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Aux éditions Actes Sud

La méthode de la Méthode : concentré de la recherche, de la pensée et de l’œuvre de la vie d’Edgard Morin

Un ouvrage lauréat du 3ème Prix “Littérature et Nature” du Fonds culturel de l'Ermitage

En 1977, Edgar Morin publie le premier volume d’une série qui allait devenir l’œuvre maîtresse de sa vie de chercheur, La Méthode, dont la parution en 6 tomes va s’étaler sur une trentaine d’années. L’instigateur de la pensée complexe défie les classements disciplinaires afin d’affronter nos problèmes fondamentaux et globaux. Il élabore une méthode qui relie les connaissances et opère dans le même mouvement une réforme de la pensée et une refondation de l’humanisme. Martine Boulart, Présidente du Fonds culturel de l’Ermitage, qui a nommé à l’unanimité Edgar Morin lauréat du 3ème Prix “Littérature et Nature”, nous partage sa connaissance de cet humaniste centenaire.

Ce que personne ne sait, c’est qu’en 1983, Edgar Morin perd le manuscrit de ce qui devait alors constituer le 3ème et dernier tome de la série. Ses multiples expériences existentielles et intellectuelles ont entre-temps créé de nouvelles arborescences, des ramifications éducatives, sociologiques et politiques qui permettent à la pensée complexe, dont il est l’instigateur, de se concrétiser et de s’épanouir. Malgré la perte de ce manuscrit, l’aventure de La Méthode se poursuit donc jusqu’au début du 21ème siècle.

Défiant les classements disciplinaires, La Méthode est une œuvre-monde. Afin d’affronter nos problèmes fondamentaux et globaux, elle élabore une méthode qui relie les connaissances et elle opère dans le même mouvement une réforme de la pensée et une refondation de l’humanisme. C’est lorsqu’il pense mettre un point final à la série en 2006 avec la parution du tome 6 (Ethique) qu’Edgar Morin retrouve le manuscrit perdu qu’il va mettre 20 ans à reprendre et à aboutir. Le présent texte ne remplace donc pas les volumes 3 à 6 qui ont suivi mais les annonce et, en quelque sorte, les mûrit.

  • Tome 1 : La Nature de la Nature aux éditions du Seuil, 1977
  • Tome 2 : La Vie de la Vie aux éditions du Seuil, 1980
  • Tome 3 : La Connaissance de la Connaissance aux éditions du Seuil, 1986
  • Tome 4 : Les Idées aux éditions du Seuil, 1991
  • Tome 5 : L’Humanité de l’Humanité aux éditions du Seuil, 2001
  • Tome 6 : Éthique aux éditions du Seuil, 2006
  • Tome 7 : La méthode de La Méthode aux éditions Actes Sud, 2024

“Ce livre n’est pas un fragment retrouvé, c’est la pensée à son stade d’ébullition conclusive, non seulement récapitulatrice, mais surtout organisatrice qui s’y trouve. Je n’ai jamais depuis ressenti un tel élan dans un état quasi chamanique. C’est pour moi une joie immense que de savoir que le concentré de la recherche, de la pensée et de l’oeuvre de ma vie va se trouver offert à la lecture grâce aux éditions Actes Sud.”

Edgard Morin

Edgar Morin

“Nous avons besoin d’une méthode de connaissance qui traduise la complexité du réel, reconnaisse l’existence des êtres, approche le mystère des choses.”

Edgard Morin

Sommaire, avant-propos et introduction

Edgard Morin, par Martine Boulart, Présidente du Fonds culturel de l’Ermitage

Edgar Morin m’inspire depuis plusieurs décennies, je me sens sa fille spirituelle, adepte de la pensée complexe ou tout est relié et interdépendant dans un esprit de transdisciplinarité, de la pensée constructiviste ou nature et culture s’enrichissent sans cesse, de la philosophie bouddhiste ou Yin et Yang se complètent, du taoïsme ou l’esprit de la vallée recueillent les eaux des différents courants … J’adore son coté autodidacte qui, comme Marguerite Yourcenar, n’a pas besoin de se soumettre à un professeur pour réfléchir, sa tendresse pour la vie et son regard malicieux sur le monde, sa compréhension de la nature qui s’auto organisme et qui contient en son cœur l’émergence du sujet, son désir de comprendre l’action de l’homme dans la nature, ou l’intelligence procède de la contextualisation, son besoin de repenser l’éducation pour replacer l’humain au cœur d’une communauté de destin et sa croyance que le pire n’est jamais certain …

Martine Renaud Boulart


Edgar Nahoum, dit Edgar Morin, né le 8 juillet 1921 à Paris 9, est un sociologue et philosophe français, antifasciste et résistant.

