Comme nous vous le relations il y a quelques semaines, au printemps 2010, Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’Écologie, a octroyé 17 permis d’exploration de gaz de schiste à des groupes tels que Total, GDF-Suez ou encore Schuepbach Energy dans le Sud, l’Est, le Centre et le Nord de la France. L’exploitation des gaz de schiste et des schistes bitumeux étant très polluante, la mobilisation s’organise partout en France. Associations, élus ou simples citoyens, ils sont de plus en plus nombreux à demander l’arrêt immédiat des prospections et l’abrogation des permis sur l’ensemble du territoire français. La polémique ne cessant de prendre de l’ampleur, le gouvernement s’est résolu à s’exprimer en rejetant dans un premier temps l’idée d’un moratoire mais sans convaincre… puis le 2 février, a finalement suspendu les travaux de prospection de gaz de schiste jusqu’à l’été au moins, mais sa marge de manœuvre paraît plus limitée face aux forages d’huile de schiste prévus dès mars dans le Bassin parisien.
26 janvier : pas de moratoire
Le 26 janvier dernier, Nathalie Kosciusko-Morizet, la ministre en charge de ce dossier répondait à une question au gouvernement du Député de l’Ardèche Pascal Terrasse en tentant de rassurer tout le monde : « Les permis d’exploration de gaz de schiste suscitent des inquiétudes et interrogations légitimes et grandissantes », a reconnu la ministre qui affirmait qu’« un moratoire n’est pas possible, le code minier ne le permet pas [[En effet, le code minier ne permet plus de moratoire depuis que le Conseil des ministres du 19 janvier ait décidé la présentation d’une ordonnance portant codification de la partie législative du code minier (ordonnance n°2011-91 du 20 janvier 2011)… La loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures, a autorisé le Gouvernement à prendre cette ordonnance afin de « moderniser et de simplifier les dispositions applicables aux exploitations minières en veillant à leur intégration dans l’environnement et à l’association des parties prenantes dans l’attribution des titres miniers ».]], mais vous pouvez compter sur ma vigilance pour que nous ne voyions pas en France le type de paysage désolé auquel une exploitation sans retenue et sans contrainte environnementale a conduit les Etats-Unis ». Elle reconnaissait que si « des techniques dangereuses pour l’environnement et destructrices y sont utilisées », « il n’est pas question d’engager la France dans cette voie ». Mais « Est-il possible d’exploiter le gaz de schiste autrement? », s’était-elle alors interrogée…. Cette déclaration, conforme à la communication à laquelle se tenait le ministère depuis quelques jours, a provoqué la colère des écologistes mais aussi les élus de tout bord. L’eurodéputé Europe écologie Les verts José Bové s’est alors dit surpris « d’entendre la ministre dire qu’en France on ne fera pas pareil, qu’on n’utilisera pas des techniques sales, c’est un vœu pieux car les brevets et la technologie sont américains ». Concernant le code minier, José Bové s’interroge : « ce serait bien le seul domaine où le droit ne peut défaire ce qu’il a fait, et c’est très inquiétant que la machine ne puisse pas être arrêtée avant d’avoir mené la prospection jusqu’à la fracturation de la roche ».2 février 2011 : pas d’exploration avant la remise d’un rapport
Nathalie Kosciusko-Morizet, a finalement décidé devant l’ampleur de la contestation que les travaux permettant l’« exploration » de gisements de gaz de schiste ne débuteraient pas avant la remise d’un rapport d’analyses commandé mercredi. La ministre a indiqué avoir demandé aux préfets « de faire en sorte que les autorisations de travaux » nécessaires aux industriels pour « l’exploration » des gisements « ne puissent pas avoir lieu avant le rapport de la mission ». Nathalie Kosciusko-Morizet a donc demandé à son administration de mener une mission sur les enjeux environnementaux de l’exploitation des gaz de schiste. Un rapport d’étape sera rendu « en avril » et le rapport