Alors que la France vient de retenir un scénario de réchauffement possible d’environ 2°C en 2050, le pays pourrait compter la même année 7,2 millions d’habitants âgés de 75 à 84 ans – soit 75 % de plus qu’aujourd’hui. Ainsi, l’objectif du « mieux vivre chez soi » intègre-t-il, outre des efforts de lutte contre le réchauffement climatique pour la sobriété énergétique et le confort thermique des logements, une adaptation des résidences principales au vieillissement à domicile. Dans ce contexte, les parlementaires du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l’Assemblée nationale ont souhaité être éclairés sur les aides publiques destinées, depuis plusieurs années, à accompagner les ménages dans la rénovation énergétique de leur logement et sur leurs résultats. Ces aides font en effet l’objet de dispositifs législatifs et réglementaires régulièrement modifiés, sans que leur impact sur les finances publiques, comme leur efficacité environnementale, ne soient précisément retracés. Ce rapport intervient alors que les annonces du gouvernement en matière d’adaptation des logements au vieillissement, par la création d’une nouvelle subvention « MaPrimeAdapt’ » au 1er janvier 2024, laissent envisager une similitude avec le dispositif de subvention à la rénovation thermique des logements, « MaPrimeRénov’ ».
Transition énergétique et adaptation des logements au vieillissement
Depuis plus de quinze ans, les politiques publiques en matière d’habitat ont priorisé la rénovation énergétique, mais n’ont que peu pris en compte le vieillissement à domicile. Les premiers programmes d’aide de rénovation énergétique ont été développés en 2010 puis amplifiés depuis 2020, principalement par la mise en place de la subvention « MaPrimeRénov’ » gérée par l’agence nationale de l’habitat (Anah). L’adaptation des logements au vieillissement est une préoccupation tangible depuis 2013 – année où l’Anah et la caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) ont remis un premier rapport sur les défis à venir. Néanmoins, aucune politique publique d’ensemble n’a été développée depuis, malgré l’existence d’aides éparses et souvent anciennes. Le 1er janvier 2024, un nouveau dispositif piloté par l’Anah, « MaPrimeAdapt’ » devrait être ouvert aux ménages modestes. Ce dispositif s’inspire, dans sa mécanique budgétaire, de « MaPrimeRénov’ » en fusionnant deux grandes aides nationales : le programme « Habiter Facile » de l’Anah, le soutien financier « bien vieillir chez soi » de la Cnav ; le crédit d’impôt pour l’adaptation des résidences principales des personnes âgées, un moment concerné par cette fusion, n’a finalement pas été supprimé.La rénovation énergétique : des ambitions multiples, des résultat et demi-teinte
De 2015 à 2022, la dépense publique en matière de rénovation énergétique des logements a doublé pour atteindre 5,2 Md€ en 2022, dont 3,1 Md€ au titre de « MaPrimeRénov’ » ; s’y ajoutent les certificats d’économie d’énergie (CEE) auxquels sont astreints les producteurs d’énergie, qui réduisent le coût des travaux pour les ménages. Au total, 6,95 Md€ d’aides ont été injectées pour la seule année 2022. La cible du nombre de logements concernés par « MaPrimeRénov’ » a été atteinte en 2021, attestant de l’engouement des propriétaires pour le dispositif. Malgré le succès de cette aide, ciblée sur des travaux « mono-geste » qui ne se limitent qu’à une rénovation partielle, les résultats environnementaux restent insuffisants. En effet, les estimations d’impact environnemental des travaux ne tiennent pas compte de la réalité thermique initiale des logements, ni de leur véritable usage. Cette lacune explique une bonne part des difficultés de l’évaluation de l’effort public en la matière. Seules les rénovations globales sont en mesure de répondre aux objectifs de lutte contre le réchauffement climatique. Or, elles ne représentaient en 2020, que 3 % des surfaces rénovées. Face à ces défis, le Gouvernement a annoncé une augmentation des moyens et une réforme de « MaPrimeRénov’ » pour augmenter, à compter de 2024, le nombre des rénovations globales à 200 000 logements par an. Néanmoins, sans la mobilisation du secteur privé, qu’il s’agisse du secteur bancaire comme de la filière du BTP, les ambitions réaffirmées de « MaPrimeRénov’ » pourraient ne pas être atteintes.Adaptation des logements au vieillissement : une nouvelle subvention aux objectifs modestes
Le nouveau dispositif de subvention « MaPrimeAdapt’ », destiné à l’adaptation des logements au vieillissement, devrait être mis en œuvre alors que seulement 6 à 7% du parc privé aura déjà été adapté. À ce jour, le dispositif n’a donné lieu à aucun arbitrage budgétaire et n’est pas pris en compte dans la trajectoire budgétaire de la France. La Cour souligne que la simplification des parcours, la mise en place d’un accompagnement des bénéficiaires et des objectifs de délais d’instruction et de paiement courts méritent d’être soulignés, mais que les objectifs de logements à adapter pour tenir compte du vieillissement, fixés à 680 000 sur 10 ans, ne couvriront pas le besoin estimé des deux millions de ménages identifiés comme prioritaires. Au-delà d’une aide à l’adaptation des logements, l’État ne peut faire l’économie d’une réflexion globale sur les parcours résidentiels des personnes âgées.Pour Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes : « Si les mécanismes de subvention peuvent apparaître comme une incitation efficace pour les particuliers à engager des travaux en matière de rénovation énergétique, comme en atteste, le succès de « MaPrimeRénov’ », les ressorts de l’adaptation des logements au vieillissement ne sauraient être comparables aux enjeux environnementaux : ni par le volume du parc de logements à traiter, ni par la nature ou l’ampleur des travaux qu’ils requièrent. Par ailleurs, l’opportunité des travaux d’adaptation au vieillissement reste largement liée aux occupants, là où la mutation vers un parc de logements thermiquement performant s’inscrit dans la durée, quel qu’en soit l’occupant. En d’autres termes, l’adaptation des logements au vieillissement relève plutôt de l’aide à la personne, là où l’adaptation thermique des logements constitue plutôt une aide à la pierre ».20231026-cec-soutien-aux-logements-face-aux-evolutions-climatiques.pdf