L’Assemblée nationale a adopté mercredi en première lecture, avec une très faible majorité (249 voix contre 228), le projet de loi sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) qui était en débat depuis le premier avril. Ce vote, obtenu dans une ambiance parfois agitée, confirme la volonté d’aboutir malgré de grandes polémiques qui continuent de diviser les promoteurs des OGM et ceux qui n’en veulent pas. Le Sénat avait déjà adopté ce texte le 8 février, mais le projet de loi doit repasser devant les sénateurs la semaine prochaine pour être définitivement adopté. Cdurable.info vous propose une synthèse sur ce projet de loi : les faits, les textes, les votes et les réactions. Pour notre part, c’est une réaction d’incompréhension qui nous anime. Après la diffusion du Monde selon Monsanto, nous espérions que les députés adopteraient un texte en cohérence avec les conclusions du Grenelle de l’environnement. Au lieu de cela, les députés accordent la « liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM ». « Une lâcheté » dénoncée par la secrétaire d’état à l’écologie qui a du présenter ses excuses pour garder son poste. Finalement à quoi aura servi le Grenelle de l’environnement ?
Les faits
Ce projet de loi sur les OGM, qui vient d’être adopter, et qui comprend 14 articles et 488 amendements, est une transcription en droit français d’une réglementation européenne de 2001 qui fixe les conditions de la coexistence des cultures avec ou sans OGM. Or cette coexistence que certains veulent garantir, pose par exemple pour d’autres le problème de la contamination. L’Europe préconisant un seuil de 0,9% de contamination avant que cela soit signifié dans les étiquetages, inacceptable pour d’autres. Durant cinq jours les députés ont débattus vivement, parfois à l’intérieur de leur propre camps, et les confrontations n’ont épargné personne, ni même le gouvernement. Le secrétaire d’Etat à l’Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet s’en est même pris a son ministre Jean-Louis Borloo et à Jean-François Copé, le président du groupe UMP, dénonçant « un concours de lâcheté » avant de s’excuser a l’issu des débats. « Borloo a systématiquement soutenu le groupe UMP mais Nathalie Kosciusko-Morizet a pris une position divergente », dénonce le président UMP de la commission des Affaires économiques Patrick Ollier, ouvertement pro-OGM. Au-delà des querelles de personnes, même l’article 1 du projet de loi n’a pas permis à la majorité et à l’opposition de trouver un langage commun. Pour Julie Chauveau dans Les Echos (édition du jeudi 10 avril 2008), vieux pays agricole, la France est tiraillée entre la volonté de protéger cette activité importante pour l’économie et de conserver ses spécificités. Les défenseurs de la science des OGM et ceux qui doutent de la difficulté d’empêcher le phénomène de dissémination des gènes se trouvent dans les deux camps. L’article 1 prévoit la liberté de consommer et produire avec ou sans OGM. Un projet de loi donc encore très polémique qui vient de terminer son premier tour de piste et qui va retourner au Sénat dès le 16 avril pour un nouvel examen en 2ème lecture. – Télécharger le projet de loi adopté par les députés le 9 avril 2008 à l’Assemblée Nationale – Tous les travaux préparatoires et les débats sur le site de l’Assemblée Nationale Libération (édition du jeudi 10 avril 2008) note cependant une victoire de la gauche : Adopté au terme d’un vote, où des UMP et des centristes ont rejoint l’opposition, l’amendement 252, du communiste André Chassaigne, prévoit que les OGM ne peuvent être cultivés que «dans le respect des structures agricoles, des écosystèmes locaux, et des filières de production et commerciales qualifiées « sans OGM »». En clair, il pourrait conduire à exclure les OGM d’une partie du territoire, notamment les parcs naturels ou les zones d’appellation contrôlée. Mais Jean-François Copé a déjà prévenu qu’«il faudra revenir sur les amendements qui ne sont pas conformes aux vues du gouvernement», lors de la deuxième lecture, au Sénat. L’opposition a donc lancé une pétition sur Internet pour défendre le 252. Elle craint que Matignon se contente d’un autre amendement UMP qui prévoit que «les parcs nationaux et les parcs naturels régionaux peuvent exclure la culture d’OGM», un amendement «factice et de façade, destiné à donner bonne conscience aux députés de la majorité», selon le socialiste Arnaud Montebourg.OGM: qu’a voté votre député ?
