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Tunisie

La notion de développement ; vers une application durable

par Riadh Bechir Doctorant en sciences économiques

Le développement qui peut être défini comme la satisfaction des besoins fondamentaux de l’homme est un processus cumulatif de long terme. Le développement est donc le processus par lequel un pays est capable de connaître une croissance durable, autonome et convenablement répartie entre groupes sociaux et entre individus. Dans ce contexte le développement a une dimension économique, c’est a dire une croissance mais qui est loin d’être suffisante.

Le concept de développement est embêtant. Que veut-il dire ? promouvoir la culture d’un peuple ? favoriser l’éducation ? dans ce contexte d’où vient l’idée de développement durable ? Le développement durable apparaît être un concept politique ambigu pour plusieurs raisons (Theys, 2001) : – définir le développement durable comme le fait le rapport Brundtland, c’est proposer une ambition à la fois naïve et utopique parce qu’elle suppose de résoudre des contradictions insolubles. C’est donc prendre le risque de gommer ces contradictions. – passer de la prise en compte de l’environnement au développement durable, c’est échanger un objectif que l’on croit circonscrire contre un concept plus vague et difficile à définir. – affirmer la possibilité d’un développement durable, c’est simultanément infirmer des craintes et des limites à la croissance. C’est d’une certaine façon réaffirmer la primauté du développement sur l’environnement qu’il sera ensuite tentant de transformer, en priorité pour la croissance. La question qui se pose qu’est-ce le développement ? Cette question est très vaste, on va donc se limiter à la présentation de trois points : le développement économique et social.

1. Le développement économique et social

Le développement qui peut être défini comme la satisfaction des besoins fondamentaux de l’homme est un processus cumulatif de long terme. Le développement est donc le processus par lequel un pays est capable de connaître une croissance durable, autonome et convenablement répartie entre groupes sociaux et entre individus. Dans ce contexte le développement a une dimension économique (la croissance), mais qui est loin d’être suffisante. Le développement a aussi une dimension éthique et sociale. C’est Sen, prix Nobel économie en 1999, qui a introduit la dimension éthique dans la notion de développement. Chaque homme a droit à la dignité. C’est le principe de la dignité de la personne humaine selon lequel un être humain doit être traité comme une fin en soi. Ce principe est fondamental dans le cadre de la coopération, car il impose le respect de l’autre, de ces différences, de ces valeurs. Malheureusement, il est souvent absent. Notons ici que les différents pays du monde se trouvent à un degré différent de développement. Il y a donc une diversité de situation, aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement. Ainsi, la limite entre les pays développés et les pays en développement est extrêmement floue. De plus, la situation des pays évolue au cours du temps. Ainsi des pays qui étaient classés, il y a encore 30 ans dans les pays en développement font partie, aujourd’hui, des pays développés. C’est le cas de l’Espagne, du Portugal et de la Grèce et le cas le plus spectaculaire est le Japon. Le cas inverse, heureusement plus rare, s’est produit pour l’Argentine qui était considérée comme un pays développé dans les années 1950 et qui est aujourd’hui classé dans les pays en développement. La hiérarchie des pays en fonction de leur développement économique et social n’est pas immuable et se modifie constamment. Mais, les pays dit développés servent de référents. Pour se développer, il faut imiter ceux qui ont débuté leur processus de développement économique il y a plus d’un siècle en s’industrialisant. Cette idée est largement répandue faisant du développement des activités économiques, notamment industrielles, la voie unique de développement. C’est une approche linéaire du développement : les sociétés doivent franchir plusieurs étapes, de la société traditionnelle à la société de consommation, passage obligé pour atteindre un état de maturité. Cette analyse en terme de transition, de la tradition vers la modernité, revient à constater que tous les systèmes économiques évoluent dans un processus de développement comparable et, de ce fait, nie la multiplicité et la richesse des organisations socio-économiques des pays du Sud. Cette négation de la diversité des sociétés puise essentiellement sa légitimité dans le principe dominant d’un modèle de développement universel. Même si cette analyse a été fortement critiquée, elle reste dominante. Elle délégitime de fait toute autre voie alternative de développement dont celle du développement durable.

2. Le développement durable.

La notion de développement durable est d’origine anglo-saxonne, forgé par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature en 1980, il fut réellement vulgarisé en 1987 par le rapport Brundtland de la commission mondiale pour l’environnement et le développement de l’ONU. Selon le rapport Brundtland, un développement durable doit répondre aux besoins du présent, sans compromettre la capacité des générations à venir de répondre aux leurs et correspond au devoir des générations actuelles de transmettre un monde vivable, viable et reproductible. Le droit au développement doit satisfaire équitablement les besoins relatifs au développement et à l’environnement. Cette approche repose, en grande partie, sur la notion de patrimoine naturel composé d’un ensemble de ressources renouvelables, et non renouvelables, qui ont été léguées par les générations passées et qui devront être transmises dans le même état, et si possible bonifiées, aux générations futures. Cette première approche du développement durable repose essentiellement sur un point de vue environnementaliste qui privilégie largement la notion de durabilité de l’environnement plutôt que celle d’un développement soutenu des activités économiques des pays pauvres. Le reproche principal formulé à juste titre par les auteurs du Sud à l’encontre de l’approche des organisations internationales en matière de développement durable concerne le lien entre durabilité et pauvreté. Les pays du Nord visent à mettre en place des politiques de protection de l’environnement dont l’objectif est la limitation de l’exploitation des ressources naturelles aussi bien au Nord qu’au Sud, alors qu’au contraire pour les pays du Sud, la nécessité de croissance s’impose et est prioritaire sur les objectifs de préservation et de renouvellement des stocks, car la pauvreté qui sévit dans les pays du Sud est la source principale de la dégradation de l’environnement, dégradation qui devient elle-même, à son tour génératrice de pauvreté. Il y a donc une contradiction entre le fait de considérer les pays dit développés comme le modèle à suivre et d’imposer une limitation à l’exploitation des ressources naturelles par les pays du Sud.

