Lors de la conférence internationale sur les biocarburants, à Bruxelles, jeudi 5 juillet, le président brésilien Luiz Inacio « Lula » da Silva a vanté les mérites de l’éthanol aux Européens.
Aujourd’hui le Brésil est le premier producteur et exportateur mondial d’éthanol. L’éthanol, principalement issu de la production de canne à sucre au Brésil, est utilisé dans les biocarburants (ou agrocarburants); le plus répandu étant le superéthanol E85, un mélange de 85% de bioéthanol et de 15% d’essence classique. Le bioéthanol peut également être produit à partir de palmiers à huile, en Indonésie, de betteraves, céréales, etc. En 2006, 75% des voitures vendues au Brésil étaient « flex-fuel », acceptant indifféremment l’essence, l’éthanol ou un mélange des deux. Avec Renault et PSA, les premières voitures françaises « flex-fuel » ne seront disponibles qu’à partir de cet été. La filière n’est pas encore bien développée en France. Il n’existe que 50 pompes de bioéthanol pour l’instant en France ! La part des biocarburants dans la consommation totale de carburants en France était de 3% en 2006 et devrait être de 6% en 2007. Lors de la conférence internationale sur les biocarburants, à Bruxelles, jeudi 5 juillet, le président brésilien Luiz Inacio « Lula » da Silva a vanté le succès de la production d’éthanol dans son pays, qui offre, selon lui, une occasion de « combattre la misère » dans le monde. Il a donc invité les autres pays à lui emboiter le pas. Mais, même si ces carburants sont moins nocifs que les produits pétroliers (contribution moindre à l’effet de serre), leur utilisation ne fait que repousser le problème environnemental d’un secteur à un autre et leur caractère durable peut être soumis à controverse… – leur production favorise la monoculture, donc l’érosion des sols, – nécessite une forte consommation en eau, – pollue les nappes phréatiques à cause des engrais et des pesticides répandus en grandes quantités, – monopolise des millions d’hectares cultivables. Le Brésil produit 6.000 litres d’éthanol avec un hectare. L’objectif du gouvernement et du pétrolier Petrobras est de porter les exportations d’éthanol brésilien à 200 milliards de litres d’ici à 20 ans. Le Brésil en produit 17 milliards actuellement, dont quelque 3 milliards sont exportés. Il faudra donc sacrifier des surfaces agricoles disponibles par habitant et la forêt amazonienne ! – la destruction massive de la forêt amazonienne, le « poumon de la Terre », entraînerait un désastre écologique qui affecterait l’ensemble de l’humanité (réduction du taux d’absorption naturelle de CO2, impact sur la biodiversité, etc). – une étude nord-américaine conduite par le Pr. Mark Z. Jacobson (Université de Stanford) a démontré que le nombre de cancers liés à l’E85 serait du même ordre de grandeur que celui qu’on estime induit par l’essence (émission de substances cancérogènes dans l’air, benzène, butadiène, formaldéhyde et l’acétaldéhyde). – l’utilisation de denrées comestibles (sucre, maïs, colza, etc) à des fins énergétiques fait envoler le cours mondial des denrées alimentaires, ce qui menace la sécurité alimentaire des plus démunis. Si bien qu’un peu partout dans le monde, certains gouvernements commencent déjà à essayer de freiner l’essor des biocarburants (Chine, Inde). A titre de comparaison: » Pour faire le plein d’un gros 4×4, il faut 200 kg de maïs, soit assez de calories pour nourrir une personne une année durant… ». – les conditions de travail de nombreux producteurs agricoles des pays du Sud se dégradent. – 200,000 travailleurs pauvres migrants « participent au succès » du secteur brésilien de l’éthanol… Les résultats d’une enquête sont parus à ce sujet, dans le Courrier International du 29 mars 2007; intégrale accessible sur le site de Sucre-Ethique: » Ces hommes, des réfugiés économiques ayant fui le Nord-Est pauvre et aride, ne gagnent pas plus d’environ 150 euros par mois.[…] S’ils viennent ici, c’est parce que le chômage les contraint à partir de chez eux. De fait, ils travaillent 12 heures par jour dans une chaleur écrasante pour à peine plus de 0,75 euro la tonne de canne coupée ; ils retournent ensuite dans des “pensions” crasseuses et bondées que des propriétaires peu scrupuleux leur louent à des prix exorbitants. […] C’est de l’exploitation pure et simple. » Finalement l’éthanol n’est pas très écolo… Le biocarburant n’est donc pas une solution miracle mais devrait plutôt être considéré comme un remède à moyen terme, parmi d’autres, pour réduire la consommation de pétrole. Des mesures doivent être prises pour utiliser conjointement des énergies renouvelables, le nucléaire, les véhicules hybrides, la capture du CO2, l’amélioration du rendement des réseaux électriques, etc. afin de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Pour un développement durable, il faut que les politiques et industriels concentrent davantage leurs efforts sur la recherche et le développement des « technologies propres », des sources d’énergie non polluantes et renouvelables, tout en encourageant les économies d’énergie en parallèle. Toutefois, des solutions alternatives de biocarburants existent : en fabriquer à partir de plantes non comestibles, comme le jatropha, une plante du désert dont les graines contiennent de l’huile, ou à partir de déchets agricoles (éthanol cellulosique). Pour le moment, leur faible rendement et leurs coûts de fabrication plus élevés ne permettent pas encore de les exploiter à grande échelle. Pour terminer, je vous propose de visionner cette vidéo de 1:19 minutes sur france24.com : Lula vante les mérites de l’éthanol aux Européens
Les biocarburants, un remède durable ?
