Les organisateurs l’ont promis. Le bilan carbone des Jeux olympiques de Paris 2024 doit être divisé par deux par rapport aux éditions de Londres (2012) et Rio (2016). Est-ce réaliste ? Ces promesses pourront-elles être tenues ? La spécialiste de la durabilité Anne de Bortoli (ENPC, Polytechnique Montréal) a fait les comptes pour The Conversation France.
Anne de Bortoli, École des Ponts ParisTech (ENPC)
Panem et circenses, « du pain et des jeux », disaient les Romains de l’antiquité. Le 26 juillet prochain, quatre milliards de téléspectateurs – presque la moitié de l’humanité – visionneront les Jeux olympiques de 2024, avec une grosse dizaine de millions de visiteurs attendus à Paris.
Comme lors de chaque mégaévénement, sportif ou non d’ailleurs, se pose la question de son bilan environnemental, social et économique. Et en particulier sa compatibilité avec les objectifs climatiques internationaux. Les JO de Paris 2024 entendent ainsi être les premiers compatibles avec l’accord de Paris sur le climat.
À cet égard, les organisateurs des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ont annoncé des ambitions très élevées : émettre deux fois moins de gaz à effet de serre que les éditions précédentes. Le Comité d’organisation des Jeux olympiques (COJO) promettait des « Jeux écolos » dès avril 2021 et même d’atteindre la neutralité carbone, en retirant de l’atmosphère davantage de gaz à effet de serre que les émissions générées par les Jeux. La référence à la neutralité carbone a toutefois été discrètement abandonnée dans les communications ultérieures.
Les promesses à l’épreuve de la réalité
Dans ces conditions, la promesse de « Jeux écolos » peut-elle être tenue ? La question s’est rapidement posée. Des organismes comme l’ADEME, dans un avis rendu en mai 2022, dénoncent le recours à l’étiquette « neutre en carbone » pour les événements, produits ou entreprises lorsque basée sur des crédits de compensation carbone, qui s’apparenterait à une pratique de greenwashing. À ce titre, l’Union européenne prévoit d’interdire les labels de neutralité carbone des produits basés sur la compensation d’ici à 2026.
Un exemple frappant de ce type de « compensation-washing » est la Coupe du monde de football 2022 au Quatar. Celle-ci avait été vertement critiquée pour ses allégations de neutralité carbone, et plusieurs organisations avaient dénoncé les déclarations de la FIFA en ce sens.
Dans le cas des Jeux de Paris, l’objectif est donc de réduire par deux les émissions par rapport aux JO de Rio en 2016 et de Londres en 2012, qui auraient émis environ 3,5 millions de tonnes équivalent CO2 (Mt CO2 eq). Cependant, ces Jeux faisaient partie des moins écologiques et la méthodologie de calcul des émissions utilisée avait été critiquée, ce qui a d’ailleurs poussé la publication d’un cadre de calcul standardisé pour les Jeux olympiques en 2018.
Le budget carbone maximum pour Paris 2024 a ainsi été fixé à 1,58 Mt CO2 eq. Cet objectif reste ambitieux si l’on considère que les Jeux de Tokyo 2020, organisés en pleine pandémie et sans spectateurs, ont quand même généré près de 2 Mt CO₂ eq.
Comment les JO polluent
Les postes d’émissions de gaz à effet de serre les plus importants lors des mégaévénements sont traditionnellement le transport des participants et la construction des bâtiments et infrastructures, comme l’a montré une récente étude scientifique. Le bilan carbone estimé à ce jour pour les JO 2024, et communiqué par le COJO, se répartit en trois parts relativement égales :
- le déplacement des participants et des spectateurs (qui devrait représenter un quart des émissions, dont 9 % pour celui des athlètes et des officiels),
- la construction (avec environ 25 % pour les constructions permanentes dont 8 % pour les infrastructures temporaires, et à peu près autant pour les systèmes énergétiques temporaires, comme les générateurs.
- et enfin les opérations (restauration, hébergement, logistique, sécurité, etc.), qui représentent le dernier quart.
Évidemment, le bilan carbone des JO 2024 n’est pas confirmé puisque l’événement n’a pas encore eu lieu. Les quantités et types de matériaux de construction utilisés ne sont peut-être pas encore consolidés, et la participation finale reste hypothétique. Mais la grande incertitude sur le bilan à ce jour est liée au transport.
