Alors que le budget pour l’année 2011 doit être examiné à partir de lundi à l’Assemblée nationale, la commission Attali pour la libération de la croissance française a remis, vendredi 15 octobre, 27 "propositions chocs" à Nicolas Sarkozy. "Il ne s’agit pas d’un plan d’austérité. Nous proposons de réduire la dette pour favoriser la croissance", a expliqué Jacques Attali, qui a dressé un constat alarmiste de la situation de la France, qui, selon lui, "frôle la faillite".
"Sans nouvelles politiques pour stimuler l’emploi et équilibrer les finances publiques, la croissance restera très faible. Et notre société se trouvera bientôt dans une impasse économique, financière, écologique et sociale – et donc politique", prévient la commission qui estime que la France est engagée dans "un cercle vicieux : plus de dette, moins de croissance, moins d’emploi, plus d’injustices, plus de déficit et plus de dette". "Une nouvelle stratégie de croissance est donc indispensable, peut-on lire dans le rapport. Une croissance réorientée, socialement et écologiquement plus durable. Pour croitre plus. Pour croitre autrement. Pour croitre pour tous. Cette nouvelle stratégie est possible". Dans ce document, commandé par le Chef de l’Etat en début d’année, la Commission propose "une stratégie à dix ans, organisée autour de deux urgences - le désendettement et l’emploi - et de deux priorités de long terme - l’éducation et le développement durable".
Je me suis procuré ce rapport, intitulé "Une ambition pour dix ans", que vous pouvez vous aussi consulter et télécharger en cliquant ici. Pour celles et ceux qui n’auraient ni le temps ni l’envie d’éplucher les 177 pages de ce document, je vous propose ci-dessous une synthèse des propositions que j’ai essayé de rendre la plus digeste possible. Vous retrouverez les principales réactions politiques dans la seconde partie de cet article. Vous pouvez, bien entendu, réagir dans le forum associé (accessible en fin de page) ...
Les propositions qui suscitent la polémique
Pour sortir de la crise, la Commission Attali estime "nécessaire" d’allonger la durée des cotisations et celle du temps de travail. Elle érige en priorité absolue le retour du déficit public sous les 3% du PIB en 2013 et propose de s’attaquer aux niches fiscales et d’élargir l’assiette des prélèvements fiscaux et sociaux (25 milliards d’euros en trois ans). La commission suggère également de "geler le point d’indice pour les fonctionnaires" et d’élargir la règle de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Le rapport préconise de geler certaines prestations sociales et de mettre sous condition de ressources les allocations familiales. Le déremboursement de médicaments est aussi recommandé, ainsi que la mise en place d’une participation financière des malades en affection de longue durée (cancers, diabète...), actuellement pris en charge à 100 % sans condition de ressources... Par contre, pour favoriser la compétitivité des entreprises et la croissance, "la Commission recommande de préserver l’essentiel des allègements de charges, et de transférer une partie des charges sociales sur la TVA"...
Les propositions qui peuvent faire consensus
Si les médias et les politiques n’ont retenu, à juste titre, que les mesures d’austérité préconisées pour les dix prochaines années au détriment des droits sociaux, le rapport propose tout de même quelques pistes qui méritent d’être débattues.
Concernant l’emploi, pour mettre fin à l’exception française d’un chômage des jeunes très élevé, la commission propose de développer deux actions : renforcer les formations initiales en alternance en priorité pour les moins qualifiés et renforcer les formations après une première expérience professionnelle. Mais la mesure principale préconisée dans le rapport est la mise en place d’un contrat d’évolution. "Elle part d’un constat, précise le rapport : la phase de recherche d’emploi est utile à la fois au chômeur et à la collectivité. Elle mérite donc d’être rémunérée et d’être organisée, sous forme d’un contrat d’activité à durée indéterminée, rémunérant l’activité de recherche d’emploi et de formation. Les bénéficiaires auront accès à un accompagnement. Ce contrat a vocation à devenir à terme l’offre de référence du service public de l’emploi en France et il sera proposé à tous les chercheurs d’emploi".
Concernant l’éducation, la commission estime que "les élèves en difficulté avant leur entrée au CP le restent, dans leur quasi-totalité, par la suite. Ce gaspillage de talents finit par se retrouver dans la population active où un très grand nombre de gens arrivent sous qualifiés : une mauvaise école primaire est un obstacle à la croissance". Le rapport préconise de "renforcer l’égalité des chances dès la crèche et la maternelle. De nouvelles méthodes pédagogiques doivent être intégrées dans la formation des éducateurs de crèches et des enseignants de l’école maternelle afin de permettre l’acquisition des compétences nécessaires à l’apprentissage de la lecture."
Enfin, selon la commission, "pour croitre, la France doit investir bien plus qu’elle ne le fait dans le développement durable, préserver son environnement et mettre en oeuvre une stratégie complète de gestion des ressources rares". Elle propose trois directions :
Pour des raisons différentes, autant de mesures voire de sacrifices pour relancer une hypothétique croissance provoquent un malaise général autant à gauche qu’à droite :
Le PCF a estimé, vendredi, que Jacques Attali était "victime de bouffées ultralibérales délirantes" et "propose une économie supplémentaire pour le budget de l’État : cesser de confier des rapports aux monomaniaques de la réduction budgétaire".
A droite, la secrétaire d’Etat à la Famille Nadine Morano a rejeté vendredi toute possibilité de placer sous conditions de ressources les allocations familiales : "Nous sommes très attachés à cette politique familiale, donc il n’est pas question de prendre en compte cette préconisation". La présidente du Parti chrétien-démocrate Christine Boutin, y voit "des coups de sabre qui mettent en péril le lien social et l’avenir de notre pays", tandis que la vice-présidente du Front national Marine Le Pen a rebaptisé Jacques Attali "Attila".