En fait, la situation est pire. Lors d’une rencontre des Nations-Unies sur la biodiversité tenue à Paris du 2 au 6 juillet, la communauté internationale n’a pas réussi à mettre en place un processus rigoureux pour évaluer les impacts des agrocarburants. Le Brésil avec l’appui notamment de la Malaisie et de l’Argentine, a réussi à bloquer un accord.
Les biocarburants, un remède durable ?
Le Bioéthanol, une tromperie !
L’objectif du gouvernement français paraît intéressant : inciter les constructeurs d’automobiles à mettre sur le marché des véhicules « flex fuel » c’est-à-dire capables de rouler indifféremment avec de l’essence ou de l’éthanol et promouvoir ainsi une filière agricole fournissant la matière première. Cette nouvelle activité entraînerait des créations d’emploi dans l’agriculture, dans l’industrie de production de l’éthanol, dans la distribution et aussi dans l’industrie automobile par l’étude et la réalisation de moteurs adaptés. Cerise sur le gâteau, le nouveau carburant vert serait moins créateur de gaz à effet de serre. La promotion des ventes de ces nouveaux véhicules verts se ferait donc sous la bannière écologique.
Une belle histoire, mais qui ressemble d’avantage à un conte de fée pour enfants. Car la réalité est toute autre. Un haut fonctionnaire de Bercy Dominique Viel auteur d’Ecologie de l’apocalypse (Editions Ellipses) écrit : « si la combustion du biocarburant ne dégage que des gaz à effet de serre mineurs, ce sont les consommateurs intermédiaires, tracteurs, engrais, épandage, irrigation …qui sont sources d’émissions de CO2 ».
Des chercheurs de l’université de Cornell et de celle de Berkeley aux USA ont démontré que la fabrication de l’éthanol à partir de céréales consomme globalement 30% d’énergie en plus que celle libérée lors de sa combustion.
En somme, beaucoup d’activité, du travail, de l’agriculture intensive avec des pesticides polluant la nappe phréatique pour un bilan énergétique et écologique désastreux.
Mais ce n’est pas tout. Il faudra bientôt choisir entre rouler ou manger car même si toutes les terres cultivables étaient consacrées aux biocarburants, on serait loin de couvrir les besoins. En attendant, le prix du blé, par l’accroissement de la demande ne cessera de grimper avec des risques de pénuries de farine entraînant ainsi des famines dans les pays les plus pauvres.
Mais peu importe toutes ces considérations économiques et humanitaires. Le dossier Ethanol est avant tout un dossier financier qui devra générer du profit pour certains, de l’activité pour d’autres. Lorsque l’on se rendra compte qu’il s’agit d’une erreur, les promoteurs et les différents profiteurs de la filière se seront enrichis grâce aux contribuables, résignés comme d’habitude qui prendront en charge, le compte immense des pertes.
Il n’est peut-être pas trop tard pour réagir. Aussi, je conjure tout d’abord le gouvernement français de revoir d’urgence sa copie, avant de nous faire travailler non pas pour rien, mais avec des pertes et des nuisances sur tous les plans, sauf pour une minorité.
Ensuite, je l’invite à promouvoir les transports en commun, les déplacements en bicyclette en développant les pistes cyclables pour permettre au plus grand nombre y compris les écoliers à se rendre en vélo sur leur lieu de travail ou dans leur école. Il s’agit de créer des conditions de sécurité et des infrastructures suffisantes pour permettre à ceux qui le désirent de rouler pas cher et écologique. Le gain sur le plan de la santé grâce à l’exercice physique, n’est pas non plus à négliger. Il faut donc pour le gouvernement, repenser la ville, les infrastructures routières, la circulation, le travail, la vie. Pour illustrer ce dernier propos, je citerai l’exemple de ces parents qui à tour de rôle encadrent en vélo, les enfants se rendant à l’école. Bravo pour de telles initiatives et carton rouge pour le gouvernement.
Rév. du 09/08/2007/François LITTERST / Ingénieur diplômé en génie énergétique
Les biocarburants, un remède durable ?
Bioéthanol – ce qu’il coûte et ce qu’il donne
Il faut un peu plus d’un litre d’équivalent pétrole pour produire un litre de bioéthanol.
Ces chiffres s’entendent depuis les labours jusqu’à la dernière distillation.
Il faut un 1,600 litre d’éthanol pour fournir la même quantité d’énergie qu’un litre d’équivalent pétrole.
Où est la bonne affaire ?
Ce n’est pas parce que le monde entier déraisonne qu’on doit refuser tout effort de réflexion, quelle que soit la position sociale ou politique.