Il faudra notamment attendre d’avoir des données précises sur le nombre final de participants, leur provenance, et les moyens de transport utilisés pour rejoindre l’événement et se déplacer sur site. Les transports aériens (du fait de leur fort impact carbone) et le retard des lignes de transport en commun du Grand Paris Express, notamment, pourraient augmenter les émissions prévues, tout comme le risque de grève des cheminots à l’approche de l’événement.
La construction controversée d’un nouveau diffuseur autoroutier dans le cadre des JO augmentera aussi probablement les émissions routières à long terme. En effet, la recherche a prouvé depuis longtemps que la construction d’infrastructures routières nouvelles (et plus encore d’autoroutes) génère une hausse de trafic durable.
Le COJO promet que le bilan carbone effectif sera publié à l’automne, après les Jeux. On espère que le calcul de l’empreinte carbone sera communiqué de manière transparente, reproductible, et que le chiffre aura été vérifié par un organisme indépendant, ce qui correspond aux bonnes pratiques en matière de reporting environnemental.
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Des Jeux plus verts, vraiment ?
Concrètement, les organisateurs des JO 2024 mettent en avant plusieurs solutions pour réduire les émissions. À y regarder de plus près, celles-ci présentent plusieurs limites.
Premier point intéressant : des constructions neuves limitées, puisque sur les 26 sites de compétitions, 95 % des infrastructures sont existantes ou temporaires. Les constructions nouvelles ont aussi été conçues pour être moins émettrices en CO2 que la moyenne.
Par exemple, le centre aquatique et son ossature en bois, ses panneaux photovoltaïques sur le toit et ses sièges en matériaux locaux recyclés. Cette dernière mesure ne change toutefois rien au bilan carbone du centre aquatique du fait de la masse de plastique et de son empreinte carbone par kilogramme relativement restreintes comparées aux masses et empreintes carbone massiques d’autres matériaux, notamment bétons et métaux. Mais on salue la réduction des déchets plastiques (le vrai point noir des impacts environnementaux des plastiques !) et l’impact positif sur l’économie locale.
Le village olympique, quant à lui, vise une empreinte carbone inférieure de 30 % à celle d’un projet de construction classique, en utilisant du bois sourcé localement. Mais il y a un problème : la référence choisie – la tonne CO₂ eq par mètre carré – semble très élevée par rapport aux valeurs constatées par les études spécialisées, qui évaluaient en 2022 l’empreinte carbone du bâti européen à 210 kg CO2 eq par mètre carré en moyenne sur tout son cycle de vie. Notons d’ailleurs qu’il n’est pas précisé par le COJO si l’objectif porte sur l’impact pour la construction uniquement ou pour toute la durée de vie (incluant l’utilisation ultérieure des bâtiments).
Un objectif de 100 % d’énergies renouvelables a aussi été annoncé, s’appuyant sur des systèmes photovoltaïques et géothermiques, des groupes électrogènes fonctionnant aux biocarburants et l’achat d’électricité renouvelable avec certificats de garantie d’origine – un mécanisme dont le bénéfice carbone est toutefois décrié par la communauté scientifique.
Côté restauration, deux tiers des repas servis seront végétariens, ce qui réduit leur impact par deux par comparaison aux repas omnivores, et 25 % des produits seront locaux. Mais cette dernière mesure ne garantit pas une plus faible empreinte carbone contrairement à la croyance populaire ! Dans tous les cas, la restauration ne représente que 1 % du budget carbone estimé des Jeux. L’offre de restauration végétarienne serait plutôt de « l’évangélisation alimentaire », pour réduire la consommation des produits animaux très carbonés (viandes et produits laitiers).
Reste enfin la si controversée compensation carbone, avec des engagements pas toujours clairs. Des projets de reforestation, de préservation de forêts, ou de développement d’énergie renouvelable sont ainsi envisagés par le COJO, pour une compensation de 100 % des gaz à effet de serre émis par l’événement.
Un engagement louable… si les projets de compensation sont de qualité. En effet, l’impact réel des crédits de compensation carbone est largement contesté par la communauté scientifique. Les arbres des projets forestiers peuvent mourir de façon anticipée (du fait de la sécheresse, des maladies et nuisibles, ou des feux de forêt), le financement des crédits carbone ne générer le stockage de CO2 escompté ou encore le compter en double – voire triple – du fait de méthodes de comptabilisation douteuse, telles celles révélées par une vaste enquête de début 2023. Des normes de qualité et de vérification de la véracité des crédits de compensation carbone existent, mais leur mise en œuvre et vérification reste difficile.
Des mégaévénements incompatibles avec l’accord de Paris ?
