Dans le contexte du débat sur l’usage des pesticides, la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB) vulgarise une des études les plus complètes menées à l’échelle de l’Europe continentale sur l’effet des pressions anthropiques sur la dynamique des populations d’oiseaux nicheurs communs. Publiée en 2023 l’étude démontre que l’intensification de l’agriculture est le facteur prépondérant de ce déclin, avant le changement climatique ou l’urbanisation. Synthèse par Hélène Soubelet, directrice de la FRB.


Bien que le déclin des populations d’oiseaux en Europe soit aujourd’hui clairement démontré, les facteurs qui l’expliquent le sont moins.
Pourtant, dans un article paru en 2023, une équipe de recherche a mis en évidence l’impact prédominant de l’intensification de l’agriculture, estimée par le biais des dépenses en intrants chimiques (fertilisants et pesticides), sur le déclin des oiseaux à l’échelle continentale.
L’équipe pilotée par Stanislas Rigal, chercheur à l’ISEM (Institut des sciences de l’évolution de Montpellier), a pour cela compilé un vaste ensemble de données empiriques, collectées entre 1980 et 2016 en Europe.
Leurs travaux démontrent que cet impact est globalement plus important que ceux du changement climatique, de l’urbanisation ou encore de l’évolution du couvert forestier.
De la Méditerranée aux régions arctiques de l’Europe, l’étude couvre au total 28 pays. Elle est l’une des plus complètes menées à l’échelle de l’Europe continentale, suivant l’effet des pressions anthropiques sur la dynamique des populations d’oiseaux nicheurs communs.
Les messages-clés
L’étude fournit des preuves scientifiques solides d’un effet direct et prédominant de l’intensification agricole à l’échelle continentale, par rapport aux effets du changement climatique, de l’urbanisation ou encore de l’évolution du couvert forestier.

Concernant spécifiquement l’intensification agricole :
- À l’échelle de l’Europe continentale, l’intensification agricole1 est le principal facteur de déclin des populations d’oiseaux.
- Ce constat ne concerne pas seulement les espèces des terres agricoles mais aussi les espèces forestières et urbaines.
- Alors que l’étude établit une relation entre déclin des oiseaux et intensification de l’agriculture, les mécanismes expliquant ce déclin restent en débat, entre des effets directs sur les oiseaux (intoxication par les pesticides par exemple) ou indirects à travers la suppression des ressources pour oiseaux (insectes, graines). Pour rappel, les insectes ont décliné par plus de 80 % en Europe.
Dans les pays où les exploitations agricoles sont plus petites, les populations d’oiseaux sont en meilleur état : l’augmentation de la taille des parcelles est en effet un autre aspect clé de l’intensification agricole et contribue au déclin des populations d’oiseaux, probablement par la réduction de l’hétérogénéité des habitats.
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- Cette intensification agricole est spacialisée en qualifiant les fermes d’intensives ou non en fonction de la valeur monétaire dépensée dans les intrants chimiques par hectare ↩︎
Les pratiques agricoles responsables du déclin des oiseaux en Europe

À travers cet article, la FRB revient sur les résultats d’une étude majeure parue en 2023 dans la revue PNAS, qui démontre la responsabilité des pratiques agricoles intensives sur le déclin des oiseaux en Europe et souligne le besoin d’un changement transformateur. Elle appelle à revenir aux fondamentaux : quelle agriculture voulons-nous collectivement pour demain ?
Trouver un équilibre entre production agricole et la protection de l’environnement est un des défis politiques majeurs de notre siècle.

Pour plus de chants dans les champs : la LPO appelait à manifester contre les pesticides le 5 Avril 2025
Les débats actuels occasionnés par l’adoption de la loi Duplomb le démontrent à nouveau, et instrumentalisent trop souvent les résultats scientifiques et principes fondamentaux de la recherche – basés sur la prudence et le doute. Au cours des dernières années, la FRB a régulièrement partagé articles scientifiques, notes, réflexions à la fois sur les risques encourus et des pistes de mesures à mettre en place pour aider les agriculteurs à sortir de la dépendance aux pesticides.

Depuis 1921, le programme Refuges LPO propose d’agir concrètement en faveur de la biodiversité. Sur son terrain, le propriétaire ou gestionnaire s’engage à préserver et protéger la nature au sens large : la faune, la flore sauvages, le sol, l’environnement.
Dans un article paru en 2023, une équipe de recherche suggère que le sort des populations d’oiseaux communs d’Europe dépend de la mise en œuvre rapide de changements transformateurs dans les sociétés européennes, et notamment dans le cadre de la réforme agricole. Elle met en particulier en évidence l’impact prédominant de l’intensification de l’agriculture, estimé par les dépenses en intrants à l’hectare (fertilisants et pesticides), sur le déclin des oiseaux à l’échelle continentale.
Pesticides : un intérêt agronomique à discuter
L’emploi de pesticides en agriculture est très souvent prophylactique, et révèle l’aversion au risque de perte de récolte de la part des agriculteurs (voir Chèze et al. 2020). Portant sur les observations du réseau Dephy-ferme, composante majeure du plan Ecophyto, des analyses de l’Inrae ont démontré qu’à l’échelle française une réduction de 30% des pesticides (et jusqu’à 37% pour les herbicides, 47 % pour les fongicides et 60% pour les insecticides) pourrait être réalisée sans perte ou gains en termes de profits (voir Lechenet et al. 2017).

Dans un article récemment publié (Perrot et al. 2025), les auteurs ont étudié les relations entre utilisation d’insecticides et rendement grâce au suivi à long terme de 383 parcelles de colza, culture très consommatrice de ces molécules. Ceci a permis l’observation, potentiellement contre intuitive, d’une relation négative entre les deux à partir d’une certaine quantité de substances actives appliquée par hectare. Au-delà de 36,2 g de substance active par hectare en moyenne le rendement du colza diminue. En effet, l’utilisation d’insecticide réduit le potentiel de régulation naturelle des insectes et des adventices, entraînant une augmentation de ces deux bioagresseurs et une diminution des rendements au-delà de cette valeur seuil.
Ces résultats montrent que si les pesticides peuvent avoir des effets potentiellement intéressants à faible dose ou en tout cas non problématiques pour le rendement, la régulation naturelle peut être une alternative à l’utilisation d’insecticides. Cependant, ces deux solutions peuvent difficilement se combiner du fait de l’impact négatif des insecticides sur cette régulation naturelle. Des politiques publiques soutenant des pratiques favorisant cette régulation pourrait permettre la réduction de l’utilisation des insecticides.