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The Conversation France

Les seniors s’intéressent plus que les jeunes à l’écologie

Selon un sondage sur le climat BVA pour la Banque Européenne d’Investissement

Les seniors aussi se préoccupent de la planète. Un sondage récent montre que les seniors s’intéressent plus que les jeunes à l’écologie et qu’ils sont davantage prêts à mettre leurs actes en accord avec leurs idées que ces derniers. Surtout, les seniors ont de bonnes raisons de se préoccuper de l’avenir de la planète. Un article par Najoua Tahri – IAE Montpellier, Jacques Igalens – IAE Toulouse, Ziad Malas – Université de Toulouse III et Paul Sabatier pour The Conversation France.

Les seniors aussi se préoccupent de la planète

Contrairement aux idées reçues, de nombreux seniors se préoccupent d’écologie et adaptent leurs pratiques en conséquence.
Najoua Tahri, IAE Montpellier; Jacques Igalens, Université Toulouse 1 Capitole et Ziad Malas, Université de Toulouse III – Paul Sabatier

Une étude menée dans une dizaine de pays montre que plus de la moitié des jeunes pensent que « l’humanité est condamnée » et reprochent leur inaction aux générations précédentes. En 2019, Greta Thunberg la militante activiste avait 16 ans lorsqu’elle a proclamé à l’ONU :

« Si vous décidez de nous laisser tomber, je vous le dis : nous ne vous pardonnerons jamais ».

Elle s’adressait aux États mais aussi aux adultes qui dirigent le monde. L’expression « ok boomer » symbolise le fossé politique entre générations avec notamment des jeunes qui apparaissent souvent très critiques à l’égard de la gestion de leurs aînés et réagissent en adoptant des comportements plus respectueux de l’environnement. Au-delà du symbole que représente Greta Thunberg, il y a bien un écart de comportements entre ce qu’on appelle parfois la génération Z (adolescents et adultes de 25 ans actuels) et les seniors, assimilés à la génération née lors du baby-boom (entre 1944 et 1960), soit schématiquement les plus de 60 ans.

Le régime végétarien est ainsi en Europe de l’Ouest six fois plus répandu chez les moins de 25 ans que chez les plus de 55 ans. L’importance de l’automobile peut être aussi vue comme un signe d’une différence entre générations : le taux d’équipement automobile des plus de 60 ans est de plus de 10 points supérieur à celui des 18-25 ans en 2019 alors que l’écart était nul en 2004. Cela est notamment lié à un moindre attrait pour le permis : alors qu’en 1981 en France, 90 % des hommes de 21 à 25 ans détenaient le permis de conduire, la proportion est descendue à 80 % en 2008, effet porté par les jeunes des métropoles.

Plus largement, l’empreinte carbone des moins de 25 ans dans les pays riches est en moyenne nettement moindre que celle des plus de plus de 60 ans.

Faut-il alors opposer une jeunesse engagée dans la cause environnementale à des seniors égoistes qui y seraient indifférents et prisonniers de représentations et de comportements écophages voire écocides ? Le comportement de certains actionnaires (âgés) de Total durant le blocage de l’entreprise par des militants du climat pourrait le laisser croire.

Les études scientifiques apportent des réponses plus nuancées et souvent contre-intuitives à cette question… Un récent sondage montre que les seniors s’intéressent plus que les jeunes à l’écologie et qu’ils sont davantage prêts à mettre leurs actes en accord avec leurs idées que ces derniers. Surtout, les seniors ont de bonnes raisons de se préoccuper de l’avenir de la planète…

EIB-Climate-survey-Jan2020.pdf

Des raisons spécifiques aux seniors

Les personnes âgées sont plus exposées aux conséquences du changement climatique, elles sont plus vulnérables aux maladies en général, et sont aussi les plus exposées aux maladies générées ou renforcées par le réchauffement climatique d’après les recherches menées à l’Université Cornell (États-Unis).

On note ainsi que les cyclones dont la fréquence augmente avec le changement climatique, tuent d’abord les personnes âgées : lorsque Katrina a frappé la Nouvelle-Orléans en 2005, 75 % des personnes décédées étaient âgées de plus de 60 ans, alors que ce groupe ne représentait que 16 % de la population.

En France, en août 2003, une canicule sans précédent a provoqué 15 000 décès lors des neuf jours de chaleurs extrême. Or l’Europe est de plus en plus souvent frappée par de tels épisodes et les premières victimes sont toujours les seniors. Non seulement ils se déshydratent plus vite (car ils ne ressentent pas assez le besoin de boire) mais souvent ils prennent des médicaments dont l’effet est potentialisé par la chaleur ce qui les affaiblit au lieu de les soigner…

Les particules fines que produisent les transports routiers et la pollution industrielle les frappent plus que les jeunes. Dans les pays pauvres, ils sont également au premier rang pour les maladies gastriques dues à l’absorption d’eau impure du fait de la pollution ou du réchauffement climatique. En réalité si les seniors se préoccupent du changement climatique c’est aussi parce que ses effets commencent à se faire sentir et qu’ils sont les premiers concernés.

