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Policy Briefs N°14/2012. Iddri, 2012. 6 p.

La 11e Conférence des Parties à la CDB : retour à la normale à Hyderabad ?

Raphaël Billé; Claudio Chiarolla; Elisabeth Druel; Romain Pirard; Julien Rochette

Un article de l’IDDRI consacré aux enjeux de la 11e Conférence des Parties (CdP 11) à la Convention sur la diversité biologique (CDB), qui se tient à Hyderabad (Inde) du 8 au 19 octobre 2012. La CdP 11 sera l’occasion de faire le point sur « l’héritage de Nagoya », et plus spécifiquement sur trois dossiers principaux : le protocole sur l’accès et le partage des avantages, le Plan stratégique 2011-2020 et la stratégie de mobilisation des ressources. La gouvernance de la biodiversité en haute mer sera également au programme.

Site de la COP11Article de l’IDDRI source

INTRODUCTION

La dixième Conférence des Parties (CdP 10) à la Convention sur la diversité biologique (CDB), réunie en octobre 2010 à Nagoya (Japon), avait connu un retentissement quelque peu inhabituel pour une convention dont les réunions génèrent en temps normal un intérêt politique et médiatique modéré. Moins d’un an après la déception de Copenhague sur le dossier climatique, beaucoup avaient voulu voir dans Nagoya la preuve que le multilatéralisme environnemental n’était pas mort, et que le système onusien demeurait légitime et performant pour peu que certaines conditions soient réunies. De fait, formellement au moins, les trois objectifs majeurs de Nagoya avaient été atteints : l’adoption d’un protocole sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation (dit « protocole APA »), la définition d’un nouveau Plan stratégique visant à stopper l’érosion de la biodiversité à l’horizon 2020, et l’élaboration d’une stratégie de mobilisation des ressources financières visant notamment à augmenter les niveaux actuels d’aide publique au développement (APD) en soutien à la protection de la biodiversité. De retour de Nagoya, nous notions toutefois que « ce succès sur la forme ne doit pas masquer les nombreuses incertitudes qui demeurent sur le fond et laissent en suspens des décisions qui devront être prises – et négociées – ultérieurement. (…) Cette conférence aura surtout permis des avancées sur des sujets très techniques, l’essentiel restant à décider et négocier, à la fois au sein de la CDB mais aussi dans d’autres arènes et à d’autres niveaux de gouvernance » (Billé, Chiarolla, Chabason, 2010). Dans ce contexte, il est aujourd’hui important d’analyser les enjeux de la prochaine CdP, qui se tiendra à Hyderabad (Inde) du 8 au 19 octobre 2012. Son retentissement promet d’être plus proche de ce que la CDB connaissait par le passé, mais elle n’en sera pas moins un nouveau moment fort dans la vie de la convention. La Conférence des Nations unies sur le développement durable, « Rio+20 », a renforcé le sentiment que les grandes conférences internationales n’étaient pas en mesure d’enclencher les changements nécessaires, mais elle a aussi renvoyé vers les conventions thématiques spécialisées comme la CDB la recherche d’accords spécifiques impossibles à trouver sur un thème général comme le développement durable. La prochaine CdP de la CDB représentera l’occasion de faire le point sur « l’héritage de Nagoya », sur la façon dont les Parties s’en saisissent et sur l’avancement des différents processus à l’oeuvre. Les dossiers à l’ordre du jour seront comme toujours nombreux, mais les trois principaux seront les mêmes qu’à Nagoya : le protocole sur l’accès et le partage des avantages, le Plan stratégique 2011- 2020 et la stratégie de mobilisation des ressources. Nous les examinons successivement ici, en y ajoutant la question de la gouvernance de la biodiversité en haute mer qui émerge depuis quelques années comme un véritable enjeu au sein de la CDB, posant des questions essentielles en termes de gouvernance internationale.