La communauté de recherche est divisée sur la durabilité des mégaévénements. Certains, comme Martin Müller, de l’Université de Lausanne, et ses collègues, estiment que, de par leur échelle, ils ne peuvent pas être durables et servent principalement les intérêts financiers et le plaisir de l’élite. D’autres y voient une opportunité d’innovation, de développement durable, et de sensibilisation à la durabilité.
Concrètement, l’empreinte carbone attendue des JO 2024 est de 1,6 Mt CO2 eq pour 13 à 16 millions de visiteurs, soit environ 100 à 125 kg CO2 eq par personne. C’est relativement peu comparé à l’empreinte carbone annuelle moyenne d’un Français, qui s’élève à 10 t CO2 éq. À titre d’exemple, 100 kg eq CO2 correspond aux émissions générées en parcourant 500 km en voiture ou 10 000 km en métro, ou encore en consommant 31 burgers de bœuf ou 83 bouteilles de vin.
Mais pour respecter l’accord de Paris visant à limiter le réchauffement climatique à moins de 1,5 à 2 °C d’ici 2100 par rapport aux températures préindustrielles, il faut limiter drastiquement l’empreinte carbone annuelle de chacun à moins de 2 t CO₂ eq. Il serait juste que les pays riches, qui sont responsables de la vaste majorité des émissions, assument la majeure partie des réductions d’émissions.
Des chercheurs ont proposé plusieurs solutions pour améliorer la durabilité des futurs mégaévénements : réduire la taille des événements, organiser une rotation entre quelques villes pour éviter la construction de nouvelles infrastructures, ou encore mettre en place des normes de durabilité indépendantes et confier l’évaluation de la durabilité à un organisme indépendant.
Ce qui est sûr est qu’il est temps de réinventer les JO et mégaévénements pour les rendre plus durables et alignés avec les objectifs climatiques internationaux. Il paraît évident que les impacts environnementaux liés à l’héritage urbain des mégaévénements dépassent largement l’impact direct de l’événement. Les Jeux peuvent donc être un levier environnemental et social pour l’avenir, par exemple via la rénovation urbaine : isolation thermique des bâtiments, déploiement d’infrastructures d’énergies renouvelables et de transport actif et en commun, ou encore création d’espace de loisirs urbains pour éviter le fameux « effet Barbecue » des urbains qui quittent la ville le week-end et génèrent ainsi beaucoup de GES. Les effets de l’héritage des Jeux de Barcelone de 1992 sont un merveilleux exemple de rénovation urbaine réussie.
Les Jeux peuvent – et doivent – devenir un investissement pour une ville plus verte, plus juste et plus conviviale, à la condition de respecter des règles de développement strictes, qui restent à définir par un standard international. Car rappelons qu’il est vital que nos modes de consommation respectent les limites planétaires pour assurer un avenir décent à tous, et ce, en priorisant les besoins physiologiques et de sécurité selon la pyramide de Maslow. Or, notre sécurité alimentaire, entre autres, est mise en danger par les changements climatiques. Alors, soyons solidaires et responsables. Du pain et des Jeux : pourquoi pas. Des Jeux ou du pain pour tous : non !
La recherche du Dr. Anne de Bortoli est financée par le CIRAIG, centre de recherche spécialisé dans les métriques de durabilité, à Polytechnique Montréal.
Anne de Bortoli, Chercheuse en carboneutralité et durabilité des transports et infrastructures au CIRAIG (Polytechnique Montréal), chercheuse associée au laboratoire Ville Mobilité Transport (ENPC), École des Ponts ParisTech (ENPC)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
Ces Jeux posent en tout cas la question de l’adaptation des grandes compétitions sportives aux enjeux climatiques. L’Agence de la transition écologique (Ademe) a justement publié un avis à ce sujet, et appelle à repenser en profondeur ces événements. Il s’agit non seulement de les adapter aux conditions climatiques de demain, mais aussi de les rendre plus compatibles avec les enjeux de la transition écologique, explique Amandine Richaud Crambes (Ademe).
JO, Coupes du monde, championnats… Comment adapter les compétitions sportives aux enjeux climatiques ?
Amandine Richaud Crambes, Ademe (Agence de la transition écologique)
Dans quelques semaines, les Jeux olympiques et paralympiques 2024 s’ouvriront à Paris. Événement fédérateur à l’influence planétaire, cette compétition fait partie, comme les Coupes du monde et les grands championnats internationaux, des grands événements sportifs internationaux (Gesi).