définitif, « en juin », a-t-elle précisé jeudi. « Est-ce qu’il est raisonnable de mettre en exploitation ces gisements ? », tant d’un point de vue environnemental que paysager, a demandé la ministre. « Compte-tenu de la façon dont ça s’est passé aux Etats-Unis, il y a lieu d’avoir des analyses complémentaires », a-t-elle ajouté. L’éventuelle exploitation de ces gaz implique « des enjeux environnementaux locaux », relatifs notamment « aux nappes phréatiques » et « aux paysages désolés, que nous ne sommes pas prêts à supporter en France », selon elle. Même si l’exploration ne signifie pas encore l’exploitation, « j’aurais souhaité (disposer de) ces analyses complémentaires avant la délivrance des permis » en mars 2010 par le ministère de l’Ecologie alors occupé par Jean-Louis Borloo, a reconnu Mme Kosciusko-Morizet. « Trois permis d’exploration ont été accordés, mais aucune autorisation de travaux » n’a pour l’heure été délivrée, a-t-elle rappelé. Pour les gaz de schiste, cette suspension ne devrait pas changer grand chose car les recherches se limitent pour l’instant à des prélèvements de roche et à des études de surface. Et le premier forage, prévu en septembre à Villeneuve-de-Berg (Ardèche) par Schuepbach, menaçait déjà d’être bloqué par l’opposition du maire de la commune. Quant à Total, il ne prévoit pas de forer avant fin 2011-début 2012. « Ce sera un forage vertical classique » sans fracturation de roche, avait indiqué un porte-parole la semaine dernière. La question est plus délicate pour les huiles de schiste, une forme de pétrole piégé dans la roche et dont l’extraction demande des techniques similaires à celles utilisées pour le gaz de schiste. La compagnie pétrolière américaine Hess, alliée à la société indépendante Toreador présidée par Julien Balkany, prévoyait un premier forage en mars près de Château-Thierry (Aisne). Comme les autorisations de travaux ont déjà été données, la marge de manoeuvre du gouvernement est plus limitée et devrait passer par la négociation. « Sous l’autorité du Premier ministre, nous allons réunir sans délai les industriels détenteurs de ces autorisations d’exploration sur l’huile de schiste », a expliqué mercredi la ministre de l’Ecologie.8 avril 2011 : L’Assemblée Nationale devrait interdire l’exploitation des gaz de schiste en France
Le gouvernement français s’est (enfin) prononcé pour l’interdiction de l’exploitation du gaz de schiste et l’abrogation des permis déjà accordés, une décision saluée vendredi par le député européen José Bové. L’exécutif a décidé de suivre le président du groupe UMP de l’Assemblée nationale, Christian Jacob, qui a déposé la semaine dernière une proposition de loi en ce sens, a-t-on appris vendredi auprès du parti présidentiel. Les socialistes ayant déposé une proposition similaire, l’Assemblée pourrait adopter cette proposition à l’unanimité en une seule lecture et en procédure d’urgence au début du mois de mai, la date précise devant être arrêtée par la conférence des présidents des groupes politiques mardi prochain. Devant les critiques émanant de tout l’éventail politique, le Premier ministre, François Fillon, avait déjà prolongé et élargi le 11 mars le moratoire sur la recherche et le forage de gaz ou d’huile de schiste, en attendant la remise fin avril des conclusions de diverses missions d’information. – Pour en savoir plus cliquez ici.Dossier : Pourquoi le gaz de schiste français est-il convoité ?
Pour tout savoir sur le gaz de schiste et les impacts sanitaires et environnementaux de leur exploitation. Pour découvrir la carte des permis d’exploration en France, des études, le point sur les mobilisations citoyennes, des vidéos…- Lisez notre dossier mis à jour ce 8 avril : « Alerte au gaz de schiste dans le sud de la France : des forages bientôt proches de chez vous ? » en cliquant ici.
- Gasland de Josh Fox : le documentaire choc sur l’exploitation des gaz de schiste. Pour en savoir plus et voir des extraits de ce film cliquez ici.
Pétition : Gaz de schiste : non merci !
