Mauvaise note pour la protection de la nature. Terre Sauvage – associé à Réserves Naturelles de France, au WWF, à la LPO, et à l’UICN – publie, pour la troisième année consécutive, un baromètre de la nature [[Réalisé à partir de données officielles, le baromètre présente une synthèse illustrée de l’état de la nature en France. Sur la base d’une sélection d’indicateurs, le comité scientifique du magazine attribue des notes par grands thèmes.]]. Cette synthèse de l’état de santé de la nature en France est complété, cette année, par un sondage IFOP sur le bilan des français un an après le Grenelle de l’environnement. Et les résultats ne sont pas brillants. L’état de la biodiversité, de la protection des espèces et de la préservation des milieux naturels en France n’obtient que 6/20, la qualité de l’eau et de l’air, 7/20. Seuls les espaces protégés obtiennent un honorable 13/20. En résumé, la situation reste globalement aussi sombre en 2008 qu’en 2007, un an après le Grenelle de l’environnement.
Sondage Ifop : 64% des sondés jugent « important » le Grenelle de l’environnement mais restent encore dans l’expectative
« La biodiversité française fout le camp et les Français en sont conscients », commente Jean-Jacques Fresko, rédacteur en chef de Terre sauvage. Dans le sondage qui, pour la première fois, accompagne le baromètre de la nature, une forte majorité de Français estime qu’hirondelles (72%), papillons (74%) ou coquelicots (58%) disparaissent du paysage. Une impression d’érosion de la biodiversité vérifiée par les études scientifiques. Si le Grenelle de l’environnement a été perçu par 64 % des Français comme un évènement important, de fortes attentes et des demandes d’information s’expriment désormais concernant ses applications concrètes, constate l’Institut de sondage Ifop. Ceci traduit une forte sensibilité des Français à la question environnementale même si l’implication dans dans des gestes éco-citoyens se heurte frontalement à la dégradation du pouvoir d’achat. Alors que 56% des français étaient, en décembre 2005, prêts à payer plus de taxes ou d’impôts affectés directement à la protection de la nature, aujourd’hui ils ne sont plus que 49%. Par contre, près de 36% des sondés prennent désormais en compte la protection de la nature et de l’environnement dans leurs choix actuels de produits ou de services offerts par les entreprises et 38 autres % commencent à y réfléchir de plus en plus au moment des achats. (sondage Ifop réalisé les 7 et 8 août auprès de 1 005 personnes de plus de 15 ans). – Télécharger tous les résultats du sondage sur le site de l’IfopLe baromètre de la nature 2008 : aucune amélioration malgré le Grenelle
« Il n’y a aucune amélioration », confirme au journal La Croix (édition du 25 septembre 2008) François Letourneux, président du comité français de l’Union mondiale pour la nature (UICN), associée, aux côtés des Réserves naturelles de France, de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et du WWF, à la réalisation de ce baromètre. Ce dernier est effectué à partir d’une compilation de données sur l’état des pollutions, l’évolution des espèces protégées, la pression de l’urbanisation, etc. « Ce résultat n’est guère surprenant, poursuit-il, car il n’y a pas eu encore de grandes mesures favorables à la biodiversité susceptibles de changer la donne. On en reste aux balbutiements. Et si l’on prenait des mesures radicales – imaginons une réduction drastique, voire une suppression des pesticides –, il faudrait de toute façon plusieurs années pour en apprécier les résultats en matière de baisse des pollutions des eaux et des sols et d’impact sur les populations d’insectes et d’oiseaux. La résilience de la nature se produit, quand elle se produit, sur de longues durées. » Les indicateurs ne témoignent donc d’aucun retournement de tendance. La pression de l’urbanisation poursuit sa dynamique. Chaque année, ce sont ainsi 73 000 hectares de prairies, 30 000 hectares de surfaces agricoles et 26 000 hectares arborés (haies, arbres isolés et non forêts) qui disparaissent. Au bout du compte, c’est l’équivalent de la surface d’un département qui est englouti sous le béton tous les dix ans, rappelle le baromètre. Et cette pression atteint un paroxysme le long du littoral où le niveau d’urbanisation est 2,7 fois plus élevé que la moyenne nationale. Et même si plusieurs espaces naturels protégés ont vu le jour ces derniers mois – les deux parcs nationaux de Guyane et de La Réunion, le parc marin de la mer d’Iroise et quelques réserves –, comme le dit Jacques Trouvilliez, directeur du service du patrimoine naturel au Muséum national d’histoire naturelle, « on a les perles, mais pour faire un collier il faut les relier entre elles ». Tel est l’enjeu majeur de la préservation de la biodiversité (dont l’érosion devait officiellement être enrayée en 2010 au niveau européen) : sortir d’une politique de confettis d’espaces protégés pour créer des continuités territoriales, des corridors écologiques reliant les espaces naturels entre eux. « Le constat sur le terrain est pathétique, mais il est chargé d’espoir dans nos esprits », tempère Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO, qui souligne que la carte de ces corridors écologiques doit être dressée dans les deux ans à venir, sous forme de trame verte pour les espaces terrestres et de trame bleue pour les milieux aquatiques. « Mais toute réalisation prend un temps fou alors qu’on est dans l’urgence », déplore-t-il dans La Croix. Ainsi, la fondation scientifique pour la biodiversité, officiellement lancée par le gouvernement en février dernier, est juste en train de se mettre sur pied et ses modalités de fonctionnement restent à définir. Quant à l’argent promis, lui aussi est encore virtuel, qu’il s’agisse des moyens affectés par les ministères en charge de la recherche et de l’écologie, de celui émanant des grands organismes de recherche ou des fonds privés. Les entreprises n’ont jusqu’ici pas encore versé de contributions, alors que c’était l’une des raisons de la création de la fondation, constate encore La Croix.