Biographie

Edgar Nahoum naît à Paris en 1921. Ses parents, Vidal Nahoum et Luna née Beressi, Juifs originaires de Salonique de lointaine ascendance italienne, sont commerçants. Il grandit dans un environnement non pratiquant, sa famille étant « moderne et laïcisée depuis trois générations ». Fils unique, il perd sa mère peu avant l’âge de dix ans. Fait naturellement très important de sa vie, la mort précoce de sa mère est liée au fait qu’elle avait dès 1917 une lésion du cœur à cause de laquelle on lui avait en principe interdit d’avoir un enfant, pensant qu’elle ne survivrait pas à l’accouchement.

Militant antifasciste en Espagne
puis résistant communiste en France

En 1936, pendant la guerre d’Espagne, son premier acte politique est d’intégrer une organisation libertaire, Solidarité internationale antifasciste, pour préparer des colis à destination de l’Espagne républicaine. Il entre en 1942 dans la Résistance communiste au sein des Forces unies de la jeunesse patriotique. Il intègre ensuite le mouvement de Michel Cailliau, le MRPGD (Mouvement de résistance des prisonniers de guerre et déportés). En 1943, il est commandant dans les Forces françaises combattantes et est homologué comme lieutenant. Son mouvement fusionne avec celui de François Mitterrand, il devient le MNPGD (Mouvement national des prisonniers de guerre et déportés).

Il adopte alors le pseudonyme de Morin (l’anecdote veut que, lors d’une réunion de résistants à Toulouse, le jeune Edgar Nahoum s’est présenté sous le nom d’Edgar Magnin, en référence au personnage de Malraux dans L’Espoir. Mais une camarade avait compris « Morin » et il n’avait pas cherché à rectifier.)

Il devient attaché à l’état-major de la 1re Armée française en Allemagne (1945), puis chef du bureau « Propagande » dans le Gouvernement militaire français (1946). À la Libération, il écrit L’An zéro de l’Allemagne où il dresse un état des lieux de l’Allemagne, insistant sur l’état mental du peuple vaincu, en état de « somnambulisme », en proie à la faim et aux rumeurs. Ce livre arrive au moment du tournant communiste, où après la stigmatisation de la culpabilité allemande, Staline déclare qu’Hitler passe et que le peuple allemand reste.

Maurice Thorez l’invite à écrire dans l’hebdomadaire Les Lettres françaises. Il demande au philosophe Martin Heidegger, dont il reprend le concept d’ère planétaire, un texte pour la revue Fontaine de Max-Pol Fouchet, et le N° 54 de l’été 1946 (L’hymne « Tel qu’en un jour de fête », sur un poème d’Hölderlin, traduit par Joseph Rovan).

Membre du Parti communiste français depuis 1941, il s’en éloigne à partir de 1949 et en est exclu en 1951, pour avoir écrit un article dans le journal France Observateur. « Ce fut comme un chagrin d’enfant, énorme et très court », dira-t-il.

Études :

Comme il l’indique dans un entretien pour la revue CNRS Le Journal, il est avant tout autodidacte, titulaire d’une licence en histoire et géographie et d’une licence de droit. Il indique avoir suivi des cours de philosophie, d’économie et de sciences-politiques, disciplines pour lesquelles il n’a pas obtenu de diplômes. Il indique par ailleurs : « J’ai pourtant fait une carrière au CNRS. J’ai été élu maître de recherche sans avoir écrit de thèse de doctorat »

Compagnon de route du Parti communiste de 1942 à 1951
puis indépendant de tout parti :

Dans un article en anglais intitulé « L’honneur de la vérité » et détaillant ses relations avec le Parti communiste français, Edgar Morin indique ainsi les circonstances de son engagement en 1942 : « j’étais un communiste de guerre, c’est-à-dire que j’étais entré en résistance au moment de la première résistance de Moscou, de la première contre-offensive et de Pearl Harbour, une période où, avant Stalingrad, un espoir était possible ». Il est alors proche de nombreux intellectuels « compagnons de route » de ce parti comme Georges Friedmann ou Jean-Paul Sartre. Selon sa notice dans le Maitron, « Edgar Morin fut exclu en 1951».

