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Projet Entre Deux Eaux : Article 4

LE GANGE : RIVIERE MASALA

Une analyse des projets de coopération transfrontalière autour des ressources en eau à suivre sur Cdurable.info

Le jour où Michael Jackson est mort, la mousson a commencé. Le 25 juin 2009, alors que des hordes de fans en pleurs exprimaient leur chagrin dans les rues de New York, Londres ou Paris, autant de bangladeshis endossaient leur pagne blanc et sortaient sur les toits de leurs immeubles, une barre de savon à la main. Au moment même où toutes les larmes du monde ont commencé à tomber du ciel, les 150 millions d’habitants du petit pays asiatique se sont précipités à leurs fenêtres, un sourire au coin des lèvres. Mort d’une étoile, naissance d’un espoir. Nous vous proposons de commencer par la fin de notre épopée le long du fleuve sacré, une descente de 2 525Km dans les gorges de l’Asie du Sud.

*Le masala est un mélange d’épices utilisé dans de nombreux plats indiens, et surtout dans la préparation du fameux thé masala.
Allahabad - Traversee du Gange (1)
Allahabad – Traversee du Gange (1)
Nous n’avions pas du tout prévu de commencer notre descente du Gange par le Bangladesh, soit dit par la fin, mais le destin en a décidé autrement. En faisant notre visa à Amman, l’employée de l’ambassade indienne nous a remis notre passeport avec un grand sourire, quelques secondes après avoir écrit sous nos yeux : « date d’expiration du visa : 23 juin ». Rien ne servit d’expliquer que nous avions fourni dans notre dossier des billets d’avion attestant de notre sortie de territoire le 1er juillet. En Inde, nous l’apprendrions par la suite, il n’y a pas de cas-par-cas. Qu’il en soit ainsi, nous quittâmes donc l’Inde le 23 juin 2009 en direction de Dhaka, avec la ferme intention de refaire notre visa pour redescendre ultérieurement la partie supérieure Gange. Nous vous proposons de commencer par la fin notre épopée le long du fleuve sacré, une descente de 2 525Km dans les gorges de l’Asie du Sud. Données hydrographiques Source : Glacier de Gangotri dans l’Himalaya (Uttarakhand – Inde) Embouchure : Golfe du Bengale Principaux affluents : Mahakhali, Karnali, Koshi, Gandak, Ghaghra, Yamuna, Son, Mahananda Pays riverains : 4 pays : Inde, Népal, Bangladesh, Chine Longueur du fleuve : 2 525Km Débit minimum : 700 m3/Sec Débit maximum : 78 000 m3/Sec Etendue du bassin : environ 900 000 km2 Population du bassin : supérieure à 500 millions d’habitants Principales problématiques : variabilité saisonnière et densité de population

