Le développement durable s’insère dans les programmes de l’éducation nationale
En 2002, les Nations Unies ont confié à l’UNESCO la responsabilité de promouvoir la « décennie pour l’éducation en vue du développement durable (2005-2014) » et d’élaborer un programme d’application au niveau international. Ce programme doit proposer aux gouvernements des moyens de promouvoir et d’améliorer l’intégration de l’éducation en vue du développement durable dans leurs politiques, stratégies et plans éducatifs.
Une éducation à l’environnement a été mise en place dans le système éducatif français depuis une trentaine d’années (Circulaire n° 77-300 du 29 août 1977). Mais un récent état des lieux d’avril 2003 de MM. Gérard Bonhoure et Michel Hagnerelle de l’Inspection Générale de l’Education Nationale (IGEN) montre qu’elle s’est développée de façon ponctuelle, sans véritable cohérence et sans réelle inscription dans la perspective actuelle de développement durable. En effet, dans les années 70 l’approche était essentiellement descriptive et écologique et abordait le fonctionnement des écosystèmes et la place de l’Homme face à la nature. Puis dans les années 80-90 l’éducation à l’environnement abordait la notion de défense et de protection de la nature avec une approche plus catastrophiste et un aspect plus militant.
L’environnement doit désormais être abordé de façon plus globale avec une approche centrée sur l’Homme avec l’idée de mieux gérer aujourd’hui pour demain. La France a donc mis en place, en 2003, une stratégie nationale de développement durable mettant en relief le rôle déterminant du système éducatif dans la prise de conscience des questions environnementales, économiques et socioculturelles qui sous-tendent ce concept. Il s’agit de renforcer le lien entre école et société civile pour permettre au futur citoyen d’acquérir les connaissances et les méthodes nécessaires pour se situer dans son environnement et y agir de manière responsable.
Après une expérimentation lancée dans 84 établissements durant l’année scolaire 2003-2004, les équipes pédagogiques ont été invitées dès septembre 2004 à contribuer à la généralisation de l’Education à l’Environnement et au Développement Durable (EEDD) dans tous les établissements, de la maternelle au lycée. L’aspect transversal du Développement Durable permet de l’aborder dans différentes matières : en géographie à travers l’étude des paysages et l’aménagement du territoire, en physique-chimie en étudiant l’énergie et la composition de l’air, en biologie par l’étude du cycle de l’eau et de la biodiversité ou encore en sciences économiques et sociales à travers l’étude des comportements de consommation par exemple. Le développement durable n’est donc pas une nouvelle matière mais une nouvelle approche. Les professeurs sont invités à présenter les chapitres du programme qui s’y prêtent sous la perspective du développement durable. Ils doivent poser les questions de manière à amener l’élève à réfléchir sur les choix qui s’offrent à lui et sa responsabilité qui en découle aujourd’hui et dans le futur. L’élève doit pouvoir ainsi mesurer son empreinte écologique, l’impact de ses choix et de son comportement sur son environnement et donc ce qu’il peut changer à son échelle.
Mais certains aspects politiques du développement durable fait peur. En effet face à certaines problématiques, comme les OGM qui font débat à l’heure actuelle, certains enseignants se sentent plutôt démunis.
À l’occasion de la semaine de l’Education à l’Environnement pour un Développement Durable organisée par l’académie de Versailles du 14 au 18 novembre, de nombreux professeurs ont témoigné et soulevé certains problèmes.
D’une part, l’interdisciplinarité nécessaire au développement durable est très difficilement appréhendée par les enseignants et de surcroît très mal vu au sein de l’enseignement. Cette nouvelle approche oblige les professeurs à se concerter et à s’intéresser au programme de leurs collègues. Ils doivent changer leurs façons de travailler ce qui prendra du temps au sein de la profession.
D’autre part, le facteur temps apparaît comme étant un problème majeur puisque les professeurs doivent se concerter pour monter les projets sans trop empiéter sur les horaires de cours et le programme de l’année. Les possibilités pour trouver du temps sont très limitées.
