Réformer le système financier mondial, aller au-delà du produit intérieur brut (PIB) pour mesurer le progrès économique et relever les défis technologiques sont essentiels pour parvenir à un avenir plus juste et plus équitable pour tous, a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres. Il s’est exprimé au Siège de l’ONU à New York, où il a présenté aux États membres trois nouvelles notes d’orientation du rapport « Notre Programme commun » sur ces thèmes.
Des défis de taille
« Elles abordent certains des défis les plus sérieux auxquels nous sommes confrontés – des défis qui peuvent déterminer si nous sommes en mesure de réaliser la vision de l’Agenda 2030 et des Objectifs de développement durable, ou si nous allons toujours vers un avenir de décomposition sociale, financière, politique et environnementale continue », a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres.
Il est de plus en plus reconnu que le PIB néglige les activités humaines qui soutiennent la vie et contribuent au bien-être, tout en accordant une valeur disproportionnée à celles qui nous nuisent et épuisent notre planète. -António Guterres
Les notes d’information sont destinées à alimenter les discussions avant le sommet sur les ODD, qui se tiendra en septembre et qui marquera la mi-parcours vers la réalisation des Objectifs, ainsi que le Sommet de l’avenir qui se tiendra l’année prochaine. Ces trois notes sont les dernières d’une série de 11 notes basées sur les propositions qui figurent dans Notre programme commun, le rapport 2021 du Secrétaire général qui présente une vision de la coopération mondiale et de l’action multilatérale futures. Notre Programme commun : PRINCIPALES PROPOSITIONSUn système de financement équitable
M. Guterres a souvent évoqué la nécessité de réformer l’architecture financière internationale pour la rendre plus résiliente, plus équitable et plus accessible à tous. Le système actuel, établi dans le cadre des accords de Bretton Woods il y a près de 80 ans – « alors que de nombreuses économies émergentes et en développement d’aujourd’hui étaient sous domination coloniale » – est censé représenter le monde, mais ce n’est pas le cas, a-t-il déclaré. La pandémie de COVID-19 et ses conséquences ont également révélé que le système avait « largement échoué » dans l’accomplissement de son mandat principal de filet de sécurité financière, de nombreux pays en développement étant aujourd’hui confrontés à une crise financière profonde et l’allègement de la dette étant au point mort.« L’Afrique dépense aujourd’hui plus pour le service de la dette que pour les soins de santé », a regretté le chef de l’ONU.
Remédier aux injustices historiques
Le document d’orientation présente des propositions visant à remédier aux injustices historiques et aux préjugés systémiques et couvre six domaines, dont la gouvernance économique mondiale, l’allègement de la dette et le coût des emprunts souverains, ainsi que les finances publiques internationales.« Dans l’ensemble, les propositions contenues dans le document visent à s’éloigner d’un système qui profite aux riches et donne la priorité aux gains à court terme, pour en adopter un qui soit équitable et qui investisse d’emblée dans les Objectifs de développement durable, l’action climatique et les générations futures », a-t-il déclaré.Les mesures proposées comprennent l’élargissement des conseils d’administration de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international « pour renforcer la voix et la représentation des pays en développement ».
Organe de surveillance
Il devrait également y avoir « un organe faîtier représentatif » supervisant l’ensemble du système, afin de renforcer sa cohérence et d’aligner les priorités sur l’Agenda 2030, ainsi qu’un mécanisme d’apurement de la dette qui ferait le lien entre le financement du développement et les créanciers commerciaux. Une autre proposition appelle à « l’augmentation massive du financement du développement et du climat, en partie en changeant le modèle commercial des banques multilatérales de développement et en transformant leur approche du risque, afin de mobiliser massivement des financements privés à un coût raisonnable pour les pays en développement ».Recommandations
Les recommandations présentées dans le rapport tournent autour de quatre grands axes : Une ONU modernisée, adaptée à une nouvelle ère et capable de proposer des solutions plus pertinentes, à l’échelle du système, multilatérales et multipartites, pour relever les défis du 21e siècle.Aller au-delà du PIB
Passant à la deuxième note d’orientation, M. Guterres a fait remarquer que même si le PIB reste un indicateur important, il doit être accompagné d’autres moyens de mesurer les progrès.« Il est de plus en plus reconnu que le PIB néglige les activités humaines qui soutiennent la vie et contribuent au bien-être, tout en accordant une valeur disproportionnée à celles qui nous nuisent et épuisent notre planète », a-t-il fait valoir.