Le Bangladesh : première victime climatique

En commençant par le delta d’un des plus grands fleuves du monde, on ne peut que constater que l’eau est présente partout. Le Bangladesh est en fait le lieu où se jettent trois fleuves majeurs : le Gange, le Brahmapoutre et le Meghna. Tous les ans, le pays est sujet à des inondations récurrentes. La moyenne se situe autour de 25% du territoire sous les eaux, tandis que les crues historiques, comme en 1988 ou 1998, ont englouti plus de 70% du pays. Or, d’entrée de jeu, l a pression démographique est très forte : la superficie du pays équivaut à environ la moitié de celle de la France pour une population plus de deux fois supérieure. C’est le principal problème auquel doit faire face le Bangladesh actuellement. L’Inde est même en train de construire des barbelés tout autour du pays pour empêcher ces migrants climatiques de passer la frontière. Mais lors de la prochaine inondation, où iront ces millions de Bangladeshis ?
Khaguria - Retour (2)
Khaguria – Retour (2)
Concernant le Gange, la situation est très paradoxale. Lors de nos premiers RDV avec les organismes locaux, nous interrogeons nos interlocuteurs sur les problèmes climatiques liés au fleuve. Ils nous répondent qu’il n’y a pas assez d’eau. Nous avons du mal comprendre, avec des inondations pareilles, le pays en a trop, mais pas, assez, non, ce n’est pas possible. Et pourtant. La variabilité saisonnière fait du Bangladesh un des pays les plus désavantagés par la nature. Pendant de nombreux mois, les autorités se battent pour faire face aux désastres, multipliant plans de sauvetage, abris et gestion des risques. Et 5 mois dans l’année, pendant la saison sèche, du 1er janvier au 31 mai, le pays meurt de soif. Nous leur rétorquons : « mais pourquoi alors ne pas construire de réservoirs, pour gérer le flux pendant la mousson et stocker le surplus pour les mois arides ? ». La réponse est celle à toute question : il y a trop de monde. Le pays est si peuplé que construire un réservoir entraînerait le déplacement de milliers de personnes qu’il faudrait indemniser, et le gouvernement n’en a pas les moyens. De plus, lorsque l’on observe la topographie du territoire, on se rend compte que le pays est désespérément plat, il est donc hors de question de construire un barrage. Pour faire face à ces catastrophes climatiques, le gouvernement a mis en place un système de management des désastres le plus performant au monde. Des scientifiques du monde entier viennent au Bangladesh se former sur la technologie et la logistique mises en place au niveau national. Nous avons visité le centre de prévision et de mise en garde des inondations « Flood Forecasting and Warning Centre » à Dhaka. Le niveau des 310 fleuves et rivières parcourant le pays est contrôlé 4 fois par jour dans 286 stations de surveillance étalées dans tout le pays. 1 ou 2 fois par jour en fonction de la saison, un bulletin d’inondation est imprimé et disponible en ligne. Si le niveau atteint la barre « attention », « danger » ou « sévère », les stations locales sont averties et mettent en place des plans adéquats. (www.ffwc.gov.bd) Le Gange n’est qu’une des 57 rivières transfrontalières partagées par le Bangladesh avec ses voisins. 53 autres sont partagées avec l’Inde et 3 avec le Myanmar. Sur le chemin du retour en direction de Kolkata, nous reprenons le ferry pour traverser le Gange. A cette époque de l’année, alors que la mousson n’a pas encore commencé en amont, le fleuve atteint déjà une largeur de 20km. Allons regarder plus haut ce qu’il en est.

Pèlerinage à la source du Gange (Rishikesh)

12h de bus (Dhaka – Kolkata), 28h de train (Kolkata – Delhi), à nouveau 8h de bus (Delhi – Rishikeh) et un nouveau visa en poche plus tard, nous voilà au pied de la chaîne himalayenne. Les villes de Rishikesh, et un peu plus en aval Haridwar, sont sacrées pour être les deux points où le Gange sort des montagnes avant d’entamer sa longue descente dans la plaine jusqu’à son delta, où nous nous trouvions deux jours plus tôt. D’un fleuve marron, chaud et pollué, nous retrouvons l’essence même d’une rivière de montagne, d’une température glaciale et d’une couleur sablonneuse. Notre bonne étoile nous a encore une fois suivi, puisque nous tombons en pleine période de festival, le yatra, où les dévôts remontent à pied jusqu’à la source du Gange pour remplir des bidons qu’ils rapporteront ensuite à leurs familles. Le spectacle est magique. Il faut dire que le Gange, et avec lui la chaîne himalayenne, ont de quoi être sacrés. Si au Bangladesh l’attention est portée sur les inondations, en Inde, la mode est au réchauffement climatique et à l’Himalaya. Récemment, les scientifiques de la région se sont rendu compte que leurs connaissances sur la chaîne de montagne étaient trop limitées. L’Himalaya, où naissent cinq des plus grands fleuves mondiaux (le Gange, l’Indus, le Brahmapoutre, le Yangtsé et le Fleuve Jaune) fait vivre 1, 5 millions de personnes. Lorsque l’on élargit ce spectre à la totalité des bassins et des pays baignés par ces cinq fleuves, ce nombre passe à 3 milliards de personnes, soit la moitié des habitants de la planète. Or, très peu de stations hydrométriques sont installées en altitude, et les données sont donc peu nombreuses. Il n’y aucune autre chaîne de montagne au monde ayant des altitudes aussi élevées, dont on puisse tirer des connaissances. L’Himalaya fait vivre beaucoup trop de monde pour que l’homme puisse se permettre d’avoir des lacunes à son sujet. A l’heure actuelle, cette problématique intéresse de nombreuses ONG et organisations internationales comme WWF qui a lancé la campagne « climate for life » pour évaluer les impacts du changement climatique sur les ressources en eau, particulièrement dans les glaciers de l’Himalaya ou la Banque Mondiale (www.worldbank.org)