Vous trouverez ci-dessous le lien vers une pétition lancée entre autres, par le journaliste Fabrice Nicolino et le député européen, José Bové, qui précise la technique sophistiquée et dramatiquement destructrice de l’environnement, des écosystèmes, des nappes phréatiques… par laquelle la France, après les USA, s’apprête, sans concertation aucune, à défigurer plus de 10 % de son territoire et à accroitre au lieu de les réduire, comme elle s’y est engagée, ses émissions de gaz à effet de serre. Fabrice Nicolino nous explique la démarche de cette pétition : « La bataille contre l’exploitation des gaz de schistes en France commence. Il y a une pétition. Je n’accorde pas une importance démesurée aux pétitions, mais je viens de signer celle dont le texte figure ci-dessous, que je lance avec José Bové et une poignée d’amis. L’objectif n’est pas d’attraper quelques signatures, mais de faire déferler des milliers, des dizaines, des centaines de milliers de volontés ». Et c’est pourquoi Fabrice Nicolino demande avec solennité de signer et de faire circuler ce texte : Sans aucune information, sans aucune consultation, le gouvernement français a offert, à des sociétés nationales et étrangères le droit d’explorer le sous-sol français à la recherche de gaz et de pétrole de schiste. La technique pour ramener le gaz à la surface est nouvelle, délicate et surtout, désastreuse sur le plan environnemental. La «fracturation hydraulique horizontale», consiste à provoquer des failles à l’aide d’un liquide envoyé à très forte pression, pour libérer le gaz et le pétrole pris dans la roche compacte, à environ 2000 mètres de profondeur. Trois «ingrédients» sont nécessaires pour créer ces mini séismes : des quantités phénoménales d’eau (entre 15 000 et 20 000 m3), des produits chimiques (plus de 500) pour attaquer la roche et des micro-billes pour maintenir ouvertes les failles. Aux Etats-Unis, le bilan de l’extraction de ces énergies fossiles est catastrophique : pollution massive des nappes phréatiques et de l’air, destruction des paysages et de milieux naturels, etc.Leur exploitation, en France, conduirait inéluctablement aux mêmes dégâts ainsi qu’à des émissions accrues de gaz à effet de serre, alors même que notre pays s’est engagé à les diviser par quatre. Les autorisations de prospection sur plus de 10% du territoire ont été accordées sans débat sur les besoins énergétiques à moyen et long terme, sans discussion sur la nécessité de lutter contre le gaspillage, rechercher une meilleure efficacité énergétique et les alternatives renouvelables. Pour toutes ces raisons, nous exigeons un débat public avec la société civile, les élus locaux et nationaux, pour dresser un inventaire complet des conséquences environnementales, sanitaires, économiques et sociales de cette « nouvelle folie industrielle ». C’est pourquoi nous demandons un gel immédiat des prospections et la suspension des permis de recherche de gaz et pétrole de schiste sur l’ensemble du territoire français.- Pour signer cette pétition cliquez ici.
Le Parc des Monts d’Ardèche s’oppose à la recherche et à l’exploitation de gaz de schiste
En date du premier mars 2010, un arrêté ministériel a accordé un permis exclusif de recherche de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux (dit gaz de schiste) sur un secteur intitulé «Villeneuve de Berg ». Ce périmètre concerne au moins quarante communes du Parc naturel régional des Monts d’Ardèche. Ce projet, s’il va à son terme, engendrerait des conséquences environnementales, économiques et sociétales lourdes de risques pour le territoire. Les élus du Parc se mobilisent pour exprimer leurs craintes sur les conséquences sociales, économiques et environnementales, en particulier sur les réserves d’eau. En effet, la ressource en eau est fortement menacée du fait d’un besoin important dans la technique de fracturation hydraulique. Une partie de cette eau contenant de nombreux composants chimiques n’est pas récupérée et réside dans le sous-sol. Les infrastructures nécessaires à une telle exploitation peuvent avoir un impact fort sur la qualité des paysages. De plus l’exploitation d’une ressource fossile, dégageant du méthane, va à l’encontre d’une politique de lutte contre le changement climatique ou en faveur des économies d’énergie et du développement des énergies renouvelables conduite par le Parc. Le bureau syndical du Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche s’est prononcé à l’unanimité pour exiger qu’une large concertation soit engagée par les industriels et l’Etat auprès des collectivités et des habitants. Il affirme sa volonté d’être identifié comme un acteur devant être intégré aux instances de concertation sur le sujet en tant que gestionnaire d’un espace naturel remarquable et protégé et fait valoir le principe constitutionnel de précaution qui doit y être mis en œuvre. Il s’oppose à toute prospection ou exploitation minière qui pourrait porter atteinte au territoire, à son environnement, ainsi qu’aux formes de développement définies dans son projet de territoire. L’Ardèche est reconnue pour ses filières économiques locales de qualité (eaux minérales, produits agricoles,…) et une image à forte valeur environnementale qui va bien au-delà d’une simple attractivité touristique. Des atouts précieux qui ne pourront perdurer que sur un terroir préservé.
Gaz de schiste : le gouvernement suspend provisoirement les forages de prospection
Quel est le ministère de l’écologie que nous avons ? Pas de débats, pas d’ouvertures d’enquête publique ! Quelles sont les précautions quant à la traversée par forage des nappes superficielles existantes et dans lesquelles sont puisées les eaux potables que nous buvons. Pour faire un simple forage géothermique, on demande un luxe de précautions et de garanties que l’on ne semble pas exiger pour des monstres de l’industrie.