Depuis 1951, il est en revanche indépendant de tout parti politique, tout en se considérant de
gauche, comme l’attestent les déclarations qu’il a exprimées au terme de la brève expérience de gestion socialiste sous la direction de Jospin. Dans un long texte de 1993 prenant de grandes distances avec « la conception marxienne de la société », tout comme avec les diverses conceptions du socialisme, tant « soviétique » que « social-démocrate », il conclut en effet en soulignant l’écart considérable résidant entre la « gestion socialiste » des affaires du monde avec les ambitions auxquelles il était nécessaire de s’atteler aujourd’hui : « Civiliser la terre, transformer l’espèce humaine en humanité, devient l’objectif fondamental et global de toute politique aspirant non seulement à un progrès, mais à la survie de l’humanité. Il est dérisoire que les socialistes, frappés de myopie, cherchent à moderniser, social- démocratiser, alors que le monde, l’Europe, la France sont affrontés aux problèmes gigantesques de la fin des Temps modernes ».

Carrière :

Avec l’appui de Maurice Merleau-Ponty, de Vladimir Jankélévitch et de Pierre George, il entre en 1950 au CNRS et fait partie du Centre d’études sociologiques dirigé par Georges Friedmann.

Edgar Morin est à l’origine de plusieurs revues : Arguments (1956-1962), la Revue française de sociologie (1960) et Communications.

En 1965, il conduit une étude transdisciplinaire, au sein d’une vaste recherche de la DGRST, mobilisant de multiples disciplines, sur une commune en Bretagne, publiée sous le nom de La Métamorphose de Plodémet (1967), sur la commune de Plozévet (Finistère) où il séjourne près d’un an. Ce fut un des premiers essais d’ethnologie dans la société française contemporaine.

Il s’intéresse très vite aux pratiques culturelles, qui sont encore émergentes et mal considérées par les intellectuels : L’Esprit du temps (1960), La Rumeur d’Orléans (1969). Il cofonde la revue Arguments en 1956. Il dirige le CECMAS (Centre d’études des communications de masse) de 1973 à 1989, qui publie des recherches sur la télévision, la chanson dans la revue Communications.

Durant les années 1960, il part près de deux ans en Amérique latine où il enseigne à la Faculté latino-américaine des sciences sociales de Santiago du Chili. En 1969, il est invité à l’Institut Salk de San Diego. Il y retrouve Jacques Monod, l’auteur de Le Hasard et la Nécessité et conçoit les fondements de la pensée complexe et de ce qui deviendra sa Méthode.

Directeur de recherche émérite au CNRS depuis 1993, Edgar Morin est docteur honoris causa de plusieurs universités à travers le monde. Son travail exerce une forte influence sur la réflexion contemporaine, notamment dans le monde méditerranéen, en Amérique latine et jusqu’en Chine, Corée, Japon. Il crée et préside l’Association pour la pensée complexe (APC).

Morin a écrit plusieurs ouvrages revenant sur son passé, dont Autocritique en 1959, Vidal et les siens en 1989, Itinérance en 2006, Mon chemin en 2008 et Les souvenirs viennent à ma rencontre en 2019.

Vie familiale :

En 1946, au sortir de la Deuxième Guerre Mondiale, il épouse la philosophe Violette Chapellaubeau (Hautefort, Dordogne, 4 août 1917 – Paris, 2 décembre 2003), rencontrée pendant cette guerre, en 1940, à Toulouse (où les deux jeunes étudiants avaient fui et où elle était une étudiante résistante en philosophie et sociologie également) lors d’un cours de philosophie sur Vladimir Jankélévitch, mais remariée en 1969 avec Pierre Naville, veuf la même année de Denise née Kahn, en optant cependant pour le nom d’usage de Naville-Morin.

Ils avaient eu deux filles, la sociologue Irène Nahoum-Léothaud (en 1947) et l’anthropologue Véronique Nahoum-Grappe (en 1948). En 1970, il épouse Johanne Harrelle, sa compagne depuis 1964, dont il divorce en restant son ami jusqu’à ce qu’elle meure en 1994. En 1982, il épouse Edwige Lannegrace, dont il est veuf en 2008.