PROTOCOLE SUR L’ACCÈS ET LE PARTAGE DES AVANTAGES

Adopté à Nagoya après huit ans d’âpres négociations, le protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation a pour vocation d’opérationnaliser le troisième objectif de la Convention. Pivot de la relation entre pays du « Nord » et du « Sud » au sein de la CDB, il doit notamment contribuer à mettre fin au pillage des ressources génétiques (biopiraterie) tout en garantissant un accès juridiquement sécurisé aux acteurs publics et privés de leur exploitation (Chiarolla, 2012). Ardemment défendu par les pays megadivers (très riches en diversité biologique) comme le Brésil, il propose un cadre international pour que les bénéfices tirés de l’utilisation des ressources génétiques par les industriels ou chercheurs soient partagés avec les pays d’origine, sur la base d’un consentement préalable donné en connaissance de cause et de la signature d’un contrat avec l’État concerné. Par souci de lier les trois objectifs de la Convention, le protocole encourage en outre les Parties à affecter les revenus tirés de ce dispositif à des activités visant la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité. Ouvert à la signature en février 2011, le protocole de Nagoya n’a cependant pour l’heure fait l’objet que de cinq ratifications, quand cinquante seront nécessaires à son entrée en vigueur. Fruit de négociations longues et difficiles qui ne s’étaient conclues qu’in extremis à Nagoya, le protocole est un compromis qui ne tranche pas de façon claire un certain nombre de sujets controversés tels que : – la mesure dans laquelle son application concernera les produits « dérivés » des ressources biologiques ou génétiques, définis comme « tous composés biochimiques qui existent à l’état naturel (…) même s’ils ne contiennent pas d’unités fonctionnelles de l’hérédité » (exemples : protéines, substances chimiques extraites des plantes pour utilisation dans le développement de médicaments, alcaloïdes, flavonoïdes, aromes, résines, venins de serpents, etc.) (Article 2) ; – la nécessité et les modalités d’un mécanisme multilatéral mondial pour assurer le partage des avantages résultant de l’utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées « qui se trouvent dans des situations transfrontières ou pour lesquelles il n’est pas possible d’accorder ou d’obtenir le consentement préalable en connaissance de cause » (Article 10) ; – la relation avec d’autres instruments internationaux traitant des échanges de matériel génétique et du partage des avantages, comme le cadre de préparation en cas de grippe pandémique pour l’échange des virus grippaux et l’accès aux vaccins et autres avantages de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (Article 4.3) ; – la possibilité d’envisager un mécanisme de surveillance de l’utilisation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques, afin de favoriser le respect des règles applicables (Article 16), à la lumière de l’évaluation de l’efficacité du protocole qui aura lieu quatre ans après son entrée en vigueur (Article 31) et des négociations en cours dans le cadre du comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) (Décision de la CdP CDB X/1, par. 6) ; – les procédures de coopération ainsi que les mécanismes institutionnels propres à promouvoir le respect des dispositions du Protocole et à traiter les cas de non-respect (Article 30). Les cinq ratifications enregistrées ne permettent pas pour l’heure de se faire une idée plus précise de la façon dont les législations nationales viendront préciser les dispositions du protocole. Cependant, à Nagoya, mandat avait été donné aux futurs États parties de poursuivre des négociations dont Hyderabad va être l’occasion d’examiner l’état d’avancement. À cet égard, la deuxième réunion du Comité intergouvernemental pour le protocole de Nagoya (CIPN), qui s’est tenue en juillet 2012 à New Delhi (Inde), a adopté des recommandations concernant le fonctionnement du centre d’échange sur l’APA, les procédures de coopération et les mécanismes institutionnels pour la promotion du respect du protocole, la nécessité et les modalités d’un mécanisme multilatéral mondial de partage des avantages, le financement et la mobilisation des ressources pour la mise en oeuvre du protocole, et la préparation de la première réunion de l’organe directeur du protocole, liée à son entrée en vigueur (donc au plus tôt en concomitance avec la CdP 12, en 2014). Néanmoins, les négociations attendues à la CdP 11 risquent d’être principalement concentrées sur des aspects procéduraux plutôt que substantiels comme la possibilité de convoquer une troisième réunion du CIPN avant la CdP 12, et l’organisation de la poursuite des travaux intersessions. En outre, la discussion transversale concernant les besoins de financement des pays en développement pourra conditionner les négociations de toute autre question concernant la ratification et la future mise en œuvre du protocole.