3. Le développement à la base et l’approche participative.

Le développement à la base n’est pas une notion nouvelle, elle est apparue dans les années 1930 dans le cadre de la coopération française en Afrique. Le développement à la base peut se définir comme étant un processus par lequel une société, à un moment de son histoire, s’organise pour une meilleure mobilisation et une meilleure utilisation des ressources et forces dont elle dispose, en vue d’atteindre un état jugé meilleur par elle-même conformément à ses aspirations et ses normes culturelles. A travers le discours officiel, le développement à la base apparaît, non seulement, comme une philosophie d’action mais aussi comme un objectif stratégique s’appuyant sur un certain nombre d’idées fortes. Le développement à la base est perçu comme une condition nécessaire au développement, car c’est un développement centré sur les besoins fondamentaux des populations et sur leur propre capacité d’organisation. Le développement à la base et l’approche participative sont deux notions à la mode chez les opérateurs du développement. Les opérateurs voient dans l’approche participative un mode d’intervention nouveau répondant aux préoccupations réelles des populations et capable de promouvoir le développement à la base. Les projets de développement doivent être conçus et exécutés par les collectivités de base, notamment par les villages. Le but visé est l’implication d’un nombre significatif de personnes dans des actions visant leur bien-être. La participation populaire suppose que des conditions morales et sociologiques soient réunies à l’échelle individuelle et collective. Tout d’abord, les besoins sont à exprimer par les populations qui doivent manifester leurs centres d’intérêts et envisager concrètement des initiatives locales. En second lieu, les populations doivent adhérer totalement à l’initiative collective, être physiquement présentes et moralement engagées tout au long de la réalisation du projet. Enfin, l’adhésion doit se traduire par un certain degré d’organisation de la communauté locale. La réussite du projet nécessite, de la part de l’encadrement, une réelle intégration et une grande disponibilité des agents chargés de la mobilisation. La participation n’est réellement effective que lorsque la mobilisation et l’engagement des populations sont spontanés et que toute la communauté villageoise est impliquée totalement dans le processus de développement à long terme, sans intervention extérieure. Les visites effectuées sur les sites de nombreux projets et les conclusions des missions d’évaluation permettent d’affirmer que lorsque ces conditions ne sont pas réunies, on assiste à certaines formes de participation très préjudiciables à la bonne marche des activités de développement. Schématiquement on peut distinguer trois cas de figure : – La participation formelle où les populations aux quelles sont destinées les réalisations, se présentent sur les sites pour la forme, sans se sentir réellement concernées par la réussite des opérations. – La participation imposée qui correspond à une mobilisation effective mais réalisée sous la contrainte où les populations craignent les représailles ou les sanctions de l’administration. – La participation provoquée où l’initiative vient généralement de l’extérieur mais se traduit néanmoins par un engagement volontaire et responsable des populations. Les conditions d’une participation volontaire des populations ne sont malheureusement pas remplies dans de nombreux projets et actions de développement. Sur le terrain, l’approche participative se heurte à des facteurs limitant considérablement son impact sur les populations.
  • Premier facteur : La participation de celles-ci est perçue, du point de vue des opérateurs de développement, comme un apport nécessaire pour les seules phases des projets qui ne demandent qu’une utilisation de main-d’œuvre. Le plus souvent, c’est l’intervention physique qui est sollicitée. Un grand nombre de projets ne sollicitent les populations qu’aux stades d’identification des besoins et surtout d’exécution des opérations. Peu de projets associent les populations dès les stades de la conception, du diagnostic, des phases de suivi des opérations et d’évaluation du projet.
  • Deuxième facteur : Des divergences, quant à la forme d’incitation pour une mobilisation massive des populations, existent entre les opérateurs de développement. Certains projets privilégient la distribution gratuite de vivres, d’autres affectionnent les dons de vivres en échange de travail. Il arrive même dans certains cas qu’une mobilisation soit monnayée en échange de numéraire. Il arrive que dans une même zone, pour des actions similaires, plusieurs projets mobilisent des populations avec des moyens différents. Cette situation engendre la méfiance des populations qui ont tendance à comparer les avantages de tel ou tel projet avant de s’engager dans une opération.
  • Troisième facteur : la participation des populations reste tributaire d’une série d’obstacles sociologiques et culturels parmi lesquels le caractère autoritaire et centralisateur des comités de gestion des projets ou les conflits internes à certaines communautés, les conflits entre cadres de terrain et autorités locales, le poids de la tradition, le statut particulier de certains acteurs privilégiés comme les jeunes et les femmes, les effets pervers de l’aide alimentaire ou, enfin, le problème de gestion et de la formation.
Il y a lieu de redéfinir ici les rôles des différents acteurs partenaires en ayant comme objectifs prioritaires : – une réelle volonté politique de décentralisation des organes de décision et de gestion des programmes destinés aux populations, – une réelle volonté de transfert de compétence dans un souci d’octroyer une véritable autonomie aux organisations de base et une réelle volonté politique de mise en cause des privilèges exorbitants réservés dans les projets aux partenaires extérieurs notamment les experts, les cadres, les consultants ou les responsables de projets. En conclusion, il faut insister sur le fait que ces trois approches sont étroitement liées. De nombreuses ONG l’ont compris et intègrent dans leur démarche ces notions du développement. Malheureusement, les acteurs dominants, FMI et Banque Mondiale, qui imposent des mesures politiques aux gouvernements du Sud, envisagent uniquement le modèle universel et linéaire du développement.

 

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