Par Jean-Michel Ghidaglia, professeur à l’école normale supérieure de Cachan et directeur scientifique de La Recherche. (Juin 2006)
Nous sommes tous convaincus que l’homme ne peut plus continuer à développer ses activités sur terre sans se préoccuper à la fois des ressources (énergie, eau, air…) et de l’impact sur l’environnement (gaz à effet de serre, déchets…). Aujourd’hui, ce sont pas moins de 7 milliards de tonnes de carbone qui sont rejetées dans l’atmosphère, alors que l’Europe s’est donné comme objectif que l’on revienne à 2 ou 3 milliards à la fin du XXIe siècle. Sommes-nous tous conscients que la solution ne passera pas uniquement par le simple changement de nos habitudes ? Nous voulons tous garder peu ou prou le même confort. Ainsi la problématique du développement durable demande de nombreuses innovations, voire des sauts technologiques.
Aujourd’hui, les chercheurs sont fortement sollicités. Que ce soit à propos de nouvelles énergies renouvelables, depuis la pile à combustible jusqu’à la fusion thermonucléaire contrôlée (Iter), ou pour disposer de matériaux biodégradables ou encore de solutions pour limiter sévèrement le rejet de gaz à effet de serre… Certes, toutes ces recherches peuvent déboucher sur de véritables solutions mais il ne faut pas oublier que l’activité humaine relève aussi de celle des systèmes complexes.
La ville porte la plus grande part de la croissance mondiale. Il s’agit d’un système complexe : c’est un lieu où interagissent de très nombreuses entités, comme les transports des biens et des personnes, les habitations, les lieux de loisirs, de travail, etc. Chacune de ces activités prise isolément peut être assez bien comprise et de fait être organisée de manière optimale. Quelques exemples : le circuit du ramassage des déchets ménagers, la répartition des écoles, les arrêts de transport en commun, les espaces verts… En revanche, le système qui en résulte a un comportement qu’il est très difficile de prédire et a fortiori d’optimiser.
Pour comprendre ces systèmes, on est conduit à les simuler sur ordinateur. C’est-à-dire à concevoir un programme informatique qui “imite” du mieux possible le comportement de chacun de ses composants de base et de leurs interactions. Ensuite, on observe le comportement du tout. On est alors à même de comprendre comment “piloter” le système. Pour la ville durable, il est indispensable de recourir à la théorie des systèmes complexes sous peine de voir le bénéfice d’une innovation, comme par exemple l’utilisation de biocarburants, complètement détruit par une mauvaise organisation.
“Ville et mobilité durable”, supplément à La Recherche. Juin 2006