MISE EN OEUVRE DU PLAN STRATÉGIQUE 2011-2020

Après l’échec de l’objectif fixé en 2002 (« assurer, d’ici 2010, une réduction significative du rythme actuel de perte de diversité biologique aux niveaux mondial, régional et national »), un nouveau Plan stratégique a été adopté à Nagoya pour la période 2011-2020. Proposant vingt objectifs (également appelés « cibles d’Aichi ») devant guider les efforts nationaux et internationaux de protection de la biodiversité-, ce plan apparaissait comme l’un des résultats majeurs de Nagoya. En effet, pour la première fois, il étendait le champ d’action de la CDB au-delà de sa « zone de confort » (espèces et espaces protégés, approche par grands types d’écosystèmes…) pour tenter d’influencer les secteurs d’activité les plus impactants (agriculture, pêche, bâtiment et travaux publics notamment) en fixant des objectifs les concernant directement. Deux ans plus tard, Hyderabad sera l’occasion d’examiner les progrès accomplis dans la mise en oeuvre du Plan stratégique, notamment via la création d’objectifs nationaux et la mise à jour des stratégies et plans d’action nationaux pour la biodiversité. Sur de nombreux objectifs parmi les plus stratégiques, les progrès accomplis devraient apparaître maigres, comme sur l’objectif 6 qui appelle à une gestion durable de toutes les pêcheries ou l’objectif 8 qui invite à ramener la pollution, notamment celle causée par l’excès d’éléments nutritifs, à un niveau qui n’a pas d’effet néfaste sur les fonctions des écosystèmes et la diversité biologique. L’emblématique objectif 3, par lequel les incitations économiques (dont les subventions) défavorables à la biodiversité devront être « supprimées, réduites progressivement ou réformées », a contribué à placer l’enjeu des subventions nuisibles sur le devant de la scène, lui ouvrant potentiellement des fenêtres d’opportunité politique dans certains pays. Pourtant, les réformer a un coût politique que peu de responsables semblent prêts à assumer, même dans un contexte de crise des finances publiques, et engendre des changements systémiques (sur la fiscalité, les secteurs d’activité, l’équité…) d’une complexité telle qu’elle a tendance à décourager les bonnes volontés. Ainsi en France, le rapport du Centre d’analyse stratégique (Sainteny, 2011) n’a pas encore connu de suites politiques significatives. Au niveau international, la déclaration finale de Rio+20 n’a d’ailleurs pas pu réaffirmer cet objectif dans sa totalité, mais seulement pour ce qui concerne le secteur de la pêche (§ 173). Autre héritage emblématique de Nagoya, l’objectif 11 précise que « d’ici à 2020, au moins 17 % des zones terrestres et d’eaux intérieures et 10 % des zones marines et côtières (…) sont conservées au moyen de réseaux écologiquement représentatifs et bien reliés d’aires protégées gérées efficacement et équitablement et d’autres mesures de conservation effectives par zone, et intégrées dans l’ensemble du paysage terrestre et marin ». L’examen des progrès y afférents sera probablement une source de satisfaction à Hyderabad. On assiste en effet depuis deux ans à une nouvelle vague de création d’aires protégées à travers le monde, en particulier dans le domaine marin où cette dynamique prend parfois des allures de compétition mondiale. Un récent rapport estime désormais les surfaces protégées terrestres et marines respectivement à au moins 12,7 % et 1,6 % (Bertzky et al., 2012). La satisfaction ne devrait toutefois être que relative, pour trois raisons. D’abord, ce même rapport souligne aussi d’importants déficits de protection sur plus de la moitié des sites d’importance pour la biodiversité – dont les zones situées au-delà des juridictions nationales – et les difficultés de gestion, de gouvernance et de financement que rencontrent beaucoup de ces aires protégées. On est loin d’un réseau d’aires protégées écologiquement représentatives et bien reliées, gérées efficacement et équitablement – ce dont les chiffres bruts ne pourront jamais rendre compte. Ensuite, à mesure que les surfaces déclarées protégées augmentent, le débat s’intensifie sur ce qu’est réellement une aire protégée, et ce qui devrait au contraire être exclu des statistiques. Enfin, l’attention s’est sans doute un peu hâtivement portée sur l’objectif en termes d’aires protégées alors que la mention « d’autres mesures de conservation » commence à être mobilisée de façon ad hoc par certains gouvernements pour justifier de ne pas atteindre les objectifs emblématiques de 17 et 10 %.