Ces mégaévénements, qui se définissent par leur caractère discontinu, original, international et doté d’une composition globale hors norme, sont capables d’atteindre des millions de personnes à travers le monde par la médiatisation et contribuent donc à diffuser les valeurs du sport et à faire naître chez les spectateurs le goût pour les « activités physiques et sportives ».
L’enjeu est essentiel, dans un contexte où la sédentarité, la santé mentale et l’obésité sont des problèmes majeurs de santé publique. Or désormais, le changement climatique s’invite à son tour dans l’équation.
D’une part, la fréquence et l’intensité accrues des épisodes climatiques extrêmes viennent perturber nos pratiques sportives et nous appellent à les adapter. Lors du marathon de Sydney en 2023, 260 coureurs ont dû arrêter la course notamment pour des vomissements, des cas de déshydratation, des maux de tête ou encore des malaises : les exemples se multiplient lors des grands événements sportifs, le changement climatique heurte de plein fouet la pratique sportive.
D’autre part, le changement climatique nous oblige à réfléchir à l’impact du sport, de son industrie et des grands événements sportifs sur l’environnement. Si les mobilités actives comme le vélo ou la marche à pied contribuent non seulement à la santé mais aussi à la décarbonation de nos activités, la pratique sportive (infrastructures, compétitions, surconsommation de produits dérivés…) est également génératrice de lourdes conséquences : émissions de gaz à effet de serre, dégradation des espaces naturels et de la biodiversité, production de déchets, gaspillage alimentaire et, de plus en plus, pollution numérique.
Dans ce contexte, l’Agence de la transition écologique (Ademe) vient de publier un avis afin d’aider à repenser ces événements fédérateurs pour les adapter dès aujourd’hui aux conditions climatiques de demain et les rendre plus compatibles avec les enjeux de la transition écologique.
Prise de conscience progressive
Depuis quelques années déjà, les organisateurs successifs des différentes compétitions sportives mondiales se sont employés à faire des efforts pour adapter ces événements aux enjeux climatiques.
D’autant qu’une réticence grandissante s’est ancrée au sein des populations à l’idée d’accueillir ces compétitions : les impacts locaux inégaux qu’elles génèrent – entre bénéfices économiques, coûts sociaux et dégradations environnementales, comme ce fut le cas lors des JO de 2016 à Rio avec la destruction de zones protégées – ne les rendent plus si attractifs.
Cela entraîne une raréfaction des candidatures d’accueil, d’autant que leur modèle économique apparaît de plus en plus fragile et que la consommation de ces événements a évolué, octroyant une part croissante au numérique.
Si les mesures des impacts des Gesi ont longtemps été purement économiques, les impacts environnementaux ont commencé à être pris en compte. Ainsi, les jeux de Vancouver en 2010 ont pour la première fois mis en œuvre des objectifs écologiques – construction d’infrastructures en matériaux biosourcés, réflexion sur leur déconstruction. Depuis, la question environnementale a systématiquement été intégrée à la communication des villes d’accueil.
Quant aux JOP2024 de Paris, le cap fixé est qu’ils soient les plus ambitieux en matière écologique. Ainsi, les organisateurs ont souhaité réduire de moitié leur empreinte environnementale par rapport aux précédentes éditions, et espèrent de ne pas dépasser un budget carbone de 1,5 million de tonnes de CO2.
En comparaison, Rio en 2016 et Londres en 2012 en avaient émis respectivement 3,6 et 3,4 tonnes. Les trois postes les plus réfléchis pour répondre à cela ont été les déplacements, les opérations (logistique, hébergement, restauration, etc.) et les constructions.
La nécessité de mieux mesurer les impacts
Malgré ces efforts louables, il n’est pas possible d’affirmer que l’impact environnemental des Gesi – on estime aujourd’hui que les JO ou la Coupe du monde de football émettent chacun entre 1,5 et 4 millions de tonnes équivalent CO2 de GES – a baissé au cours des dernières années. Les JOP2024 l’ont d’ailleurs reconnu, en renonçant à revendiquer la neutralité carbone de l’événement, et en se contentant de s’engager à faire mieux.
D’abord parce que ces événements engendrent systématiquement des effets rebonds : les impacts qui entourent la venue massive de visiteurs dans une ville pendant plusieurs semaines, l’avenir des infrastructures créées pour l’occasion…
Ensuite, car ces efforts sont concomitants, au fil des années, d’autres évolutions. En premier lieu l’ampleur croissante qu’ils ont prise ces dernières décennies avec la mondialisation, la professionnalisation du sport et sa médiatisation, menant à un gigantisme générateur de dégâts majeurs. Aux visiteurs qui affluent du monde entier en avion s’est ajouté le nombre croissant de spectateurs suivant nuit et jour les compétitions en direct.