Delhi: capital du “Big Brother” indien

Delhi - Paharganj by night
Delhi – Paharganj by night
A contrecoeur, nous quittons les montagnes et redescendons vers Delhi, énorme mégalopole de 13 millions d’habitants. Malgré sa population croissante, la ville est agréable à vivre et les avenues de New Delhi, bordées d’arbres et de parcs, offrent un repos à toutes les âmes. C’est dans la capitale que se déroulent la majeure partie de nos RDV. L’Inde a beau être un pays décentralisé, sa capitale abrite le cœur de la vie sociale et administrative. C’est là que le gouvernement décide de la politique extérieure du pays, résolument bilatérale. Tout comme la Chine, l’Inde est très exclusive dans ses relations avec ses voisins. Le gouvernement refuse toute relation multipartite, lui permettant de garder la main sur ce qui autrefois faisait partie de son territoire. Un traité a ainsi été signé en 1960 avec le Pakistan sur L’Indus, un autre en 1996 avec le Bangladesh et le dernier en février 1996 avec le Népal sur le fleuve Mahakali. Même si les trois pays insistent pour démarrer des discussions à l’échelle des bassins, l’Inde s’y refuse catégoriquement. Or le Bangladesh, pour sa part, est lié muettement à une redevance historique depuis que l’Inde l’a aidé à s’émanciper du Pakistan en 1971. Le pays, encerclé par celui que tous appellent communément le « big brother », s’est imposé une marge de manœuvre très restreinte. Et l’Inde joue parfaitement son rôle. Elle tente au maximum de satisfaire les requêtes de son cadet pour pouvoir satisfaire les siennes en retour. Les relations entre les deux pays sont ainsi cordiales et polies depuis des décennies, expliquant grâce à cette bonne volonté politique pourquoi des pays si différents ont réussi à signer un accord sur le Gange alors que deux Etats au sein de cette même nation indienne n’y sont jamais arrivés (Cf. notre newsletter sur le Cauvery « Bienvenue dans le bordel indien»).
Delhi - Bangla Sahib - temple sikh (7)
Delhi – Bangla Sahib – temple sikh (7)
Ce traité de Farakka de 1996 a pour but de mettre fin aux différends régnant entre l’Inde et le Bangladesh pendant la saison sèche. 16km avant la frontière Bangladeshi, l’Inde a construit dans les années 1970 (construction achevée en avril 1975) le barrage de Farakka lui permettant de réguler le flux du Gange et surtout de sauver le port de Calcutta, victime de la sédimentation. Ce barrage assure le flux du Gange en direction du Bangladesh. Victime de sécheresse, le Bangladesh a pu obtenir de signer un traité en 1996 partageant les eaux du Gange du 1er janvier au 31 mai de chaque année. Plusieurs commissions ont été créées afin d’assurer sa mise en application. Globalement, le traité fonctionne depuis lors, cependant sujet à critiques lorsque le flux est vraiment bas. En effet, en dessous de 50 000 mètres cubes par seconde, le traité ne prévoit pas de partage et indique que les deux premiers ministres doivent se réunir d’urgence pour négocier. Le traité, fragile lien entre les deux Etats, n’a jamais été revu et les premiers ministres n’ont jamais pu décider d’une formule. Le Taj Mahal en danger ! (Agra)
Agra - Taj Mahal - Celbration pour anniversaire de Shah Jahan (8)
Agra – Taj Mahal – Celbration pour anniversaire de Shah Jahan (8)