Du côté des syndicats, les mesures préconisées par le rapport Attali ne passent pas. "Au nom de la crise, on nous met beaucoup de choses sur le dos", souligne Anne Baltazar (FO), qui rappelle que "déjà avec la réforme des retraites, les fonctionnaires sont attaqués sur leur pouvoir d’achat", avec l’augmentation de leur taux de cotisation de 7,85% à 10,55% comme dans le privé, sur 10 ans. "Si le gel du point d’indice se confirmait, le gouvernement prendrait le risque d’un affrontement majeur", a menacé Jean-Marc Canon (CGT). "Cela devient facile, quand il faut faire des économies, on vise les salaires des fonctionnaires", remarque aussi Mylène Jacquot (CFDT), soulignant une situation déjà difficile sur le terrain avec le non remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, qui a fait fondre les effectifs de 100.000 personnes en trois ans.
Quant au principal destinataire de ce rapport, Nicolas Sarkozy "a souligné la convergence entre les enjeux soulignés par la Commission et les initiatives lancées par le gouvernement en matière de réduction des déficits, de préparation de l’avenir, avec la mise en œuvre des investissements financés par le grand emprunt et de croissance verte", selon un communiqué de l’Elysée.
Que pensez-vous des mesures préconisées par le rapport Attali ? Le retour à la croissance est-elle la seule solution pour sortir de la crise ? Est-ce le seul modèle viable et durable ? Quelles seraient les autres alternatives ? C’est à vous de nous le dire en cliquant ici.
Tous les médias nous parlent de la commission Attali, mais qui sont les membres de cette commission ? Nous connaissons tous son président, Jacques Attali mais on retrouve aussi :
Philippe AGHION, Professeur d’économie à l’université d’Harvard, ancien enseignant au MIT et à Oxford - Dominique BALMARY, Conseiller d’Etat honoraire, Ancien directeur des relations du travail, ancien délégué à l’emploi - Franco BASSANINI, Universitaire, sénateur, ancien ministre italien pour la réforme de l’Etat -
Claude BEBEAR, Président-fondateur de l’Institut Montaigne - Jihade BELAMRI, Président directeur général d’un Bureau d’Etudes et d’Ingénierie, fondateur du club Convergence - Christian de BOISSIEU, Economiste et président du Conseil d’Analyse Economique (CAE) - Stéphane BOUJNAH, Directeur Général de Santander France et Benelux - Josseline de CLAUSADE, Directeur de la conformité du Groupe AREVA - Patrick COMBES, Président de Viel et Tradition - Jean-Philippe COTIS, Directeur Général de l’Institut National de la Statistiques et des Etudes Economiques (INSEE) -
Boris CYRULNIK, Médecin, neurologue et psychiatre - Jean-Michel DARROIS, Avocat d’affaires - Michèle DEBONNEUIL, Economiste, membre du Conseil d’analyse économique, Présidente du comité scientifique de l’Agence nationale des services à la personne (ANSP) - Jacques DELPLA, Economiste, historien, professeur et membre du Conseil d’Analyse Economique (CAE) - Pierre FERRACCI, Président du Groupe ALPHA - Xavier FONTANET, Président directeur général de Essilor - Evelyne GEBHARDT, Parlementaire européen élu en Allemagne, rapporteur de la proposition de directive sur les services dans le marché intérieur -
Marion GUILLOU, Présidente directrice générale de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) - Nathalie HANET, Directrice des Collectivités territoriales et Partenariats de Pole Emploi - Jean KASPAR , Ancien secrétaire général de la CFDT, professeur, M. KASPAR gère depuis dix ans son propre cabinet de conseil, spécialisé dans les relations sociales - Yves de KERDREL, Editorialiste au journal Le Figaro et chroniqueur chez BFM - Francis KRAMARZ, Directeur du CREST, Professeur à l’école Polytechnique - Eric LABAYE, Directeur général de McKinsey France - Christophe LAMBERT, Directeur général, Groupe EuropaCorp - Jean-Pierre LANDAU, Second sous-gouverneur de la Banque de France -
Anne LAUVERGEON, Présidente du directoire d’Areva - Bruno LASSERRE, Président de la Haute autorité de la Concurrence, Conseiller d’Etat - Eric LE BOUCHER, Directeur de la rédaction du journal Enjeux-Les Échos - Hervé LEBRAS, Historien et démographe, directeur de recherche à l’Institut National d’Etudes Démographiques (INED) et directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) - Mme Mathilde LEMOINE, Directeur des études économiques et de la stratégie marché d’HSBC France - Emmanuel MACRON, Gérant au sein de Rothschild & Cie - Reine-Claude MADER SAUSSAYE, Secrétaire générale de l’association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV) et membre du Conseil de la concurrence - Pierre NANTERME, Président d’Accenture France et de la fédération Syntec -
Erik ORSENNA, Ecrivain, académicien, conseiller d’Etat et économiste - Geoffroy ROUX DE BEZIEUX, Fondateur de Phone House et président du club CroissancePlus - Luc-François SALAVADOR, Président directeur général de Sogeti - Philippe TILLOUS-BORDE, Directeur général du groupe Sofiproteol - François VILLEROY DE GALHAU, Responsable de la banque de détail en France et membre du comité exécutif du groupe BNP Paribas - Michel de VIRVILLE, Conseiller Maître à la Cour des Comptes - Serge WEINBERG, Associé et Président de Weinberg Capital Partners - Dinah WEISSMANN, Spécialiste en neurobiologie et présidente directrice générale de Biocortech - Théodore ZELDIN, Historien et sociologue à l’université d’Oxford.