Dans l'actualité :

COP29 Climat : vers un réel engagement des États à sortir des énergies fossiles ?

Publié fin mars 2023, le dernier rapport de synthèse...

La France s’adapte pour vivre à +4°C ?

Inondations, pénuries d’eau, sécheresse des sols, canicules, feux de...

Comment accélérer la transition écologique et sociale grâce aux communautés ?

“(Re)faire tribu” est la newsletter mensuelle d'Hugo, 24 ans,...

Produire en 2025 plus de la moitié de notre énergie de manière propre, c’est possible !

« Produire en 2025 plus de la moitié de notre énergie de manière propre, c’est possible ! », @RT Flash, Lettre n°379 du 7 au 13 avril 2006
Par René Tregouët, Sénateur honoraire, Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

Le dernier rapport 2005 sur les énergies renouvelables du Ministère de l’Industrie est riche d’enseignements. Ce document nous apprend que la consommation intérieure brute d’électricité s’est élevée à 516,4 TWh (516 milliards de kWh) en 2004. La production d’électricité d’origine renouvelable était dans le même temps de 65,7 TWh (dont 93 % par l’énergie hydraulique, 6 % par la biomasse et 1 % par les énergies éoliennes et solaires), soit prés de 13 % de la consommation intérieure brute d’électricité. Le reste, soit 451 TWh est essentiellement assuré par l’énergie nucléaire (77 %) et l’énergie thermique (10 %).

La marge de progression de l’énergie hydraulique est faible car la plupart des grands sites sont déjà équipés. Mais serait-il possible de produire de manière propre la totalité de l’électricité que notre pays consomme ? En théorie oui. Imaginons en effet que nous voulions remplacer l’électricité électronucléaire et thermique par la même quantité d’électricité issue des énergies renouvelables. Cela signifie qu’il nous faudrait produire environ 451 milliards de kWh par an de manière « propre ». Pour simplifier notre calcul, mettons de côté l’énergie géothermique et l’énergie des mers (courants marins, énergie des marées et des vagues) qui possèdent de réelles potentialités à terme (que nous avons déjà évoquées dans cette lettre) mais qu’il est difficile de mettre en oeuvre rapidement pour des raisons tenant à la lourdeur des investissements et aux incertitudes technologiques qui subsistent.

Si l’on se limite aux technologies disponibles en matière d’énergie éolienne et solaire photovoltaïque il faudrait, pour pouvoir produire chaque année 451 milliards de kWh, installer 45000 éoliennes géantes de 5 MW de puissance chacune (production moyenne annuelle 10 millions de kWh par éolienne) ou déployer 4500 km de panneaux solaires photovoltaïques (production moyenne annuelle 100 millions de kWh par km² de panneaux). On pourrait aussi envisager de combiner ces deux sources d’énergie propre. Dans ce cas, il faudrait installer 22500 éoliennes géantes et 2250 km² de panneaux solaires, soit une vingtaine de km² de panneaux solaires et 236 éoliennes par département.

De tels équipements sont importants mais ne paraissent pas hors de portée d’un pays comme la France, compte tenu de notre superficie et de nos caractéristiques géoclimatiques. Mais en matière d’énergie, rien n’est simple et l’électricité n’est pas une substance qu’on peut stocker et libérer à loisir, quand on a besoin. Elle doit être produite « à flux tendu » et s’adapter en temps réel à l’évolution de la consommation. Or les énergies éoliennes et solaires, si elles présentent le grand avantage d’être propres et non émettrices de gaz à effet de serre, présentent deux inconvénients intrinsèques majeurs : elles sont à la fois intermittentes et non prévisibles.

On peut certes évaluer statistiquement la capacité de production moyenne annuelle d’une centrale éolienne ou solaire, en fonction de sa zone d’implantation. C’est ainsi qu’on sait qu’une éolienne géante de 5 MW dans un secteur normalement venteux va produire, en moyenne, 10 millions de kWh (pour un rendement moyen de 23 %). On sait également qu’un panneau solaire photovoltaïque d’un mètre carré produit en moyenne (dans une zone de moyen ensoleillement) 1000 kWh par an. Mais tout le problème est que la disponibilité journalière de ces deux sources d’énergie est imprévisible et qu’on ne peut commander ni au soleil, ni au vent.

En admettant qu’on installe suffisamment d’éoliennes et de centrales solaires pour produire, en moyenne annuelle, toute électricité actuellement produite par le nucléaire (77 %) et le thermique (10 %), soit environ 451 TWh (451 milliards de kWh), le problème ne serait pas résolu pour autant car nous ne serions absolument pas en mesure de pouvoir ajuster en temps réel notre production d’électricité aux variations parfois très brusques de la demande, tant industrielle que domestique. Pour ces raisons fondamentales, il n’est pas facile, c’est le moins que l’on puisse dire, pour un pays développé comme la France, de produire toute l’électricité dont il a besoin uniquement grâce aux énergies renouvelables. Mais face à ce défi nous ne devons pas baisser les bras mais faire preuve de pragmatisme, de volontarisme et d’imagination pour parvenir à produire, d’ici une génération, la majeure partie de notre énergie de manière propre.

En admettant que nous parvenions, d’ici 20 ans, à multiplier par 100 la puissance éolienne installée, pour atteindre 60 TWh, ce qui représenterait déjà un effort considérable, nous pourrions produire, en installant 6000 éoliennes (terrestres mais aussi « offshore », en mer) géantes de 5 MW, environ 11 % de notre consommation électrique totale, soit l’équivalent de la quantité d’électricité que nous produisons actuellement par l’énergie thermique qui contribue à aggraver le réchauffement climatique, ce qui constituerait déjà un remarquable résultat.

