Avis sur les projets de Stratégie nationale bas-carbone (SNBC)
et de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté aujourd’hui son avis intitulé « Climat – Énergie : la France doit se donner les moyens », sur les projets de SNBC et de PPE, en présence de la Secrétaire d’État auprès du ministre d’état de la Transition écologique et solidaire, Emmanuelle Wargon.
Depuis plusieurs mois, des millions de personnes manifestent en France et dans le monde contre le retard pris dans la lutte contre le changement climatique. Parallèlement, en France le mouvement des « gilets jaunes » a notamment mis en évidence combien l’articulation entre transition énergétique et justice sociale reste délicate.
C’est dans le contexte des engagements pris et imposé par cette urgence climatique et sociale que la France a rendu publics en décembre 2018 et janvier 2019 ses projets pour la seconde période de programmation de la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) et de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Ces deux programmations, prévues par la Loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) de 2015, visent à fournir à tous les acteurs une politique publique, lisible et stable, pour les inciter à investir massivement dans la transition énergétique et les accompagner.
Le nouveau projet de stratégie nationale bas carbone vise désormais la « neutralité carbone » à l’horizon 2050, une élévation des objectifs que le CESE a saluée dans son avis du 20 février dernier. La production d’énergie électrique est renforcée et la parité entre énergies renouvelables et nucléaire prévue pour 2035. L’avenir de la filière du biogaz est questionné par la faiblesse du développement envisagé, tout comme celle de l’éolien offshore, et l’accent est encore insuffisamment mis sur la chaleur et le froid renouvelables.
Les projets de SNBC et de PPE restent très imprécis ou insuffisants quant aux moyens mis en œuvre sur les 5 et 10 prochaines années pour atteindre des objectifs ambitieux, notamment dans le domaine de la rénovation des logements et du tertiaire ou celui de la biomasse et du stockage de carbone.
Et surtout, l’absence de trajectoire connue pour la Contribution climat énergie (CCE) ou « taxe carbone » depuis la suspension de sa progression en décembre 2018, rend peu crédible de nombreux aspects de cette programmation du fait du caractère très structurant du prix du carbone pour atteindre les objectifs visés.
Pour que la France puisse atteindre les objectifs ambitieux qu’elle s’est fixée en matière de climat et d’énergie et créer les conditions d’une transition énergétique conjuguant qualité de vie et justice sociale, le CESE recommande notamment de :
- Définir un cadre clair et stable, favorable à la transition énergétique
Le CESE préconise que le gouvernement présente sans délai la trajectoire retenue pour la contribution climat énergie, ou « taxe carbone » au sortir du grand débat national et que les effets macroéconomiques et redistributifs de la programmation proposée soient réévalués.
Afin d’améliorer l’acceptabilité et la soutenabilité sociale de la CCE, le CESE recommande que soit modifiée substantiellement l’affectation des recettes qui en sont tirées en accroissant les mesures de compensation destinées à amortir les effets de cette hausse pour les plus vulnérables, notamment via la hausse du chèque énergie. Il recommande aussi qu’une dotation climat-énergie pérenne soit attribuée aux régions et aux EPCI et que leurs dépenses dans ce domaine soient sorties des limites imposées par l’Etat à la hausse des dépenses des collectivités.
Le CESE demande que soit défini un plan prévisionnel d’investissement pour tous les secteurs concernés par la transition énergétique. Par ailleurs, il rappelle qu’il souhaite que les dépenses publiques en faveur de la transition énergétique soient sorties du calcul des déficits publics dans le cadre des critères de Maastricht.
Il souhaite enfin que soit établi dès 2020 un véritable Plan de programmation de l’emploi et des compétences (PPEC) comme prévu par la LTECV.
- Engager des moyens à la hauteur des enjeux
Le CESE souhaite que soit inscrite dans la PPE la mise en œuvre d’un plan national de rénovation des « passoires énergétiques », doté de moyens adaptés pour viser leur éradication à l’horizon 2030 et que les modalités de déploiement d’un indispensable Service public de l’efficacité énergétique soient précisées.
Afin d’accompagner la transition énergétique, le CESE recommande de soutenir les filières émergentes appelées à jouer un rôle important dans le mix énergétique de demain, en allouant un soutien budgétaire suffisant à la filière biogaz pour atteindre au moins les 10 % fixés par la LTECV en 2030 et à la filière de l’éolien offshore pour permettre un rythme d’appel d’offre d’1 GW par an.
Le CESE recommande d’attribuer un tiers des 15 milliards d’euros prévus dans le Grand plan d’investissement aux formations adaptées à la transition énergétiques.
- Réformer la gouvernance pour une meilleure appropriation
Le CESE recommande d’expliciter et soumettre au débat les hypothèses d’évolution de la consommation et de la production de gaz et d’électricité. Il souhaite également que les différentes composantes structurantes des stratégies de luttes contre le changement climatique (les projets de PPE et SNBC et leurs déclinaisons régionales que constituent les SRADDET) soient soumises à un débat public selon les modalités prévues par la CNDP avant leur adoption.
Le CESE recommande d’harmoniser via un processus politique les programmations de l’Etat, des régions et des EPCI et d’organiser un suivi cohérent de leur mise en œuvre.
Le CESE préconise d’inscrire à l’avenir la SNBC et la PPE et leur financement dans des lois de programmation, à l’image de celles des finances publiques ou des lois de programmation militaire.
Cet avis, rapporté par Guillaume DUVAL (Groupe des personnalités qualifiées) et Madeleine CHARRU (personnalité associée), pour la section de l’environnement, présidée par Anne-Marie DUCROUX (Groupe environnement et nature), a été présenté lors de l’assemblée plénière du Conseil économique, social et environnemental du 9 avril 2019.
L’avis a été adopté en plénière, avec 139 voix pour, 3 voix contre et 31 abstentions.