Enfin les professeurs ont également évoqué les différences de méthodes ou de vocabulaires qui existent entre les différentes matières ou entre les enseignants. La logique scientifique des professeurs des Sciences de la Vie et de la Terre (des observations aux conclusions) peut parfois s’opposer à la logique illustrative des professeurs d’histoire-géographie (les connaissances illustrées par les faits historiques).
L’IGEN, par la voix de Monsieur Gérard Bonhoure, s’est voulu éclairante et rassurante en expliquant que rentrer dans le développement durable c’est se poser les questions à moyen et long terme et en ajoutant que les professeurs ne sont pas là pour répondre aux questions mais doivent amener l’élève à réfléchir sur ses responsabilités dans la société d’aujourd’hui et de demain. Monsieur Bonhoure a souhaité rappelé également que les enseignants ne sont pas seuls et que les partenaires extérieurs ont un rôle important à jouer. C’est pourquoi la circulaire du 08 juillet 2004 pour la généralisation d’une Education à l’Environnement pour un Développement Durable encourage les expériences concrètes et directes et privilégie les sorties scolaires, les débats, les partenariats avec les associations et les professionnels.
Malgré ces difficultés, les enseignants semblent motivés et restent convaincus que les enfants sont de formidables vecteurs pour sensibiliser les parents au développement durable. Les nombreux projets menés depuis septembre 2004 en sont la preuve.
Au collège Louis-Pergaud de Maurepas (78) par exemple, plusieurs professeurs et les élèves de 4ème se sont regroupés autour du thème de l’énergie. Plusieurs matières ont été concernées : l’SVT pour l’identification des ressources, l’histoire-géographie pour la distribution de l’énergie sur le territoire, les mathématiques pour les unités de mesures et les conversions et le français pour la recherche documentaire. Les professeurs de langue ont également choisi ce thème de travail et l’intendant du collège a même été sollicité pour analyser les consommations énergétiques du collège. Des partenariats ont été élaborés avec la mairie et des professionnels du secteur de l’énergie. Toutes ces réflexions ont abouti à de nombreux travaux : pièces de théâtre, jeux de société, maquettes, films, site internet…
Au lycée de Sèvres (92) les élèves de seconde ont tenté de répondre à la question suivante : « le comportement individuel en pays industrialisé est-il un danger pour l’eau douce ? ». Il s’agissait pour les professeurs de cette classe de faire prendre conscience aux élèves de la nécessité de dépasser les intérêts individuels pour préserver un futur collectif en particulier quand ce futur collectif ne fait pas l’objet d’un consensus. Le travail a débuté par l’analyse d’un film sur le creusement d’un puits au Mali puis par l’étude de l’accès à l’eau en Espagne, en France et dans d’autres régions du monde. Cette étude a notamment abouti à la création de dossiers documentaires et d’affiches publicitaires.
Enfin les classes de maternelle et primaire de Chanteloup-les-Vignes (78) ont participé à la remise en état d’un verger. Ainsi tout au long de l’année, les élèves ont observé les espèces végétales et animales du verger, leurs comportements en fonction des saisons et en fonction de la présence ou non de l’Homme. Ils ont ainsi suivi l’évolution du paysage du verger, fait le lien entre météorologie et vie de la mare ou ont encore pu suivre la biodégradabilité de déchets de différentes natures déposés intentionnellement… Les enfants ont ensuite présenté leurs observations à leur famille en faisant visiter le verger.
Au vu des nombreux projets déjà réalisés et d‘après les professeurs, il semblerait que les thèmes des jardins et des déchets remportent un beau succès auprès des élèves. Les sujets plus polémiques comme les OGM ou le nucléaire intéressent tout particulièrement les plus grands des lycées qui voient là l’occasion de mener de vifs débats au sein des établissements.
F. LABY