RESSOURCES FINANCIÈRES ET MÉCANISME DE FINANCEMENT

Troisième pilier mais « maillon faible » du deal de Nagoya, la stratégie de mobilisation des ressources prévoit « une augmentation substantielle » des financements pour la biodiversité d’ici 2020 pour la mise en œuvre effective du plan stratégique. Au lendemain de la 10e Conférence des Parties, le montant global de cet engagement ainsi que les modalités des mécanismes de financement restaient à préciser. Le constat était clair : il n’existait ni évaluation robuste du montant des financements nécessaires (Pirard, Feger, 2011), ni estimation fiable des budgets aujourd’hui disponibles pour la sauvegarde de la biodiversité. Depuis lors, les discussions se sont poursuivies sur ces sujets. Elles ont progressé sur la définition d’un cadre de suivi des indicateurs de financement en lien avec les engagements chiffrés attendus. Le chiffrage des besoins de financement a quant à lui donné lieu à la mise en œuvre de diverses méthodes fondées sur la nature des actions à entreprendre, les capacités d’absorption des pays concernés, l’historique des dépenses, etc. – autant d’approximations de besoins réels fondamentalement impossibles à évaluer. Parmi d’autres, le chiffrage établi dans le cadre de l’évaluation des besoins pour le 6e ré-abondement du Fonds pour l’environnement mondial (FEM) sur la période 2014-2018 donne une indication utile : la mise en oeuvre des actions nécessaires à l’atteinte des cibles d’Aichi dans les pays en développement nécessiterait un montant de 74 à 191 milliards par an. Ces discussions sont de fait liées aux mécanismes de financement, qui soulèvent des questions épineuses et controversées. Les débats sont particulièrement vifs sur les modes de financement à mettre en place et le rôle que le « marché » ou les « droits » doivent respectivement y jouer. La terminologie utilisée a évolué en grande partie en réaction aux réticences de certains États, notamment ceux de l’ALBA, face à des innovations considérées comme d’inspiration néolibérale. Un consensus émerge donc sur l’usage de termes plus neutres. Il est d’ailleurs vraisemblable que les agences de développement continueront de jouer un rôle primordial pour structurer le financement dans ce domaine, par opposition à des mécanismes de financement faisant intervenir des acteurs privés via des processus de marché. On pense notamment aux banques de compensation pour la biodiversité, ou à la généralisation de paiements pour services écosystémiques qui seraient fondés sur des principes équivalents aux marchés du carbone. Il est évidemment plus que jamais nécessaire de replacer ces débats dans leur contexte : celui d’une crise économique et financière touchant les pays donateurs traditionnels et limitant leur capacité, ou leur volonté, de prendre des engagements chiffrés de financements internationaux – ce qui était pourtant prévu par le deal de Nagoya. Concernant par exemple la promesse française de porter ses financements biodiversité dans le cadre de l’aide publique au développement (APD) à 200 millions d’euros d’ici 2012, et 500 millions d’ici 2014, on ne dispose pas pour l’heure d’un chiffre fiable et officiel permettant de juger de l’atteinte du premier engagement, tandis que les positions restent vagues sur le second. Les pays développés ont d’ailleurs beau jeu de se justifier par le fait que les pays en développement et émergents n’ont de leur côté rempli que très partiellement leur mission de chiffrer leurs besoins nationaux de financement, ce qui ressortait de Nagoya comme une condition préalable à toute discussion quantitative sur les flux. Hyderabad sera avant tout l’occasion de faire le bilan des efforts accomplis, que ce soit sur les évaluations des besoins et des ressources disponibles, ou sur le suivi des engagements pris à Nagoya.