20 minutes (édition du jeudi 10 avril 2008) rappelle que lors du vote solennel, une centaine de députés de la majorité se sont abstenus, venant contredire l’unité que tente d’afficher le groupe UMP à l’Assemblée. Le quotidien précise qu’il s’agit de la plus courte majorité obtenue sur un texte de loi depuis l’arrivée de la droite au pouvoir en 2002. François Grosdidier, seul au sein de l’UMP à soutenir publiquement Nathalie Kosciusko-Morizet, a estimé hier qu’il fallait « comptabiliser les abstentions comme des votes contre ». 20 minutes Cela fait sept ans que ce texte doit être voté. A force de mûrir, il vient à se gâter. Pour ou contre la loi ? Les Verts ont les noms de tout le monde : – A l’UMP, ceux qui ont voté CONTRE : MM. Jean-François Chossy, Dino Cinieri, René Couanau, François Grosdidier, Christophe Guilloteau, Jacques Le Nay, Damien Meslot, Yves Nicolin, Daniel Spagnou et François Vannson. – A l’UMP, ceux qui se sont ABSTENUS : MM. Pierre-Christophe Baguet, François Calvet, Georges Colombier, Bernard Depierre, Vincent Descoeur, Eric Diard, Dominique Dord, Yannick Favennec, Jacques Grosperrin, Mme Arlette Grosskost, MM. Sébastien Huyghe, Paul Jeanneteau, Jacques Kossowski, Dominique Le Mèner, Lionnel Luca, Daniel Mach, Alain Marc, Jean-Pierre Marcon, Franck Marlin, Jean Marsaudon, Philippe-Armand Martin, Jean-Marie Morisset, Bernard Perrut, Etienne Pinte, Christophe Priou, Jacques Remiller, Martial Saddier, Francis Saint-Léger, Eric Straumann, Lionel Tardy et Mme Marie-Jo Zimmermann. – A l’UMP, ceux qui ont voté POUR : Ce sont tous les 245 députés UMP restant. – Au PS, tous ont voté CONTRE : Soit tous les 205 députés de ce groupe. – Au NOUVEAU CENTRE, ceux qui ont voté CONTRE : MM. Charles de Courson, Philippe Folliot, Francis Hillmeyer, Michel Hunault, Olivier Jardé, Yvan Lachaud, Claude Leteurtre, Jean-Luc Préel, François Rochebloine et François Sauvadet. – A l’UDF et ailleurs, ceux qui ont voté CONTRE : MM. François Bayrou, Thierry Benoit, Mme Véronique Besse et M. Jean Lassalle. M. Jean-Pierre Balligand, M. Jacques Desallangre, Mme Aurélie Filippetti, Mme Valérie Fourneyron, M. Paul Giacobbi, Mme Colette Langlade, M. Jean Launay, Mme Christiane Taubira. – AU PCF et chez les VERTS, tous ont voté CONTRE : Mme Marie-Hélène Amiable, M. François Asensi, Mmes Huguette Bello, Martine Billard, MM. Alain Bocquet, Patrick Braouezec, Jean-Pierre Brard, Mme Marie-George Buffet, MM. Jean-Jacques Candelier, André Chassaigne, Yves Cochet, Mme Jacqueline Fraysse, MM. André Gerin, Pierre Gosnat, Maxime Gremetz, Jean-Paul Lecoq, Noël Mamère, Alfred Marie-Jeanne, Roland Muzeau, Daniel Paul, François de Rugy, Jean-Claude Sandrier et Michel Vaxès. – La liste complète des votes sur le site de l’Assemblée Nationale Parmi les réactions :Greenpeace : Loi OGM : débat torché, vote irresponsable !