En repartant de Delhi, nous suivons la cohorte des touristes qui font le circuit classique : Delhi – Agra-Varanasi – Rajasthan. Direction : le Taj Mahal ! En arrivant, nous apprenons que le monument est gratuit aujourd’hui à l’occasion de l’anniversaire de son commanditaire : l’empereur moghol Shahjahan, fils de Jehangir et père d’Aurangzeb. L’empereur construisit le tombeau afin d’y enterrer la favorite de son harem : Mumtaz Mahal, décédée en donnant naissance à leur quatorzième enfant. Certains s’inclinent devant une des plus belles preuves d’amour au monde, d’autres devant la magnificence de l’architecture, tous s’inclinent devant Shahjahan. Aujourd’hui, les festivités lui sont dédiées. En début d’après-midi, les habitants déploient d’immenses tissus de couleur, d’1m50 de large environ et de plusieurs centaines de mètres de long, qu’ils portent à bout de bras à travers les rues. Les cortèges sont faits de musique, de chants et de danses. Les fleurs sont jetées par poignées et les cônes d’encens brûlent en chœur. Tous se dirigent vers le Taj Mahal. Sur la place devant l’entrée principale du monument, des individus distribuent de la nourriture. Nous nous approchons de l’un d’entre eux. Il s’appelle Mohammed, a une trentaine d’années et a le visage rond et sympathique. – Que se passe t-il ? – Tout le monde vient au Taj Mahal pour le dernier jour de la célébration. Ces longs tissus seront disposés sur les tombes. – Et tous ces groupes de jeunes, d’où viennent-ils ? On se croirait un peu au Palio à Sienne et ses différents quartiers… – Ils viennent effectivement de différents coins d’Agra, mais tout un chacun peut s’affilier à leur groupe s’il le souhaite. – Pourquoi distribuez-vous de la nourriture ? – J’ai un commerce de sculptures sur marbre à l’extérieur du monument. En construisant le Taj Mahal, Shahjahan a permis à ma famille de subvenir à ses besoins pendant des décennies. Pour le remercier et partager cette chance, je viens tous les ans ici. Nous cuisinons et distribuons de quoi manger à ceux qui n’ont rien. – Est-il vrai que le Taj Mahal est en danger ? – Oui, non seulement à cause de la pollution, mais également à cause de la baisse du niveau du Yamuna. Le gouvernement de l’Uttar Pradesh a mené une étude en 2005 révélant que si le niveau ne revenait pas à sa hauteur passée, tout le bâtiment risquait de s’écrouler. Des fissures ont déjà été repérées dans les minarets. Auparavant, le gouvernement indien avait d’autres chats à fouetter, mais il s’est vite rendu compte de l’importance du tourisme et en a fait une priorité nationale. D’ailleurs, votre président, Mr Sarkozy, est venu à Agra avec sa petite copine, Carla Bruni, il y a quelques années, et ils reviennent en octobre. Mais ici, ils ne sont pas très aimés. – Pour quelle raison ? – A l’époque, Mr Sarkozy et Carla Bruni n’étaient pas mariés. Ici, divorcer et se balader main dans la main avec quelqu’un d’autre ne sont pas très bien vu. Les femmes les regardaient toutes d’un mauvais œil. En revanche, nous aimons beaucoup Mitterrand et Zidane. Il est vrai que nous avions déjà remarqué l’importance de la politique extérieure française à l’étranger. Résidant en France, les voyages de Chirac ou Sarkozy ne m’avaient jamais vraiment interpellée, mais arrivés au Moyen-Orient et en Inde, ils prirent toute leur ampleur.