LA CDB FACE AUX ENJEUX DE LA GOUVERNANCE DE LA BIODIVERSITÉ EN HAUTE MER

Les enjeux de gouvernance de la biodiversité située au-delà des zones sous juridiction nationale sont débattus depuis maintenant une dizaine d’années au sein de l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU). Dans cette enceinte, les États tentent péniblement de trouver un consensus à la question de savoir si, dans le cadre de la mise en oeuvre de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), les instruments juridiques en vigueur sont suffisants pour assurer la conservation de cet espace et l’utilisation durable de ses ressources, ou si l’adoption d’un nouvel instrument juridique est nécessaire. Alors que les négociations semblent souvent s’y enliser, c’est au sein de la CDB – pourtant longtemps considérée comme une enceinte de négociation mineure sur le sujet – que des progrès sur les aspects scientifiques et techniques de la conservation de la biodiversité en haute mer ont été réalisés ces dernières années. L’absence de décision à Rio+20 sur un éventuel accord de mise en œuvre de la CNUDM ne fait d’ailleurs que renforcer, a contrario, la légitimité de la CDB à s’emparer de ces questions dans les limites de son mandat (Druel, Billé, Treyer, 2011). La première et la plus importante avancée a été le lancement d’un processus d’identification des « aires marines d’importance écologique ou biologique devant être protégées (EBSA) dans la haute mer et les habitats des grands fonds marins ». L’objectif est d’établir une base scientifique commune permettant aux États et organisations internationales de déterminer quelles parties de la haute mer et des habitats des grands fonds marins pourraient faire l’objet de mesures de protection renforcées. À cette fin, la CdP a adopté, en 2008, 7 critères scientifiques permettant cette identification, et a précisé, en 2010, que le processus devrait être mené via des ateliers régionaux impliquant notamment les organisations internationales compétentes telles que les organisations régionales de pêche ou les conventions de mers régionales. Les résultats de deux de ces ateliers régionaux, tenus respectivement pour le Pacifique Sud-Ouest et pour la Caraïbe et l’Atlantique Central-Occidental, seront présentés pour approbation lors de la CdP organisée à Hyderabad, puis transmis ensuite à l’AGNU, tandis que les processus d’identification se poursuivent dans d’autres régions du monde. Ce que l’AGNU va décider de faire des résultats de ces ateliers régionaux et les suites éventuelles qu’elle pourrait donner au processus sont l’une des grandes inconnues actuelles. Le deuxième effort important a concerné la mise à jour des « Lignes directrices facultatives pour la prise en compte de la diversité biologique dans les études d’impact sur l’environnement et les évaluations environnementales stratégiques des zones marines et côtières » adoptées en 2006, afin d’y prendre en compte les spécificités de la haute mer. Engagés depuis 2009, les travaux de révision ont conduit à l’introduction de nombreuses sections concernant la haute mer, qui doivent être présentées pour approbation à Hyderabad et qui pourront servir de base à l’établissement d’un cadre juridique plus contraignant qui fait actuellement défaut pour la conduite des études d’impact environnementales (EIE) en haute mer. Limitant ainsi leurs initiatives aux aspects scientifiques et techniques, les États parties à la CDB considèrent que l’adoption de mesures de protection renforcées pour les aires marines d’importance écologique ou biologique situées en haute mer ou l’élaboration d’un instrument juridiquement contraignant sur les études d’impact environnementales dans cette zone n’est pas envisageable dans cette enceinte, l’AGNU constituant le cadre historique de négociation du droit de la mer. Leur prudence s’explique par la réticence des gouvernements négociant à l’AGNU à prendre en compte les avancées obtenues dans le cadre d’autres accords que la CNUDM, fussent-ils globaux ou régionaux. Néanmoins, les décisions adoptées lors de la prochaine CdP (approbation des résultats des ateliers régionaux, adoption des lignes directrices sur les EIE) auront certainement une influence considérable sur les discussions purement onusiennes, pouvant contribuer à donner un nouveau souffle à des négociations enlisées depuis des années.

