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Un décryptage des Amis de la Terre

Les négociations sur le climat et les forêts

Des projets pilotes controversés dans la compensation carbone

Le 27 mai 2010, la Norvège convoque à Oslo une conférence internationale sur les forêts et le climat avec pour objectif de faire avancer le débat sur la réduction de la déforestation et de la dégradation des forêts (REDD). En parallèle, les négociations officielles sur le climat reprennent à Bonn du 31 mai au 11 juin 2010. Une occasion pour les Amis de la Terre de décrypter les enjeux d’un dossier qui est arrivé en haut de l’agenda politique international en quelques années.

Le contexte : déforestation et changements climatiques Les arbres et le sol de la forêt absorbent du carbone lors de leur croissance. Ce carbone est relâché dans l’atmosphère si la forêt est détruite ou dégradée. Ainsi, la déforestation est responsable d’environ 20 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. En 2005, le Brésil qui s’était toujours opposé à une remise en cause de sa souveraineté nationale sur l’Amazonie a progressivement changé d’attitude et, depuis, les forêts sont au cœur des négociations sur le climat. Pourquoi cet intérêt soudain à vouloir lutter contre la déforestation ? Alors que les négociations sur le climat s’enlisent, la lutte contre la déforestation est souvent présentée comme l’un des rares points qui fait consensus. Pour les pays développés, la possibilité d’acheter des forêts ou de planter des arbres dans les pays du Sud pour compenser leurs émissions constituent une formidable échappatoire à l’urgence de remettre en cause leur modèle de développement. Aux Etats-Unis, la loi sur le Climat en cours de discussion fait la part belle aux crédits carbone forestiers, indispensables pour espérer éviter un blocage de l’industrie. Pour certains pays du Sud, la possibilité de vendre des crédits carbone forestiers représente une manne financière de plusieurs milliards d’euros. Officiellement, rien n’est décidé mais, en pratique, un vaste marché est en train de se mettre en place. De Paris à Oslo, la stratégie du fait-accompli La conférence d’Oslo s’inscrit dans la même logique que la conférence organisée par le président de la République française à Paris le 11 mars 2010 : réunir un petit groupe de pays au sein d’un « partenariat intermédiaire » et sortir volontairement du cadre des Nations unies pour accélérer les négociations sur l’inclusion des forêts dans le marché international du carbone. La France et la Norvège se défendent de vouloir court-circuiter les négociations officielles mais en pratique chacun pousse ses intérêts. Lors de la conférence de Paris, la France a, par exemple, invité une entreprise à venir faire la promotion de l’exploitation industrielle des forêts, un axe clé de sa diplomatie avec les pays d’Afrique centrale, mais qui ne fait pas du tout consensus au sein des Nations unies. Alors que de nombreux points de divergence demeurent dans la lutte contre la déforestation, la multiplication des projets pilotes est en train de dessiner les contours d’un futur mécanisme international comme l’explique Sylvain Angerand, chargé de campagne Forêts aux Amis de la Terre : « De nombreuses entreprises sont en train d’investir dans des projets pilotes de lutte contre la déforestation alors qu’il n’existe aucun garde-fou. Pour l’instant, il s’agit d’initiatives volontaires mais il ne faut pas être naïf : ces entreprises attendent un retour sur investissement et sauront influencer les gouvernements le moment voulu pour les faire reconnaître ». Des projets pilotes controversés Au Brésil, dans l’Etat du Parana, un consortium d’entreprises américaines (General Motors, Chevron, American Electric Power) a acheté le carbone des forêts pour compenser leurs émissions. Elles ont financé la création d’une police verte qui interdit désormais aux communautés locales de pénétrer en forêt pour couper du bois ou récolter des cœurs de palmiers. Au Kenya, les Ogieks se sont fait expulser de la forêt de Mau car le gouvernement souhaite en faire un puits de carbone. En Indonésie, l’une des pires entreprises impliquées dans l’exploitation illégale est en train de négocier la possibilité de vendre des crédits carbone si elle s’engage à ne raser qu’une partie des forêts de la péninsule de Kampar ! Malheureusement, ces exemples ne sont pas isolés et se multiplient à un rythme alarmant comme l’explique Sylvain Angerand : « La ruée sur le carbone des forêts est directement liée à l’incapacité des pays développés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre : la compensation carbone est en train de se généraliser avec de lourds impacts environnementaux et sociaux ». Plus grave, ces crédits carbone sont généralement fictifs et risquent de ruiner toute chance de contenir les changements climatiques : « Plusieurs économistes ont tiré la sonnette d’alarme pour démontrer qu’il est impossible de garantir la crédibilité de crédits carbone liée à la lutte contre la déforestation. Les forêts doivent absolument rester en dehors des marchés du carbone. » Pour lutter contre la déforestation, la première étape est de réduire la consommation dans les pays du Nord Bois tropicaux, papier, huile de palme ou de soja, viande… de nombreux produits que nous consommons régulièrement sont contribuent à la déforestation. L’Europe consomme aujourd’hui plus de ressources naturelles que ce qu’elle produit et est, de fait, en débit écologique vis-à-vis des pays du Sud. Réduire la consommation de ressources naturelles à un niveau soutenable est un préalable indispensable pour stopper la déforestation. Pourtant, l’Europe continue de proposer des politiques publiques incohérentes avec cet objectif. Ainsi, la directive européenne sur les agrocarburants dont l’objectif d’incorporation de 10 % d’énergie renouvelable d’ici 2020 crée une pression indirecte très forte sur les forêts tropicales (substitution de l’huile de colza par l’huile de palme, notamment). De même, la reprise des négociations entre l’Union européenne et les pays d’Amérique latine (MERCOSUR) pour créer une zone de libre-échange pour laquelle l’Union européenne s’engage à augmenter fortement ses importations de viandes bovines alors qu’il s’agit d’une cause majeure de déforestation en Amazonie… Si les pays développés veulent vraiment et sincèrement lutter contre la déforestation, les Amis de la Terre demandent que le problème de la surconsommation soit traité de façon prioritaire. Dans le cadre de la mission sur la protection des forêts tropicales, la sauvegarde de la biodiversité et la lutte contre la déforestation confiée au député Jacques Le Guen par le président de la République, Nicolas Sarkozy, les Amis de la Terre ont proposé une contribution plus complète et plus détaillée sur la façon d’enrayer de façon juste et ambitieuse la déforestation.

 

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David Naulinhttp://cdurable.info
Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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