Allahabad ou la confluence du fleuve vert (le Yamuna) et du fleuve brun (le Gange)

Allahabad - Sangam confluence Yamuna-Ganges (20)
Allahabad – Sangam confluence Yamuna-Ganges (20)
Après un bref passage à Lucknow, haut lieu de la résistance moghole contre l’invasion anglaise, nous arrivons à Allahabad. La ville a peu d’intérêt, si ce n’est sa partie orientale, où se rejoignent le Gange et son principal affluent. Le lieu s’appelle le « sangam » en hindi, et comme beaucoup, est sacré pour les hindous. Les dévots viennent y effectuer leurs ablutions rituelles, aidés par les pandas (prêtres). C’est également après cette jonction que les véritables plaines agricoles s’étalent dans la vallée du Gange. Plus en amont, si ce n’est à proximité du barrage de Tehri, l’eau et les systèmes d’irrigation manquent. Cependant, lors des années arides, les fermiers ont la vie dure. C’est d’ailleurs le cas cette année. Encore loin d’en arriver à des solutions aussi draconiennes que les suicides sur le Cauvery, les agriculteurs de la région en viennent tout de même à puiser de l’eau à la sortie des bouches de rejet des déchets industriels. Plusieurs acteurs ont dans cette catastrophe écologique et sanitaire une part de responsabilité. Le gouvernement, tout d’abord, qui pendant la révolution verte (1967 – 1978) s’est engagé auprès des paysans à leur racheter toute leur production agricole dans le but d’assurer l’autonomie alimentaire de l’Inde. Les paysans, en deuxième lieu, qui en ont profité pour tous se mettre à cultiver du paddy, qui a l’avantage de rapporter beaucoup mais l’inconvénient de consommer de grandes quantités d’eau. Résultat, l’eau vient à manquer et les schémas agricoles sont obsolètes. Le Gange est donc devenu le grenier à grain du pays. Cependant, lorsque la mousson rechigne à pointer le bout de son nez, la pression est d’autant plus forte sur les fermiers. Le premier à avoir mis le doigt sur les problèmes de pollution dans le Gange est un avocat et environnementaliste né, M.C. MEHTA. Il a aujourd’hui créé une fondation (www.mcmef.org) et exerce un lobbying important sur le gouvernement. L’homme est très occupé, mais nous avons réussi à lui arracher une interview téléphonique, lors de laquelle il nous a expliqué que de nombreux scientifiques et officiels se penchaient actuellement sur le sujet. Cendres, résidus domestiques, déchets industriels, le Gange est aujourd’hui une véritable poubelle. Depuis, le gouvernement a commencé à chercher des solutions, parfois même un peu tordues. Il y a quelques années, des tortues ont été introduites dans le fleuve afin de diminuer le développement des algues et de manger les cendres. L’opération a été un fiasco total puisque les riverains ont pêché et mangé les pauvres bêtes. Le gouvernement s’est finalement rabattu sur la construction de crématoriums électriques qu’il a convaincu la population d’utiliser après des années de pourparlers. Sur les ghats de Varanasi Autrement dénommé Bénarès, Varanasi est une ville sacrée pour les hindous qui y incinèrent leurs morts afin de libérer l’âme des défunts du cycle des naissances et des renaissances. Je crois que nous attendions notre passage à Varanasi depuis notre arrivée en Inde. Lieu magique, fait de bougies, de lumière et de foi. Sur les ghats (escaliers menant à l’eau), le corps est lavé puis enveloppé dans un linceul et enfin attaché à une échelle de bambous. Il est ensuite transporté par les hommes de la famille qui chantent le Ram Nam Satya Hai. Le corps est donné aux doms (gardiens) qui évaluent la quantité de bois à acheter ainsi que de camphre et de beurre clarifié. Le corps est plongé dans le Gange et laissé à sécher. Le fils aîné réalise ensuite les rites d’auto purification. Il porte des vêtements entièrement blancs, et tout comme à Allahabad, la tête rasée. Il tourne cinq fois autour du bûcher dans le sens contraire des aiguilles d’une montre pour symboliser le retour du corps vers les 5 éléments de la nature. L’explosion du crâne marque la libération de l’âme du défunt. Seules certaines personnes ne peuvent être incinérées car elles sont considérées comme déjà pures : les enfants de moins de 10 ans, les sadhus, les yogis, les lépreux, les personnes mordues par un serpent et les femmes enceintes. On les coule donc dans le Gange avec une pierre aux pieds. 13 jours après la crémation, un repas est organisé avec les brahmanes.
Varanasi - (27)
Varanasi – (27)
Ganga est une déesse de la mythologie hindoue. Son histoire est narrée dans la grande épopée du Ramayana. C’est une déesse espiègle et énergique. Elle est représentée dans les cheveux de Shiva. L’histoire est longue (le Ramayana a même fait l’objet d’une série télévisée de plusieurs centaines d’heures), mais essayons de faire court. En essayant d’attaquer la terre, les démons se virent envoyer au fond de l’océan par Indira (le roi des devtas ou dieux), où ils semèrent l’anarchie. Afin de les stopper, les devtas demandèrent au sage Agatsaya d’avaler la mer. Mais le sage ne pouvait plus la recracher. Finalement, ce fut le petit fils de Brahma qui convainquit son grand père de faire redescendre la « Mère Gange » sur terre. Afin qu’elle ne dévaste pas tout en tombant d’un seul trait, Shiva accepta de ralentir sa course en la recueillant dans ses cheveux. Depuis, Shiva est représentée avec un visage de femme dans les cheveux, la « mère Gange ».