CONCLUSION

Sans nouveau plan stratégique ni traité international à adopter, la 11e Conférence des Parties qui va se tenir à Hyderabad marque bien un certain retour à la normale dans la vie de la CDB, loin des projecteurs qui avaient éclairé Nagoya – et parfois aveuglé quelques observateurs euphoriques. Ce retour à la normale s’accompagne nécessairement de difficultés multiples que les Parties devront tenter de surmonter, que ce soit sur le protocole APA, les objectifs 2020 ou la mobilisation des ressources. Cette dernière, qui constituait le point d’accord le plus précaire à Nagoya, fragilise aujourd’hui l’ensemble du deal initial dans un contexte de crise qui ne fait que renforcer les tensions sur un sujet toujours sensible. Mais ce retour à la normale ne laisse pas la CDB inchangée. Les liens que le protocole APA a obligé la Convention à tisser avec d’autres enceintes traitant de ressources génétiques et de droits de propriété intellectuelle lui ont à la fois donné plus de visibilité et d’influence potentielle. De même, la façon dont le Plan stratégique 2011-2020 s’est saisi des problématiques liées aux principaux secteurs économiques impactant la biodiversité, ou encore les interactions de la CDB avec l’AGNU au sujet de la biodiversité située au-delà des zones sous juridiction nationale, ont contribué à rendre de plus en plus prégnante la question de l’extension des compétences de la Convention. Hyderabad sera donc aussi un test révélateur de sa capacité à assumer un nouveau statut et à se saisir de sujets plus larges que ceux placés historiquement dans son giron.
Lire aussi : – 10 propositions de Green Cross France & Territoires pour la Conférence d’Hyderabad sur la Biodiversité

 

L’Iddri

Institut de recherche sur les politiques, l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) a pour objectif d’élaborer et de partager des clés d’analyse et de compréhension des enjeux stratégiques du développement durable dans une perspective mondiale. Basé à Paris et Bruxelles, l’Iddri accompagne les différents acteurs dans la réflexion sur la gouvernance mondiale des grands problèmes collectifs que sont la lutte contre le changement climatique, la protection de la biodiversité, la sécurité alimentaire ou l’urbanisation et participe aux travaux sur la redéfinition des trajectoires de développement.

L’Iddri porte une attention toute particulière au développement de réseaux et de partenariats avec les pays émergents et les pays les plus exposés aux risques, de façon à mieux appréhender et partager différentes visions du développement durable et de la gouvernance. Afin de mener à bien son action, l’Iddri s’insère dans un réseau de partenaires issus des secteurs privé, académique, associatif ou public, en France, en Europe et dans le monde.

Institut indépendant, l’Iddri mobilise les moyens et les compétences pour diffuser les idées et les recherches scientifiques les plus pertinentes en amont des négociations et des décisions.

Ses travaux sont structurés transversalement autour de cinq programmes thématiques : Gouvernance, Climat, Biodiversité, Fabrique urbaine et Agriculture.

Dans le cadre de son partenariat avec Sciences Po, de nombreux chercheurs de l’Iddri participent aux enseignements ainsi qu’au développement de programmes de recherche.

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