Malgré les enjeux économiques qu’ils représentent aussi, il s’agit aussi de limiter les impacts de ces flux numériques. En effet, ils représentent aujourd’hui le 3e poste le plus consommateur et le plus polluant des Gesi.
Or il nous manque des outils pour mieux cerner les conséquences des grandes compétitions sportives. Une méthodologie commune et partagée d’évaluation des impacts et des indicateurs (au-delà du seul carbone) qui capitaliserait sur les retours d’expériences des événements les plus récents serait utile. Cela permettrait de renforcer en amont les exigences des cahiers des charges, avec des obligations de résultat sur la diminution des impacts négatifs, environnementaux et également sociaux.
C’est dans cette optique et dans le cadre des JOP2024, que l’Ademe a développé Coach Climat événements, un outil qui permet d’estimer et comprendre les émissions de gaz à effet de serre des événements sportifs français et aider les organisateurs à tendre vers des actions de décarbonation.
Un changement de paradigme
Il en découle une conséquence importante. Décarboner les Jeux olympiques ou les Coupes du monde de football grâce à, par exemple, des infrastructures écoconçues et mieux adaptées à la chaleur, la limitation de la pollution intérieure ou encore le recyclage, sont des mesures indispensables, mais qui ne suffiront pas à l’avenir. Un autre modèle apparaît inévitable, qui se projette dans un climat post-2030 et anticipe un niveau d’exigence bien supérieur en termes d’impact et d’adaptation au changement climatique.
Il s’agit à terme de repenser ces compétitions en questionnant leur nature et leur organisation. Du choix des saisons à laquelle on les programme, aux horaires, en passant par le format et les sports pratiqués. Faut-il régionaliser certaines compétitions ? Répartir leur organisation en plusieurs lieux ? Interroger le rôle de certains sponsors ? Et même l’évolution de la pratique de certains sports ?
En effet, la hausse du niveau de la mer, l’accroissement de la fréquence des épisodes de submersion et l’érosion côtière provoqueraient la relocalisation de presque un quart des clubs de voile situés sur les littoraux français (soit 131 clubs sur 576). Même question sur le ski et les sports d’eaux vives, alors que selon une étude publiée dans Nature Climate Change, le changement climatique menace la quasi-totalité des stations de ski européennes ainsi que la quantité d’eau issue de la fonte des neiges.
La place des athlètes
Pour impulser ce changement de modèle, les athlètes eux-mêmes ont un rôle à jouer. Ainsi, Guillaume Martin, leader français de l’équipe Cofidis a pris part à son septième Tour de France tout en évoquant « une forme de culpabilité » à y participer d’un point de vue écologique.
Certains vont jusqu’à abandonner la pratique de leur sport par conviction : Stan Thuret, skipper professionnel français, annonçait en mars 2023 qu’il mettait un terme à sa carrière devenue selon lui incompatible avec l’urgence climatique.
Avant lui, le quadruple champion du monde de Formule 1, l’allemand Sébastian Vettel, avait aussi renoncé à sa passion jugée trop polluante, tout comme Sarah Guyot, kayakiste française multiple championne du monde.
C’est aussi la notion de performance à interroger : les performances sportives sont impactées par les pollutions et le changement climatique, qui renforce les épisodes caniculaires.
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Il a été démontré par exemple que la chaleur, en particulier, avait des effets néfastes sur les scores d’endurance et la concentration des footballeurs. Concernant l’athlétisme ou les marathons, la médecine a montré que le corps est le plus performant lorsque la température est autour de 26 °C et qu’une température de +2 °C diminue de plusieurs secondes, voire quelques minutes, les résultats.
Alors que la réponse est aujourd’hui essentiellement technologique – équipements toujours plus techniques pour demeurer performants – rappelons que leur production n’est pas sans conséquence sur l’environnement et qu’elle ne peut donc à elle seule compenser l’évolution des conditions climatiques. C’est aussi la santé physique et mentale des athlètes qui est en jeu, et une vision du sport que l’on souhaite véhiculer au grand public.
Amandine Richaud Crambes, Coordinatrice scientifique et technique – Ingénieure Environnement, Urbaniste, Ademe (Agence de la transition écologique)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.