L’illumination du Buddha à Bodhgaya

Notre pèlerinage s’arrête à Bodhgaya, autre lieu sacré, mais cette fois pour les bouddhistes. C’est à cet endroit que Siddharta Gautama (le buddha) aurait atteint l’illumination. Il aurait ensuite migré plus en amont du fleuve afin de réaliser son premier sermon, à Sarnath. Grâce à l’ingéniosité de notre ami Yoav à Delhi, qui étudie les arbres indiens, nous avons appris que l’arbre sous lequel s’est assis le Buddha est un ficus religiosa, autrement dénommé « peepal » ou « bodhi tree ». On le reconnaît à ses feuilles en forme d’as de pique.
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P1100828
Avant de reprendre notre cours vers le Mékong, nous nous asseyons sous les branches de l’arbre afin de méditer. Sur le Danube, nous avions étudié des problèmes de pollution, sur le Tigre et l’Euphrate d’infrastructures, sur le Jourdain de politique. Mais jamais un de ces fleuves n’avait pris une telle dimension spirituelle et sacrée. Chaque matin, au bord du Gange, je souhaiterais dire aux indiens qui s’y baignent : « N’y entrez-pas ! Le fleuve est pollué, entre les industries, les corps et les déchets, vous vous tuez à petit feu ! ». Mais au plus profond d’eux-mêmes, ces personnes croient en la bonté et la capacité de purification de cette mère qui les protège. Et n’est-ce pas mieux ainsi ? Lorsqu’au Moyen-Orient on répond « Inch’allah », en Inde on pourrait dire : « Le Gange nous sauvera ». Mais le Gange se sauvera t-il lui-même ? Sur les conseils de Lionel Goujon, autre voyageur de l’eau (http://aventure.blogs.liberation.fr/) nous avons vu et adoré le film « Ghandi » de Richard Attenborough qui narre la biographie du petit grand homme en slip (Sorti en 1982, 8 Oscars).

 

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