Depuis 2012, pour la troisième fois, il est marié à la sociologue marocaine naturalisée française Sabah Abouessalam née le 13 avril 1959 à Marrakech, avec qui il a notamment rédigé le livre L’homme est faible devant la femme (Presses de la Renaissance, 2013), puis en 2020 Changeons de voie – Les leçons du coronavirus (Denoël, 2020). En 2013, Sabah Abouessalam a aussi essayé avec lui de réhabiliter une ferme écologique propriété de sa famille dans la région de Marrakech en s’inspirant de l’agro-écologie de Pierre Rabhi

Prises de position

Edgar Morin affirme un point de vue « d’incroyant radical ». Il est membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la décennie de la culture de paix et de non-violence. Il apprécie, à cet égard, le bouddhisme qui est une religion sans dieu.

Il s’intéresse de plus en plus au processus de la mondialisation où « le vaisseau spatial terre est
propulsé par trois moteurs couplés science/technique/économie, mais est dépourvu de pilote
.

Cela prépare deux avenirs antagonistes, l’un de catastrophes (dégradation de la biosphère, multiplication des armes nucléaires, économie soumise à la spéculation financière, crise des civilisations traditionnelles et crise de la civilisation occidentale, multiplication des conflits et des fanatismes), l’autre de « transhumanisme » permettant de retarder la mort sans vieillir et de confier aux robots toutes les tâches ennuyeuses et pénibles.

Mais cette dernière perspective d’homme augmenté, purement quantitative, ignore la nécessité d’un énorme progrès moral et intellectuel pour éviter les catastrophes et ne pas soumettre l’humanité à une algorithmisation qui la robotiserait »

En 2002, il participe à la fondation du Collegium international éthique, politique et scientifique, sous la présidence de Milan Kučan, président de la République de Slovénie, et dont Sacha Goldmann, Michel Rocard, puis Stéphane Hessel, furent successivement secrétaires généraux, avec l’ambition de convaincre les nations et l’ONU d’œuvrer à une coopération internationale pour trouver les réponses éthiques et appropriées qu’attendent les peuples du monde face aux nouveaux défis de notre temps.

Il participe à la création en mars 2012 du collectif Roosevelt avec l’aide de Stéphane Hessel, Michel Rocard et de nombreux intellectuels et personnalités publiques de la société civile et politique. Ce collectif présente quinze propositions pour éviter un effondrement économique, élaborer une nouvelle société, lutter contre le chômage endémique et créer une Europe démocratique.

En 2013, il soutient publiquement le chef Raoni dans son combat contre le barrage de Belo Monte. Il participe avec ce dernier et de nombreux autres intellectuels, juristes et politiques au lancement d’un tribunal moral pour les crimes contre la nature et le futur de l’humanité, lors de la Conférence « Rio+20 ». En 2013, il s’associe avec la tribune publiée par le mouvement End ecocide in Europe et cosignée par douze autres intellectuels, soutenant l’initiative citoyenne européenne « Arrêtons l’écocide en Europe ».

En 2019, il déclare que c’est le pouvoir de l’argent qui est à l’origine de la dégradation de l’écologie.

Le 2 juillet 2015, il fait partie des premiers signataires, avec d’autres personnalités, d’une pétition demandant que la France accueille Edward Snowden et Julian Assange, à la suite de la lettre ouverte de ce dernier au président de la République François Hollande.

Prenant position en 2002 sur le conflit israélo-palestinien, il considère que « les juifs d’Israël, descendants des victimes d’un apartheid nommé ghetto, ghettoïsent les Palestiniens. On a peine à imaginer qu’une nation de fugitifs, issue du peuple le plus persécuté de l’histoire de l’humanité soit capable de se transformer, en deux générations à l’exception d’une admirable minorité, en peuple méprisant ayant satisfaction à humilier »

Le sociologue pense qu’il y a eu, de 2018 à 2020, de fortes interactions entre le déchaînement de l’anti-islamisme et la recrudescence de l’ancien antisémitisme, celui-ci étant lié à un nouvel anti-judaïsme issu de la politique d’Israël et répandu dans le monde arabe.

Toutefois, selon lui, l’accusation d’antisémitisme demeure brandie de façon intempérante et indue par les défenseurs intégristes de la politique colonisatrice israélienne face à toute critique de cette politique.