Le luxe du temps et des moyens

Dans les pays riches tels que la France, les 60-80 ans ont en général un niveau de vie plus élevé que les jeunes adultes et disposent d’un patrimoine bien plus important. S’agissant du niveau de vie moyen, il dépassait en 2019, 27 000 euros par an pour les 65-75 ans tandis qu’il atteignait tout juste 23 000 euros pour les 18-29 ans. L’écart concernant les patrimoines nets (immobilier + épargne – dettes) est encore plus frappant (rapport de 1 à 9 !).

Ces différences de moyennes ne doivent pas cacher les fortes inégalités au sein de chaque génération mais la pauvreté des personnes âgées est moins fréquente que celle des jeunes :le taux de pauvreté des plus de 65 ans est de 8,6 % contre 15,7 % pour les 25-29 ans et 22,7 % pour les 18-24 ans

Or, avoir de l’argent permet d’échapper à l’urgence du présent et conduit à se soucier un peu plus de l’avenir…

Le revenu, parce qu’il permet de consommer plus, est souvent associé à une [ empreinte carbone plus élevée]. Mais l’argent permet aussi de faire des achats plus durables : voitures électriques, logements mieux isolés, mobilier et équipements qui durent plus longtemps, de sorte qu’au final, même si une hausse de revenus ne conduit pas à une moindre empreinte carbone, elle semble réduire l’empreinte carbone par euro dépensé.

À cette différence de ressources financières, il faut ajouter le temps disponible. Les comportements écoresponsables, tels que les déplacements en transport en commun ou le tri des déchets, nécessitent du temps, ressource dont sont mieux pourvus les plus de 60 ans (à la fois du fait de la retraite et de l’absence de jeunes enfants au domicile). Ainsi, les personnes âgées ont souvent des comportements plus écoresponsables parce qu’elles ont plus de moyens pour les mettre en œuvre.



La « générativité » au cœur de l’engagement

Avoir les moyens ne suffit pas, il faut aussi avoir la motivation pour agir pour l’environnement, et si les personnes âgées ont en général moins conscience du lien [entre l’activité humaine]et le changement climatique, avec l’âge, la préoccupation pour l’avenir des générations suivantes augmente.

C’est ce que les psychologues appellent la « générativité », c’est-à-dire selon le psychanalyste américain [Eric Erikson] « le souci de fonder et de guider les prochaines générations ».

Cette motivation s’associe à des choix de consommations plus respectueux de l’environnement et semble aussi expliquer la forte présence des 55-75 ans parmi les bénévoles œuvrant dans les associations Enfin, cette générativité explique de nombreuses initiatives des personnes âgées directement en faveur de l’environnement.

Des septuagénaires aux côtés des militants d’XR

Aux côtés des jeunes de Youth for Climate ou de ceux d’Extinction Rebellion (XR) on voit de plus en plus de septuagénaires qui n’hésitent pas à s’allonger par terre pour protester contre les compagnies pétrolières.

En pratique, l’engagement citoyen des personnes âgées pour l’environnement peut prendre différentes formes comme l’illustrent les exemples d’actions des associations appartenant au réseau des « grands parents pour le climat ».

Au Royaume-Uni, le lobbying auprès des députés et des entreprises est fréquent, en Belgique, l’association est connue pour sa campagne en faveur de la réorientation de l’épargne vers des projets durables ou des placements « verts ». En France, l’association des grands parents pour le climat insiste davantage sur les aspects éducatifs et la lutte contre le gaspillage.

Entraide intergénérationnelle

Les différences générationnelles évoquées masquent de fortes disparités au sein de chaque génération et correspondent à deux effets assez différents. D’une part avec l’avancée en âge, on consomme « spontanément » moins à 75 ans qu’à 50 ans car on opte pour un rythme de vie plus « casanier ». D’autre part, comme le suggère une étude récente de l’ADEME, les anciennes générations sont plus adeptes de la sobriété parce qu’elles ont connu des périodes moins prospères et ont gardé des habitudes « anti-gaspi ».

D’une certaine façon, les personnes âgées peuvent apprendre aux plus jeunes à adopter des modes de vie plus sobres alors même que ces derniers ont souvent une conscience plus forte de la nécessité d’agir. Au-delà de l’éducation, les seniors peuvent aider les jeunes générations par les moyens dont ils disposent notamment au travers de l’épargne et des dons aux associations.

Enfin, les seniors eux-mêmes changent leurs habitudes. Aux États-Unis par exemple, parmi les acheteurs de panneaux solaires, la part des plus de 65 ans augmente nettement depuis 2010.

Le cliché du senior pollueur et réticent aux changements peut donc évoluer et ne doit pas occulter l’importance croissante de la question environnementale pour les personnes âgées et surtout leur rôle central dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Najoua Tahri, Maître de conférences en Sciences de Gestion, IAE Montpellier et MRM., IAE Montpellier; Jacques Igalens, Professeur Sciences de Gestion, IAE Toulouse et CRM-CNRS, Université Toulouse 1 Capitole et Ziad Malas, Maître de conférences en sciences de gestion, Université de Toulouse III – Paul Sabatier

 

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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