. Khalifa Dikwa répond : « ceux qui sabotent sont des groupes de jeunes inquiets pour leur futur et qui, sous l’influence de la drogue, ne comprennent que la langue des dollars. Ils en sont là parce que les compagnies pétrolières et le Nigeria ne font rien pour protéger l’écosystème et les peuples du delta du Niger. Rien n’est fait pour l’emploi, l’éducation, le traitement de l’eau, les moyens de transport et les communications ». Nnimmo Bassey, responsable de l’association écologiste Eraction – Les Amis de la terre au Nigeria précise : « Quand les compagnies prétendent que les ruptures sont causées par des actes de sabotage, elles veulent juste se défausser de leur responsabilité. Selon nos chiffres, cela ne représente que 15% des cas. Car quand les milices sabotent, elles l’annoncent clairement. Le gouvernement n’a pour l’instant pas fait appliquer la loi. Les compagnies comme Shell font par ailleurs un lobbying intense pour éviter un durcissement de la législation, comme c’est envisagé en ce moment. N’oublions pas que toutes ces compagnies travaillent étroitement avec les autorités. Cela leur permet de ne pas être punis pour des crimes environnementaux qui ne seraient pas tolérés en Europe ». Dans un des pays les plus corrompus du monde, les compagnies étrangères ne sont donc pas les seules accusées, car l’Etat nigérian est l’actionnaire majoritaire des consortiums locaux. Goodluck Jonathan, le nouveau président, a promis de mettre fin à cette marée noire permanente, précise France 24. En effet, le président nigérian a annoncé qu’un autre opérateur allait remplacer le groupe pétrolier Shell d’ici la fin de l’année dans la région du Delta du Niger. Ainsi, le Nigeria a signé, mi-mai, avec une entreprise d’Etat chinoise un contrat de 23 milliards de dollars (18,9 milliards d’euros) pour construire trois nouvelles raffineries, qui devraient à terme produire l’équivalent de 750 000 barils par jour, et un complexe pétrochimique. Nnimmo Bassey conclut, amer : « l’une des plus grandes et plus belles mangroves du monde est irréversiblement endommagée. Les marées noires provoquent même des marées rouges d’algues nuisibles. Alors quand on voit les efforts déployés pour freiner la catastrophe dans le golfe du Mexique, la question qui hante tout le monde ici est : qu’auraient-ils fait si cela s’était passé dans le golfe de Guinée ? Les réponses efficaces et les grosses sommes d’argent destinées à indemniser les victimes sont des choses que l’industrie pétrolière ne fait pas au Nigeria. Nous vivons sur une bombe. C’est horrible. » Mais que pouvons-nous faire ? « Barack Obama n’a trouvé la force de résister aux lobbies pétroliers et de revenir sur des concessions antérieures que sous la pression médiatique », consaste Vincent REMY dans Télérama (N°3154 – 23 juin 2010). « Cette pression ne doit pas faiblir, poursuit le journaliste. « Face à la rapacité des compagnies pétrolières occidentales, exploitant l’impéritie ou la faiblesse des Etats africains, notre responsabilité citoyenne est immense. » Alors, diffusez l’info sur vos blogs ou vos réseaux sociaux ! Si Shell semble écartée par le président nigerian, il faut continuer la mobilisation pour que la compagnie assume ses responsabilités pour indemniser les populations locales et financer un plan de restauration du delta du Niger. Pour en savoir plus, je vous invite à lire le rapport d’Amnesty International, « Petroleum, Pollution and Poverty in the Niger Delta ». Ce document met l’accent sur certaines des causes premières de la situation dans le delta du Niger. Pour télécharger la synthèse en français, cliquez ici.

 

Sources : France 24 – New-York Times – The Guardian (traduction : Courrier International) – Télérama – Amnesty International

A lire

Le télétravail : un levier pour lutter contre le dérèglement climatique ?

France Stratégie et l'Inspection générale de l'environnement et du...

La voiture partagée, clé d’une mobilité durable

La voiture, autrefois symbole de liberté individuelle, est aujourd’hui...

La France s’adapte pour vivre à +4°C ?

Inondations, pénuries d’eau, sécheresse des sols, canicules, feux de...

Deux priorités pour réussir le Zéro Artificialisation Nette (ZAN)

L’objectif de cette note de La Fabrique Écologique est...

Newsletter

spot_img

Sur Cdurable

Le télétravail : un levier pour lutter contre le dérèglement climatique ?

France Stratégie et l'Inspection générale de l'environnement et du...

Manger flexitarien, végétarien ou végétalien sauvera-t’il notre avenir, biodiversité et climat ?

La consommation de viande est le principal poste d'émissions...

Livre Blanc de la construction durable en Outre-mer

Pour répondre à l’urgence des enjeux liés aux spécificités...

Se former au Modèle économique de l’Entreprise Régénérative

Le Business Model Canvas de l'Entreprise Régénérative permet de...

9 propositions stratégiques pour un système de santé français plus résilient

A l’occasion de son 5ème anniversaire, l’Alliance franco-danoise de...
David Naulin
David Naulinhttp://cdurable.info
Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

Écologaï, 50 idées pour faire entrer l’écologie dans votre quotidien

Alors que près de 8 Français sur 10 sont convaincus de la nécessité d’agir pour préserver l’environnement, au-delà de la motivation de départ, il...

Le télétravail : un levier pour lutter contre le dérèglement climatique ?

France Stratégie et l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) publient une note d'analyse et un rapport sur les impacts territoriaux du...

Manger flexitarien, végétarien ou végétalien sauvera-t’il notre avenir, biodiversité et climat ?

La consommation de viande est le principal poste d'émissions de gaz à effet de serre de notre alimentation. Le mentionner suffit à déchaîner des...