Tchernobyl puis Fukushima ont clairement démontré les risques majeurs de l’énergie nucléaire. L’Allemagne, la Suisse, l’Italie et d’autres pays ont décidé de lui tourner le dos. En France, la question divise partis et candidats à l’élection présidentielles. Mais l’atome n’a pas dit son dernier mot. Le Suisse Jean-Christophe de Mestral, physicien, administrateur de sociétés industrielles et membre de la municipalité d’Aubonne (VD), vient de publier L’atome vert – Le thorium, un nucléaire pour le développement durable, aux Editions Favre.
Cet élément chimique semble n’avoir que des qualités par rapport à son cousin l’uranium : des réserves pour 10000 ans au moins ; des déchets bien plus simples à gérer ; un risque zéro de fusion du réacteur et donc d’accident majeur ; une capacité à incinérer les déchets de longue durée du nucléaire actuel et du nucléaire militaire. Dans un entretien avec le journal suisse L’illustré, Jean-Christophe de Mestral estime que, vu les avantages potentiels des réacteurs à sels fondus utilisant le thorium, « il n’est pas logique de prendre des décisions sans tenir compte d’une solution industrielle aussi prometteuse. » Il se réfère notamment à un article récent paru dans The Telegraph qui affirme que, si Obama lançait le thorium maintenant, les Etats-Unis pourraient se passer du charbon dans vingt ans. « Et je n’ai pas encore rencontré un scientifique disant que cette piste était illusoire. La Chine et l’Inde ont par ailleurs pris la décision de se lancer dans cette filière. » Face aux besoins d’énergie pour une population mondiale en hausse, Jean-Christophe de Mestral pense que « le solaire reste une énergie d’appoint, à rendement faible, qu’on ne peut pas utiliser comme ruban énergétique de base et qui a potentiellement l’inconvénient de déstabiliser le réseau au-delà d’une quantité critique de cellules photovoltaïques. Je ne pense pas que l’on s’en sortira sans centrales à gaz ou au charbon, (…) Le thorium me semble donc plus que jamais une piste à explorer. » Parmi les atouts, en premier lieu « des réserves pour 10 000 ans au moins ». Ensuite : « des déchets bien plus simples à gérer ; un risque zéro de fusion du réacteur et donc d’accident majeur ; une capacité à incinérer les déchets de longue durée du nucléaire actuel et du nucléaire militaire. » Interrogé sur pourquoi une telle merveille technologique n’a jamais vu le jour, il rappelle qu’il a fallu « choisir entre l’uranium et le thorium. Les militaires avaient eu leur mot à dire en pleine guerre froide. Et c’est la filière uranium qui a été choisie, car c’est elle qui permet de développer des armes nucléaires aisément. » Sur ce chapitre, je vous invite à lire un billet synthétique sur le site Terre Sacrée. Celui-ci explique le silence des autorités, alors que la France regorge de thorium notamment en Bretagne. Extraits : « Facile à extraire, il est trois fois plus abondant que l’uranium et aussi commun que le plomb. […]. Cerise sur le gâteau : un réacteur à sels fondus de thorium produit 200 fois plus d’énergie que la même masse d’uranium. Il y aurait ainsi de quoi fournir de l’électricité à toute la planète pour des dizaines de siècles, voire des millénaires. Olala ! Mais alors c’est du nucléaire durable ? Et pas de rejets de gaz à effets de serre nuisibles! Pas de déversements de particules nocives ! Gâteau sur la cerise : le procédé français -dit HTR- ne génèrerait presque pas de déchets radioactifs. Enfin « presque pas ». […] Ciel ! Mais pourquoi n’ont-ils pas utilisé le Thorium, dès le début, dans les années 60, plutôt que l’uranium, bien plus rare? D’autant plus qu’on apprend qu’entre 1965 et 1976 la France a expérimenté avec succès des réacteurs à sels fondus de Thorium. C’est simple. Le fission de l’uranium crée beaucoup, beaucoup plus, de plutonium. Et le plutonium sert à la fabrication des bombes thermonucléaires modernes. La boucle est bouclée. Le mensonge dure depuis 1960″. Aparté sur la théorie du complot étant fait, revenons aux qualités du Thorium. De Mestral souligne les énormes avantages d’une sécurité intrinsèque d’une telle technologie : « Prenons les deux types de réacteurs (imaginés pour fonctionner au thorium). Le Rubbiatron, tout d’abord. Son cœur fonctionne de manière sous-critique, ce qui signifie que, si l’on tire la prise de l’accélérateur de particules nécessaire à l’entretien de la réaction en chaîne, ou qu’on dévie son faisceau de protons, la réaction cesse immédiatement. Le cœur du réacteur, une masse de plomb fondu dans lequel se trouve le thorium, se refroidit et finit par se solidifier, ce qui n’est pas un problème. Le deuxième type de réacteur, celui dit à sels fondus, a un cœur déjà liquide. En cas d’augmentation de chaleur, le nombre d’atomes fissionnés chaque seconde diminue. On dit que ce réacteur a un coefficient de réactivité à la température fortement négatif et, dans cette situation, le cœur devient sous-critique, donc sans risque d’explosion. » La plus grande barrière pour l’utilisation du thorium ? Le goût et coût du changement selon Didier Julienne du journal LES ECHOS. Selon le journaliste, les trois principaux inconvénients restent :- des innovations nécessaires dans la métallurgie nucléaire et les projections de vieillissement d’alliages pour avancer sur le projet.
