Selon un sondage Ifop commandé par le ministère de l’Ecologie et rendu public ce matin, 92% des Français approuvent la méthode de travail du Grenelle de l’environnement et 88% estiment qu’elle devrait être utilisée pour mener à bien d’autres réformes. Du coup, le ministère inonde les rédactions d’un communiqué dans lequel il affirme « les Français valident massivement la feuille de route du Grenelle Environnement ». Une bonne aubaine, au moment même où un rapport d’évaluation présenté comme « indépendant » a été remis ce matin à Jean-Louis Borloo par les membres du comité d’évaluation du Grenelle qui lui aussi tire un bilan très positif des actions engagées depuis 2007 par l’Etat en matière écologique.
Ce sondage permet ainsi d’éclipser les résultats d’un autre sondage réalisé par OpinionWay pour Terra Eco que nous avons publié le 24 octobre dernier. Dans cette enquête, les français considéraient à 74% que le Grenelle de l’environnement est tout bonnement un échec. Pour le lire, cliquez ici. Mais bon, on le sait avec les sondages, tout dépend de comment sont posées les questions… Si vous le souhaitez, vous pouvez télécharger les résultats du sondage Ifop réalisé par le Ministère, en cliquant ici. Mais revenons au rapport réalisé par le Comité d’évaluation et le cabinet Ernst & Young remis ce matin à Jean-Louis Borloo. Pour le ministre, c’est incontestable « le Grenelle avance et les Français s’en rendent compte dans leur quotidien ». Et de rajouter à propos de ce rapport, « après trois années de travail, les parties prenantes ont souhaité faire un point d’étape. Il s’agit d’ouvrir le capot et de regarder, très précisément, ce qui marche bien et ce qui fonctionne moins bien, afin de poursuivre consciencieusement son application ». « Des paroles, des paroles, des paroles », affirment plusieurs associations écologistes, parmi lesquelles, Greenpeace et Les Amis de la Terre. « Le moins que l’on puisse dire c’est que le « New deal » écologique promis par le Président de la République n’a pas eu lieu », constate également Olivier Louchard, Directeur du Réseau Action Climat-France qui propose un contre-rapport que vous pouvez lire en cliquant ici. Nature Environnement (FNE) avait elle-même suggérée, dans un souci d’indépendance, un rapport d’évaluation du Grenelle de l’environnement réalisé par une instance indépendante de l’Etat. Mais selon FNE, la distance n’a pas suffi pour aboutir à un rapport totalement objectif, qui compare les réponses apportées par le Grenelle aux enjeux initiaux d’une part, aux engagements consensuels atteints fin 2007 d’autre part. Si le rapport reconnaît que de nombreux chantiers « doivent être menés à leur terme » et qu’il demande au gouvernement de « revivifier le consensus de 2007 », il est en effet très exhaustif sur les satisfécits. Le document de synthèse, de près de deux cents pages, rappelle ainsi que « le Grenelle s’est traduit par près de 450 articles de loi et environ 70 dispositions fiscales ». « Trois ans après le lancement du processus, la grande majorité des engagements du Grenelle (96%) a été engagée », souligne le comité d’évaluation parmi lesquels figure le climatologue Jean Jouzel (Président du GIEC), le président du comité national consultatif d’éthique Alain Grimfeld ou l’ancienne patronne de la CFDT Nicole Notat. « Parmi les 268 engagements initiaux, 18% peuvent être considérés comme totalement réalisés, précisent les auteurs du rapport et plus de la moitié (59%) sont en cours de réalisation ». Le comité d’évaluation retient notamment « la nouvelle réglementation thermique qui crée une forte exigence de résultats pour les constructions neuves dont les consommations d’énergie seront globalement divisées par trois. Dans le résidentiel privé et social, 250 000 logements ont déjà été rénovés entre l’été 2009 et l’été 2010 grâce aux mesures incitatives du Grenelle (éco-prêt à taux zéro, éco-prêt logement social…) ». Le comité souligne aussi qu’en moins de trois ans, le secteur automobile a réduit les émissions moyennes de CO2 des véhicules neufs de 149 à 130 g/km. Côté ferroviaire, plus de 800 km de lignes à grande vitesse ont déjà été engagés sur les 2000 km programmés d’ici 2020 et plus de 400 km de transports en commun en site propre sont en cours de réalisation, « soit presque autant qu’au cours des trois décennies précédentes ». Quant au secteur des énergies renouvelables, il a connu un essor sans précédent : +600% d’évolution entre 2007 et 2009 pour le solaire photovoltaïque, +91% pour l’éolien. « Oui, dans le domaine de l’énergie, la mise en place de la RT 2012 [[La Réglementation Thermique 2012 (RT2012) a pour objectif, tout comme les précédentes réglementations thermiques de limiter les consommations énergétiques des bâtiments neufs qu’ils soient pour de l’habitation (résidentiel) ou pour tout autre usage (tertiaire).]] avec la norme BBC [[Bâtiment Basse Consommation]] à 50 KWH est une avancée, pour les bâtiments neufs, concède FNE. « Mais tout reste à faire sur l’ancien, non concerné par la RT 2012, qui représente 99% des logements ». « Oui, des efforts ont été entrepris dans le secteur automobile », reconnait encore France Nature Environnement. « En revanche, les transports alternatifs restent à la traîne (mer, ferroutage, trains régionaux, réseau secondaire…) ». FNE poursuit : « Oui, dans le domaine de la biodiversité, de nouveaux Parcs Nationaux sont en voie de création. Mais la Trame Verte et Bleue n’est pas opposable alors que cela devait être le cas ». Enfin, « oui, l’apparition de l’affichage environnemental dans la loi est un progrès. Mais, sous le poids des lobbys, il est encore expérimental et non obligatoire », alerte l’ONG. Pour ce qui concerne la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, beaucoup reste à faire. Plus de 200 décrets d’application doivent être pris et surtout appliqués. Le rapport présenté aujourd’hui doit donc être considéré comme un bilan d’étape permettant d’identifier les points à améliorer. Au delà des avancées permises par le Grenelle, il s’agit pour FNE d’apporter un regard critique sur le rapport d’évaluation présenté aujourd’hui. Celui–ci doit contribuer à une meilleure mise en œuvre des engagements du Grenelle, notamment dans les territoires, au plus près des citoyens. Pour Bruno Genty, président de France Nature Environnement : « Au-delà de ses résultats directs, le Grenelle a ouvert la voie d’une méthode participative permettant de passer de l’opposition frontale à une culture de la négociation, qui doit se poursuivre pour continuer à produire ses effets. FNE continuera à alimenter le débat contradictoire, pointant les avancées en cherchant à les consolider, mais aussi, les échecs, lacunes et retards. Nous n’en avons pas fini avec le Grenelle, ni avec son évaluation ».Téléchargez le rapport d’évaluation du Grenelle
– Téléchargez la synthèse du rapport (PDF – 255 Ko) en cliquant ici. – Téléchargez l’intégralité du rapport (PDF – 2979 Ko) en cliquant ici.