Imaginons que dans le même temps nous installions 1000 km² de panneaux solaires photovoltaïques (soit 10 km² par département, cette superficie comprenant non seulement la surface au sol mais également la surface équipée sur les toits des maisons et immeubles), nous pourrions produire environ 100 TWh supplémentaires d’énergie propre, soit 19 % de notre consommation électrique totale. Dans ce scénario énergétique très volontariste, nous pourrions donc, à l’horizon 2025, produire, en comptant aussi l’énergie hydroélectrique, environ 45 % de notre électricité à l’aide des énergies renouvelables. En faisant, en outre, un gros effort sur l’ensemble de la filière de la biomasse (déchets, bois), et notamment en développant les centrales électrique au bois (un quart de notre territoire est constitué de forêts), comme au Portugal ou en Suisse, nous pourrions ajouter 5 % de production électrique propre supplémentaire (26 TWh). Nous pourrions enfin développer, à l’horizon 2025, les énergies issues de la mer, énergie marémotrice, énergie des vagues et des courants marins de manière à produire par cette voie au moins 5 % de notre consommation électrique totale.

Finalement, au prix d’un effort public et privé considérable et en combinant de manière optimale éolien, solaire, hydraulique, biomasse et énergies de mers, la France pourrait, à l’horizon 2025, produire, de manière diversifiée et décentralisée, plus de la moitié de sa consommation électrique totale grâce aux énergies renouvelables, ce qui, outre la réduction très positive de la pollution et des gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique, aurait un effet dynamisant sur l’économie et la création de nombreux emplois nouveaux.

Parallèlement à cet effort, un grand programme visant à réduire de moitié, dans le secteur des transports, de l’industrie et du chauffage domestique, notre consommation de produits pétroliers, pourrait être mis en oeuvre. Ce programme agirait d’une part au niveau de l’efficacité énergétique et de la maîtrise de la consommation grâce aux nouvelles technologies et viserait, d’autre part, de manière beaucoup plus volontariste qu’actuellement et avec des objectifs chiffrés, à substituer aux carburants fossiles, des biocarburants de première et de seconde génération (ceux issus de la forêt qui n’entrent pas en concurrence avec les cultures agricoles) et d’autres sources et formes d’énergie renouvelables, électricité et hydrogène notamment. Le but étant, à terme, d’aller vers le « zéro pétrole », objectif qui deviendra de toute façon incontournable, compte tenu de l’explosion de la demande mondiale (4 milliards de tonnes par an en 2005, 6 milliards de tonnes en 2020 !), de l’épuisement rapide des réserves de pétrole « faciles », exploitables à moindre coût et de la hausse prévisible inévitable du prix des carburants.

Grâce à la mise en oeuvre de cette politique énergétique ambitieuse mais réaliste, car s’appuyant sur des technologies existantes et maîtrisées, la France pourrait devenir le premier pays développé au monde, après la Suède, à produire de manière propre, d’ici une génération, plus de la moitié de toute l’énergie qu’elle consomme, transports inclus. Je propose de baptiser cet objectif historique « 25-50 » puisqu’il vise à produire en 2025 au moins 50 % de toute l’énergie que nous consommons grâce aux énergies renouvelables.

Si nous parvenions à atteindre cet objectif, nous aurions accompli un pas de géant et notre pays deviendrait au niveau mondial un modèle et une référence en matière de mutation énergétique combinant volontarisme politique, pragmatisme techno-économique et vision à long terme. Il nous appartient à présent de relever ce défi et de mettre en oeuvre ce véritable projet de société. Nous portons une responsabilité historique vis à vis des générations qui nous succéderont et nous avons le devoir de leur léguer un monde vivable et un environnement préservé. Faisons en sorte d’être à la hauteur des enjeux qui nous attendent pour relever ensemble ce défi de civilisation.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

A lire

La France s’adapte pour vivre à +4°C ?

Inondations, pénuries d’eau, sécheresse des sols, canicules, feux de...

Comment accélérer la transition écologique et sociale grâce aux communautés ?

“(Re)faire tribu” est la newsletter mensuelle d'Hugo, 24 ans,...

Une Initiative mondiale pour l’intégrité de l’information sur le changement climatique

Au G20 2024 à Rio de Janeiro, le gouvernement...

L’avenir de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) est-il en danger ?

Dans un contexte économique incertain, où les entreprises jonglent...

Newsletter

spot_img

Sur Cdurable

Immobilier régénératif : méthode et stratégie pour passer à l’action

Face aux grands défis environnementaux, sociaux et sociétaux et...

Le télétravail : un levier pour lutter contre le dérèglement climatique ?

France Stratégie et l'Inspection générale de l'environnement et du...

Manger flexitarien, végétarien ou végétalien sauvera-t’il notre avenir, biodiversité et climat ?

La consommation de viande est le principal poste d'émissions...

Livre Blanc de la construction durable en Outre-mer

Pour répondre à l’urgence des enjeux liés aux spécificités...

COP29 Climat : vers un réel engagement des États à sortir des énergies fossiles ?

Publié fin mars 2023, le dernier rapport de synthèse du GIEC est sans équivoque : le réchauffement de la température moyenne mondiale s’accélère et...

La France s’adapte pour vivre à +4°C ?

Inondations, pénuries d’eau, sécheresse des sols, canicules, feux de forêts, retrait-gonflement des argiles…, le changement climatique impacte déjà notre quotidien, notre environnement et nos...

Comment accélérer la transition écologique et sociale grâce aux communautés ?

“(Re)faire tribu” est la newsletter mensuelle d'Hugo, 24 ans, parti découvrir l’art de faire communauté. Tous les mois, il nous partage des pépites pour...