Le Parlement européen a franchi une étape décisive pour restaurer et protéger de la biodiversité en Europe en adoptant le règlement sur la restauration de la nature. Une victoire à quelques voix près, malgré une campagne de désinformation sans précédent et de multiples tentatives de torpillage du texte dénoncées par les ONG. Proposé dans le cadre du « Green Deal » de l’UE, ce règlement vise à restaurer 20% des terres et mers européennes d’ici 2030, avec un objectif ultime de 100% de restauration des espaces dégradés d’ici 2050.
Avec plus de 80% d’habitats naturels en mauvais état, et 70% de sols en mauvaise santé, l’UE se dote des moyens nécessaires pour pérenniser les modes de vie de ses citoyen·nes et de son économie.
France Nature Environnement
Le texte environnemental le plus ambitieux depuis 30 ans selon FNE
Pour la première fois, le texte fixe des objectifs opérationnels clairs, un dispositif de suivi et une redevabilité des Etats membres pour restaurer les écosystèmes dégradés. Parmi les principaux objectifs et mesures :
- Restauration de 20% des terres et mers européennes d’ici 2030
- Restauration de 100% des espaces dégradés d’ici 2050
- Inversion du déclin des populations de pollinisateurs
- Mesures de restauration des écosystèmes terrestres, marins, agricoles, forestiers, urbains et des cours d’eau
- Obligation de mettre en place des mesures pour prévenir la détérioration des écosystèmes
- Obligation de mettre en place des mesures pour restaurer les populations d’oiseaux (espèces parapluies)
- Plantation de 3 milliards d’arbres supplémentaires
- Fixation d’échéances pour combler les lacunes en matière de connaissance de l’état de conservation des habitats
Restaurer la biodiversité pour l’humain et la nature
La biodiversité décline à un rythme sans précédent dans le monde, et en Europe, avec des conséquences dévastatrices.
Selon la Commission européenne, 81% des habitats et des écosystèmes de l’UE sont en mauvais état de conservation. En France, seulement 20% des habitats sont en bon état de conservation en métropole sur la période 2013-2018. Un chiffre qui baisse même à 6% pour les écosystèmes marins et côtiers et pour les écosystèmes humides (données de l’Observatoire national de la biodiversité). Une dégradation qui a un impact sur les espèces végétales et animales. Le rapport de la Commission européenne sur l’état de conservation de la nature dans l’Union européenne montre que les populations d’oiseaux déclinent et que 63 % des autres espèces ont un état de conservation jugé « insuffisant » ou « médiocre » (EUR-lex).
Rappelons que cette érosion dramatique de la biodiversité est liée aux activités humaines. A l’échelle mondiale, les cinq grands facteurs d’érosion de la biodiversité sont l’artificialisation des milieux naturels, la surexploitation des ressources, le changement climatique (d’origine anthropique), la pollution, et enfin les espèces invasives et envahissantes. Et l’érosion de la biodiversité menace directement la pérennité de nos modes de vie. Le Forum économique mondial a estimé en 2020 que plus de 50% du PIB mondial (soit 44 000 milliards de dollars) dépend de la nature et de ses services. La nature est en effet le support de nombre d’activités essentielles à notre existence et nos économies : production alimentaire, extraction de matériaux renouvelables (comme le bois ou les fibres textiles), assainissement de l’eau, régulation du climat, ou encore protection contre les catastrophes naturelles (glissements de terrain et inondations par exemple).
Ainsi, la restauration des écosystèmes au sein desquels (et par lesquels) nous vivons relève d’un impératif scientifique et social, pas d’un choix idéologique. Après l’inefficacité des engagements volontaires passés, l’inscription d’une obligation légale de restauration dans les textes européens est un signal fort. Ce signal est d’autant plus important que l’UE s’est engagée pour la biodiversité au niveau international, via l’accord de Kunming-Montréal dont elle a soutenu l’ambition, et elle se doit désormais d’être exemplaire et de montrer la voie aux autres pays. Au sein de l’Union, le cadre et les ambitions partagées du règlement sur la restauration de la nature viendront donner cohérence et ampleur aux efforts de restauration déjà portés à certaines échelles nationales ou dans les territoires par de nombreux acteurs (collectivités, syndicats mixtes, associations, exploitants en agroforesterie, usagers de la nature, etc.).
« L’effondrement de la biodiversité et les changements climatiques menacent nos sociétés et doivent entrainer une mobilisation massive et urgente. Alors que la France s’engage sur la régression environnementale, l’Europe résiste aux pressions sectaires pour servir l’intérêt général. Nous ne POURRONS PAS nous exonérer d’une planète saine et durable. »
Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPO
Une victoire citoyenne face à des stratégies électoralistes
Voté de justesse (329 voix pour sur 628 député.es présent.es en séance, soit 14 de plus que les 315 requises), le texte a survécu, bien qu’affaibli, aux efforts sans précédent déployés par les partis de droite et d’extrême-droite pour le torpiller :
- Inversant causes et conséquences, les opposants au texte ont déclaré que celui-ci aurait des effets néfastes sur l’agriculture, la pêche et la société en général, menaçant la sécurité alimentaire de l’Europe et les emplois. A ce titre, le Parti Populaire européen a appelé au rejet du texte (voir résolution du PPE), rejoignant les partis d’extrême droite et entrainant dans son sillage une partie du centre-droit.
- L’argumentaire sur la sécurité alimentaire a été largement démonté par les scientifiques, qui ont été plus de 6 000 à dénoncer la désinformation à l’œuvre, en mettant en exergue les véritables menaces pour nos systèmes de production : le changement climatique et la perte de biodiversité et de services écosystémiques – et l’urgence de protéger et restaurer la nature.
Face à cela, la mobilisation de l’ensemble de la société civile a porté ses fruits (citoyen·nes, scientifiques, organisations paysannes et environnementales, entreprises…). Cette victoire témoigne de l’attente forte des citoyen·nes pour des mesures environnementales ambitieuses, à l’approche des élections européennes du 9 juin 2024.