- une courbe d’expérience du traitement des déchets du thorium basse. Si un pays envisage d’utiliser les deux combustibles (uranium et thorium), il s’impose de doubler les cycles de traitement et donc les coûts.
- l’aspect proliférant du thorium et ses mutations (U233 et U232) qui sont, comme pour la filière uranium, une source d’utilisation duale.
Le Thorium en France
En France, un article du Journal du CNRS rappelle que la France est à la pointe dans ce domaine. A Grenoble, au Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie (LPSC), une quinzaine de chercheurs du groupe de Physique des réacteurs dirigé par Roger Brissot, élabore des scénarios pour le nucléaire du futur et s’intéresse au réacteur à sels fondus associé au thorium. Avant tout, pour les physiciens Jean-Marie Loiseaux et Daniel Heuer, afin de palier à l’épuisement des ressources fossiles, l’énergie nucléaire, qui actuellement ne satisfait que 7% des besoins d’énergie dans le monde, « devra représenter 25 % de la production mondiale d’énergie en 2050 soit sept à dix fois plus que sa valeur actuelle ». Pour relever ce défi, les chercheurs avancent plusieurs solutions : – Premier scénario : la continuité du développement des réacteurs à eau pressurisée (REP) actuels, dont l’EPR est la dernière version, qui fonctionnent avec l’uranium enrichi comme combustible. Problème : « Cela n’est pas compatible avec un développement durable, commente Daniel Heuer. En effet, les réserves de vingt millions de tonnes d’uranium dans la nature seraient totalement épuisées en quarante à soixante-dix ans. » Par ailleurs, l’option REP génère des quantités considérables de plutonium et de déchets radioactifs : les actinides mineurs (américium, curium et neptunium) difficiles à recycler bien qu’on puisse en réduire partiellement la longévité grâce aux techniques dites de transmutation comme l’ambitionne le projet Myrrha en Belgique. – Deuxième scénario : le développement de réacteurs à neutrons rapides (RNR) « régénérateurs ou surgénérateurs » (type Superphénix) qui utilisent comme combustible le plutonium produit par les réacteurs à eau pressurisée. Avantage : il produit plus de matière fissile qu’il n’en consomme. Ce scénario permettrait d’augmenter la production d’énergie sans pour autant atteindre raisonnablement la production requise pour 2050. – Troisième scénario : Comme les deux premiers scénarios ont leurs faiblesses, les chercheurs se sont penchés sur une nouvelle filière : les réacteurs à sels fondus (RSF) régénérateurs associés au cycle du thorium et un des 6 concepts retenus parmi les 140 pour les réacteurs nucléaires de IVe génération. « Nous sommes partis sur l’idée simple, explique Jean-Marie Loiseaux, que la meilleure façon de gérer les déchets du nucléaire c’est d’en produire le moins possible. La filière du thorium est, dans ce sens, prometteuse. » A la différence des autres réacteurs, les RSF utilisent un combustible dissous au sein d’un sel fluoré. Ce sel permet de « transporter la chaleur » et circule dans un cœur en graphite qui modère les neutrons et assure la criticité. Trois énormes avantages. Tout d’abord, les RSF nécessitent dix fois moins de matière fissile pour démarrer que les RNR. Les actinides mineurs sont produits en quantité nettement moindre. Et enfin, les produits de fission et les actinides qui restent peuvent être retraités en continu. À Orsay, des chercheurs de l’Institut de physique nucléaire se consacrent tout particulièrement à l’étude de ce mode de production. La solution technique optimale, estiment les chercheurs, serait de faire appel à un REP utilisant partiellement du thorium au lieu de l’uranium. Un seul REP au thorium fournit pendant sa durée de vie (40 ans) de quoi démarrer quatre réacteurs à sels fondus. Mais aussi du plutonium pour les RNR si cette filière est aussi retenue pour ses performances d’une utilisation complète et optimisée du plutonium. À quoi pourrait ressembler le nucléaire du futur ? La solution serait donc de se diriger – pour 25 % des besoins mondiaux – vers un parc hétérogène de réacteurs nucléaires complémentaires des trois types. « Ce scénario nous plaît bien, conclut Jean-Marie Loiseaux. On n’utilise que 10 à 20 % des réserves naturelles d’uranium et on recycle les déchets en les incinérant dans des réacteurs appropriés. De plus, cette filière est beaucoup plus facile à gérer. » D’après le Journal du CNRS, dans le cadre d’un programme européen, « le CNRS en collaboration avec EDF prévoit de réaliser un démonstrateur du RSF au thorium dans les quinze années à venir ». « Si nous prêtons une attention particulière au thorium, nous tenons à conserver une expertise sur l’ensemble des solutions », conclut Jean-Marie Loiseaux.Pour en savoir plus
Reportage de Yacine BEN JANNETTE diffusé sur FRANCE 24. Les pays européens, qui ont facilement accès à l’Uranium, ne s’intéressent pas encore au Thorium. Mais pour certains pays, comme la Chine et l’Inde, c’est un besoin presque vital pour répondre, dans le futur, à leurs besoins énergétiques grandissants. L’Inde, plus particulièrement, est le leader mondial de la recherche scientifique sur le Thorium. Reportage diffusé dans le 20H de FRANCE 2 :
Le thorium, le nucléaire du futur ?