Greenpeace (communiqué de presse du 9 avril 2008) déplore l’adoption du projet de loi sur les OGM lors d’un scrutin solennel à l’Assemblée nationale. Le texte condamne à terme l’ensemble de la production agricole française à la contamination et définit un régime de responsabilité complètement défaillant. En votant une loi génétiquement modifiée au profit d’une poignée d’industriels, la majorité UMP est manifestement passée à côté de l’histoire et de la volonté des Français. Pour l’ONG, la « croisade du sergent-chef » Copé contre une secrétaire d’Etat coupable de « soutien » au seul amendement limitant la contamination ne fait pas honneur à la vie démocratique française. « Comme au Sénat, la frange la plus rétrograde de la majorité UMP s’est allégrement assis sur le Grenelle, sur le principe de précaution, sur la directive européenne qu’elle était censée traduire en droit français et sur le souhait des citoyens ! s’indigne Arnaud Apoteker, de Greenpeace France. Pis, si l’on en croit les déclarations vengeresses de M.Copé, le seul vrai amendement de protection adopté pourrait être remis en cause au Sénat dès la semaine prochaine, lors de la seconde lecture. Nous regrettons que les députés UMP les plus éclairés, comme M.Grosdidier, n’aient pas été plus entendus par leurs collègues. L’agriculture française et l’environnement sont sacrifiés sur l’autel de quelques profits industriels. C’est une honte. » Dans ce contexte, Greenpeace ne peut se réjouir des amendements adoptés ces derniers jours. Non contraignants, ils sont pour la plupart des amendements « cosmétiques », de façade, destinés à faire croire aux français que leurs inquiétudes légitimes ont été entendues. Par exemple, la disposition qui limitait la liberté d’expression des membres du futur Haut Conseil des biotechnologies avait été ajoutée en février par la frange la plus conservatrice des sénateurs. Sa suppression tient donc du minimum syndical. Quant à l’amendement qui dispose que les parcs naturels « peuvent » exclure la culture d’OGM, « avec l’accord unanime des exploitants agricoles concernés », il constitue une véritable supercherie, l’unanimité étant impossible à atteindre… Le sans OGM est nié. Au terme de 6 jours de débat, le législateur ne s’est pas prononcé sur la nature du sans OGM. Celui-ci reste donc défini par une contamination à 0.9%. Sans OGM, c’est donc avec un peu d’OGM… Un comble pour une loi dont l’objectif, selon la directive 2001/18, devait en être la protection. Un régime de responsabilité défaillant est par ailleurs entériné. L’agriculteur conventionnel ou bio devra se débrouiller seul avec sa contamination. Le champ de responsabilité issu du transport ou du stockage, qui est le plus important, n’est pas pris en compte et le niveau de d’indemnisation prévu, basé sur la dépréciation des prix, est tout simplement ridicule par rapport à la réalité des contaminations. Le seul amendement responsable voté est le n°252 permettant la protection des filières de qualité sans OGM. Mais il est fort à craindre que les « cosmétiques » adoptés par l’Assemblée nationale permettent de légitimer au Sénat sa suppression alors que ses objectifs -la pérennité des AOC françaises- sont pourtant si évidents que l’on ne voit pas bien au nom de quoi la majorité UMP pourrait se permettre de les contester. Refus d’étiquetage des produits animaux nourris aux OGM, refus de l’implication des collectivités locales, refus de l’information publique en temps et en heure ou encore confidentialité des dossier d’évaluation éclairent par ailleurs l’intention de la majorité UMP : imposer des OGM partout et en cachette. Le concours de lâcheté et d’irresponsabilité active a bien eu lieu. M.Copé en sort grand vainqueur. La croisade du sergent-chef de l’UMP contre une secrétaire d’Etat, coupable de « soutien » au seul amendement limitant la contamination ne fait pas honneur à la vie démocratique française. Au palmarès général, c’est donc à lui que Greenpeace remettra son Monsanto d’or. Texte de loi ou acte de vente à Monsanto ?, s’interroge l’ONG. La veille du début d’examen de la loi à l’assemblée, Greenpeace interpellait à son siège l’UMP pour savoir si, comme le déclaraient certains parlementaires, elle était bel et bien contaminée par Monsanto…. Les dernières affirmations du député Copé et du Premier Ministre François Fillon répondent sans ambiguité, justifiant par là même la défiance des citoyens vis-à-vis de la classe politique. « L’Assemblée nationale vient de rédiger l’acte de vente de l’agriculture française à Monsanto, conclut Arnaud Apoteker. Le Premier Ministre est le premier à vouloir le signer. Les sénateurs trouveront-ils le courage d’afficher un autre visage ? » Ce scrutin, caractérisé par une très courte majorité et une abstention inhabituelle (249 voix pour, 228 voix contre et 477 votes exprimés), témoigne par ailleurs du manque d’unanimité et de la mauvaise conscience des députés UMP sur la ligne définie par M.Copé et la frange la plus extrémiste du parti. Greenpeace en appelle maintenant au Président de la République : l’intérêt général doit passer avant les intérêts des firmes semencières et la politique politicienne.Les autres réactions
– France Nature Environnement note quelques pas en avant – « Il y avait eu un gros coup de force de l’UMP quand Sarkozy avait activé la clause de sauvegarde contre le maïs OGM Mon 810 et maintenant ils tombent tous sur Nathalie Kosciusko-Morizet, estime José Bové. C’est la logique des lobbys qui l’a emporté sur l’esprit modéré du Grenelle. »