« Le progrès humain dépend de nombreux facteurs, des niveaux de pauvreté et de faim aux inégalités et à la cohésion sociale, en passant par la vulnérabilité à la dégradation du climat et à d’autres chocs », a expliqué le chef de l’ONU.
Refléter les valeurs communes
La note d’orientation propose tout d’abord que les pays « s’engagent politiquement en faveur d’un cadre conceptuel qui évalue avec précision ce qui est important pour les gens, la planète et l’avenir ». L’objectif serait de parvenir à trois résultats : mettre l’accent sur le bien-être et l’autonomie, le respect de la vie et de la planète, la réduction des inégalités et l’élaboration de mesures correspondantes.De nouveaux indicateurs de progrès
« Le PIB est concis. Il résume les informations d’une manière intuitive qui raconte une histoire. Mais le bien-être, l’égalité et la durabilité environnementale ne peuvent pas être pris en compte par un seul cliché », a déclaré M. Guterres, soulignant la nécessité d’un « ensemble plus large d’indicateurs pour suivre et analyser les progrès et reconnaître les compromis et les conséquences ».La note d’orientation appelle en outre à un renforcement massif du soutien apporté aux pays pour les aider à développer les capacités en matière de données nécessaires pour rendre opérationnelles toutes les nouvelles mesures, ce qui permettra également d’améliorer le suivi des progrès accomplis dans la réalisation des ODD.
Une plus grande coopération numérique
Le document final propose une vision de la coopération numérique ancrée dans les droits de l’homme et protégeant contre les risques et les préjudices. Il souligne également la nécessité d’un Pacte mondial pour le numérique, l’une des recommandations du rapport Notre programme commun. Ce document intervient à un moment où la technologie connaît une « accélération exponentielle », notamment dans des domaines tels que l’intelligence artificielle (IA), les « deep fakes » et la bio-ingénierie. Dans le même temps, l’accès reste inégal, comme le montre la pandémie de COVID-19. Par ailleurs, le contrôle des technologies numériques a permis à un petit nombre d’individus et d’entreprises de s’enrichir considérablement. Les gouvernements et les régulateurs ont eu du mal à réagir, ce qui a entraîné un manque de confiance dans les institutions de régulation. Atténuer les risques liés aux nouvelles technologies Le Secrétaire général a également souligné le défi que représente l’utilisation croissante et désormais généralisée de l’IA générative, telle que ChatGPT, dont l’impact futur n’est pas clair. Il a déclaré que si l’IA pouvait potentiellement « donner un coup de fouet au développement et à la productivité », notamment en vue de la réalisation des Objectifs de développement durabe, elle présentait également de sérieux défis éthiques.Pacte mondial pour le numérique
« La perspective de nouveaux progrès technologiques inspire souvent la peur plutôt que l’espoir », a-t-il poursuivi.Selon M. Guterres, il est urgent que les gouvernements s’unissent dans le cadre d’un Pacte mondial pour le numérique, afin d’atténuer les risques liés aux technologies numériques et d’identifier les moyens d’en exploiter les avantages pour le bien de l’humanité. Ce pacte fournirait un cadre permettant d’aligner les approches nationales, régionales et sectorielles sur les priorités, les principes et les objectifs mondiaux. Le document identifie également les domaines dans lesquels une action mondiale urgente s’impose, notamment l’élargissement de l’accès, la mise en place d’une infrastructure publique numérique et le soutien aux administrations publiques pour réglementer la technologie. M. Guterres a réitéré sa proposition de créer un organe consultatif de haut niveau sur l’intelligence artificielle chargé d’examiner les modalités de gouvernance de l’intelligence artificielle afin qu’elles soient conformes aux droits de l’homme, à l’État de droit et au bien commun. « Notre Programme commun » se compose de six chapitres.
Mise à jour des notes d’orientation
Le Secrétaire général a publié une série de notes d’information qui offrent plus de détails sur certaines des propositions contenues dans Notre programme commun. Sept sur les onze prévues ont été publiées à ce jour, couvrant des thèmes tels qu’agir maintenant pour les générations futures, l’engagement des jeunes dans le processus de prise de décision, le renforcement de la réponse internationale aux chocs mondiaux complexes, et l’exploitation des avantages de l’espace extra-atmosphérique pour l’ensemble de l’humanité.