Toujours curieux, j’ai bien envie de me documenter sur la filière thorium sauf que le paragraphe dénigrant le photovoltaïque
« Christophe de Mestral pense que « le solaire reste une énergie d’appoint, à rendement faible, qu’on ne peut pas utiliser comme ruban énergétique de base et qui a potentiellement l’inconvénient de déstabiliser le réseau au-delà d’une quantité critique de cellules photovoltaïques. Je ne pense pas que l’on s’en sortira sans centrales à gaz ou au charbon, (…) Le thorium me semble donc plus que jamais une piste à explorer. » »
me rends l’auteur inutilement polémique. Qu’il nous instruise sur la filière thorium, bravo. Que d’une manière pour le moins simpliste, à mes yeux il diminue sa crédibilité.
Le thorium, le nucléaire du futur ?
les centrales au thorium à sels fondu ou au sodium liquide
ne font que perpétuer la création de déchets de longue durée
de vie dont on ne saura que faire.
De plus l’usage sous forme de sodium caloporteur, ce système a fait preuve de sa dangerosité (le sodium est corrosif, en contact avec l’eau c’est explosif. En rappel la centrale expérimentale de Monju au Japon, fonctionnant avec ce système est mis définitivement à l’arrêt).
C’est le même type de fonctionnement du surgénérateur Phénix qui a rendu l’âme car trop dangereux. Tout les surgénérateurs à sodium, testés de par le monde ont cessé de fonctionner.
les systèmes à sels fondus génèrent aussi des polluants radioactifs appelé actinides, le système étant lui aussi sujet à caution. Encore des polluants radioactifs à léguer
aux générations futures.
Le thorium comme l’uranium n’est pas l’avenir de l’homme.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Actinide
Le thorium, le nucléaire du futur ?
A chaque pays, selon son développement sur les dernières 50 années et son futur, correspondent des impératifs (?) économiques,militaires, politiques et socio-culturels qui s’ajoutent et/ou s’entre-mèlent et ne sont jamais les mêmes. Les analyses sur l’avenir énergétique d’un pays, dégagées de partialités, n’existent pas. Un exemple clair est celui de l’Allemagne où l’amalgame militaire/économique/politique est, depuis la dernière guerre, fondamentalement très différent de celui des pays comme les Etats-Unis, l’Angleterre et la France. D’où une position et un état de fait sans rapport pour la filière Uranium dont on sait tous à quoi est due son hégémonie.
Ce que l’on peut dire, c’est que tous les pays ont en commun la nécessité de ne pas se leurrer sur les perspectives à moyen terme, disons 30 ans. Car à ce moment là, les conséquences se paieront cash (et c’est déjà le cas pour la filière Uranium qui, si elle perdure seule, posera des problèmes insolubles).
Sans détenir de solution infaillible, il faut dire que la filière Thorium, abandonnée de façon irresponsable, propose des possibilités et des moyens de rattrapage, qui ne peuvent en aucun cas être négligés. Elle pose, du fait d’un abandon depuis près de 60 années, des problèmes de faisabilité (toutes notions confondues)et de couts de développement impressionnants. Ce n’est pas le fait de la filière mais des choix militaro/politiques passés. Et ces coûts ne sont pas grand chose en face du surcout progressif de l’énergie dans des délais très courts et des conflits planétaires qui en découleront.
L’intérêt est donc primordial car la filière Thorium n’est pas un palliatif ou un des modestes compléments « durable ». Elle représente des volumes énergétiques potentiels énormes. Les pays qui ont déjà compris savent qu’ils n’ont pas le choix. Inde et Chine sont déjà lancés. Quid des Etats-Unis, malgré le gaz de schistes, du Pakistan et autres fortes populations dans un avenir proche?
Ce qui est sûr c’est que si la filière se développe dans ces pays, leur investissement sera récupéré et que l’Europe paiera le prix fort son manque d’engagement. Nous vendrons peut-être notre Thorium issu des gisements de Bretagne, mais nous achèterons les centrales indiennes et chinoises en nous mettant à genoux. On en reparlera.