Le monde a soif, malgré la miraculeuse présence d’une eau abondante. Cette eau existe, mais elle n’est plus disponible pour les hommes. Il faudrait la traiter comme une alliée, comme une fidèle, et se reconnaître des devoirs à son égard. On la pollue, on la gaspille à tout va, constate Fabrice Nicolino dans le numéro 3 des Cahiers de Saint-Lambert. Cette très belle revue réalisée par une petite équipe de passionnés consacre largement ses pages à l’eau, dont elle qualifie son usage de « droit vital pour l’humanité ». Cependant, vous pourrez lire que c’est une véritable guerre de l’eau qui se prépare.
A la une : l’eau, c’est la guerre comme la paix
Extrait de l’article signé Fabrice Nicolino : « L’eau, c’est la guerre. Qu’elle vienne à manquer et les hommes durcissent aussitôt le ton. L’eau, c’est aussi bien la paix. Toutes les civilisations du passé ont associé son abondance au bonheur et à la stabilité des sociétés. Or, rien ne va plus. La faute en revient à William Mulholland, et quelques autres, dont nous sommes tous. Mulholland a en effet changé le cours de l’histoire en faisant d’un coin de désert semi-aride l’une des plus vastes mégapoles du monde, Los Angeles. Quand il arrive sur place, en 1877, la petite ville ne dépasse pas 9 000 habitants, et les premiers paysans « modernes » de la région ne parviennent pas à se lancer dans les cultures très rentables d’oranges et d’olives, faute d’eau. Déjà. William Mulholland, grand ingénieur, va leur en donner. En bâtissant des aqueducs et des barrages qui font de lui le grand héros de la ville. Mais à quel prix ! La rivière Owens, siphonnée, disparaît au profit d’un aqueduc géant, qui marque un tournant dans l’histoire de la Californie du Sud. Ce n’est qu’un début. Les nappes phréatiques et l’ensemble du bassin du fleuve Colorado sont eux aussi aspirés par une machine géante à couler du béton. Des centaines de barrages sont ainsi bâtis, qui font disparaître l’écosystème propre à la Californie, un maquis de buissons et d’armoises appelé chaparral. Marc Eisner a raconté dans son chef-d’œuvre, Cadillac Desert, la manière dont l’eau est devenue peu à peu, en Californie, une monnaie. Et la façon dont les administrations, les hommes d’affaires, les politiciens, les grands ingénieurs s’en sont emparé. Si les hommes s’étaient montrés un peu moins ivres de puissance, il ne fait aucun doute que Los Angeles serait restée une ( toute ) petite ville. Or elle compte près de 4 millions d’habitants, et l’agriculture intensive – et irriguée – de ce grand État produit plus de la moitié des fruits et légumes des Etats-Unis. Dans une zone – la Grande vallée centrale – où les précipitations ne dépassent guère 250 mm d’eau par an ! » La suite de l’article dans le numéro 3 des Cahiers A lire également dans ce dossier – Mais où est donc passée la claire fontaine ? : Jean-Claude Pierre s’interroge dans cet article sur l’un des mystères les plus flagrants de notre temps. Jadis lieux de recueillement, d’émerveillement et de satiété, nos fontaines sont devenues imbuvables. Sans que personne ne s’en émeuve ! Mais qui est donc responsable ? – Apprends-nous à effacer un barrage : Le monde est plein de barrages et certains fleuves, épuisés, n’arrivent plus à la mer. Pour Martin Arnould, l’heure a sonné de regarder d’un autre œil les rivières. C’est une question écologique, culturelle et même spirituelle : il faut savoir détruire pour mieux construire.Comment le climat va bouleverser la forêt française
Extrait de l’article signé par Olivier Duron : « Nos yeux d’humains ne le voient pas. Et pourtant, pour la forêt française comme pour la plupart des écosystèmes mondiaux, une course effrénée s’est engagée pour suivre l’évolution extraordinairement rapide du climat. Avec des changements radicaux de paysage en perspective. C’est ce que montre une étude menée en 2007 par les chercheurs de l’INRA de Nancy qui ont étudié la future répartition de cinq espèces forestières à partir des modèles climatiques de Météo France pour 2100. Il en ressort une France transfigurée, où l’on voit le chêne vert, symbole du climat méditerranéen, faire une spectaculaire avancée jusqu’aux berges de la Loire. Où l’on assiste aussi à la quasi disparition du hêtre, cet arbre magnifique présent en France depuis des millénaires. Mais les questions restent nombreuses. Avec la rapidité d’évolution du climat, comment savoir si les arbres pourront s’adapter ? En France, on s’attend pour le siècle à venir à une augmentation moyenne des températures de 2 à 4 degrés. Derrière ces chiffres se profile une réalité plus brutale caractérisée par l’augmentation des phénomènes extrêmes, avec notamment des vagues de chaleur estivales intenses associées à des périodes de sècheresse. Il est admis que l’épisode caniculaire de 2003 équivaudrait à un été moyen à la fin du siècle. Il n’y a pas de doute, les écosystèmes seront mis à rude épreuve. Il faudra désormais compter avec l’augmentation des maladies forestières, l’apparition de feux de forêt sur toute la moitié sud de la france, l’augmentation de l’érosion dans les zones de montagne. Et les arbres devront suivre le mouvement pour survivre. Le pourront-ils ? Dans un communiqué publié en 2007, les chercheurs de l’Inra posent la question : « Il a fallu 2 000 ans aux chênes pour traverser la France du Sud vers le Nord il y a 10 000 ans. Or, le réchauffement envisagé au cours du siècle à venir se produira sur un temps inférieur à la durée de vie d’un arbre. Doit-on s’attendre à des vagues de dépérissements massifs dans nos forêts ou bien assisterons-nous à une mortalité plus diffuse et progressive des arbres les moins bien adaptés ? ».-« La suite de l’article dans le numéro 3 des CahiersEgalement au sommaire
– Femmes, étrangères, ingénieurs, écolos : un entretien avec Thanh Nghiem et Yamina Saheb : En décembre prochain, le monde tournera autour de Copenhague, où doit se tenir une conférence décisive sur le climat. Les Cahiers ont décidé de réunir deux femmes venues d’ailleurs, dont le parcours est en tout point remarquable. Consommer quatre fois moins d’énergie, c’est possible ! – Le prix de la terre : Les conséquences des crises alimentaires en cours n’ont pas fini de s’étendre. Le grand paradoxe reste probablement que ceux qui y sont les plus exposés sont les mêmes dont dépend une grande partie de l’avenir agricole et alimentaire de la planète. Il s’agit de ces 500 millions ouvriers salariés du secteur agricole directement touchés dans leurs pratiques et leur vie quotidienne par les prix alimentaires. – Comment aider pour de vrai les paysans : Le Grenelle de l’environnement, qui a fait couler tellement d’encre, prévoit de faire passer la surface agricole utile (SAU), en France, de 2 % à 6 % d’ici 2012. Pour l’heure, personne ne sait trop comment faire, mais des associations ont d’ores et déjà relevé le gant. C’est le cas de Terre de liens.