En 2018, il qualifie l’encyclique Laudato si’ du pape François de texte providentiel, d’acte 1 d’un appel pour une nouvelle civilisation, reprenant la formule de Mikhaïl Gorbatchev de « maison commune », qu’il compare à sa formulation d’une vue complexe

La pensée qui relie

Edgar Morin utilise le terme de « reliance » pour indiquer le besoin de relier ce qui a été séparé, disjoint, morcelé, détaillé, compartimenté, classé, trié… en disciplines, écoles de pensée…

Il aime aussi envisager les choses dans une combinaison de confrontation, complémentarité,
concurrence, coopération
, les quatre en étroite synergie dynamique.

Il prône l’attitude d’ouverture. Il aime à dire qu’il est animé par un certain « esprit de la vallée », en référence au Tao. L’esprit de la vallée recueille les « eaux » qui viennent de différents versants.

Il a avancé sept principes-guides pour une pensée qui relie, principes qui sont complémentaires et interdépendants.

  • 1 – Le principe d’auto-éco-organisation : Les choses vivantes sont des systèmes auto-organisateurs qui sans cesse s’auto-produisent et par là-même dépensent de l’énergie pour entretenir leur autonomie et doivent donc puiser de l’énergie dans leur milieu, dont elles dépendent pour être autonomes
  • 2 – Le principe systémique ou organisationnel : L’idée systémique est à l’opposé de l’idée réductionniste car « le tout est plus que la somme des parties ». Les émergences, qualités ou propriétés nouvelles apparaissent dans l’organisation d’un nouveau produit que les composants ne possédaient pas. « Le tout est moins que la somme des parties » également car certaines qualités des composants sont inhibées par l’organisation de l’ensemble
  • 3 – Le principe hologrammatique : Chaque cellule est une partie d’un tout — l’organisme global —, mais le tout est lui-même dans la partie : la totalité du patrimoine génétique est présente dans chaque cellule individuelle, la société est présente dans chaque individu-citoyen, en tant que tout, à travers son langage, sa culture, ses normes
  • 4 – Le principe de boucle rétroactive : « L’effet agit sur la cause » referme le processus de causalité de linéarité ouverte « la cause agit sur l’effet ». Comme dans un système autonome de chauffage où le thermostat régule le fonctionnement. Comme l’homéostasie des organismes vivants
  • 5 – Le principe de boucle récursive : C’est une boucle génératrice dans laquelle les produits et les effets sont eux-mêmes producteurs et causateurs de ce qui les produit. Chaque être vivant est produit et producteur dans le système de reproduction. Les individus produisent la société dans et par leurs interactions, et la société, en tant que tout émergeant, produit l’humanité des individus en leur
    apportant le langage et la culture
  • 6 – Le principe dialogique : Relation complexe entre deux entités ou instances concurrentes et antagonistes, qui sont en même temps complémentaires. Elles se nourrissent l’une de l’autre, tout en s’opposant et se combattant. Edgar Morin utilise la métaphore du yin yang. Exemples : « autonomie / dépendance », « passion / raison », « égocentrisme / Altruisme », « individu / société / espèce » dialogiques présentes en chaque être humain, « ordre / désordre / interactions / organisation » (présente dès la naissance de l’Univers)
  • 7 – Le principe de réintroduction du connaissant dans toute connaissance : Tout objet-machine, tout objet-processus inventés contient du « sujet » qui les a conçus. De la perception à la théorie scientifique, toute connaissance est une reconstruction / traduction pour un esprit / cerveau dans une culture et un temps donnés.« L’humanisme ne saurait plus être porteur de l’orgueilleuse volonté de dominer l’Univers. Il devient essentiellement celui de la solidarité entre humains, laquelle implique une relation ombilicale avec la nature et le cosmos. »

La pensée complexe :

Ce concept, dont la première formulation se trouve dans le livre Science avec conscience (1982), exprime une forme de pensée acceptant les imbrications de chaque domaine de la pensée et la transdisciplinarité. Le terme de complexité est pris au sens de son étymologie « complexus » qui signifie « ce qui est tissé ensemble » dans un enchevêtrement d’entrelacements (plexus).

Le Paradigme perdu :

En septembre 1972, au Centre international d’études bioanthropologiques et d’anthropologie fondamentale (CIEBAF) devenu ensuite le Centre Royaumont pour une science de l’homme, Edgar Morin co-organise le colloque international L’Unité de l’Homme, avec Jacques Monod et Massimo Piatelli-Palmarini. Sa communication, Le Paradigme perdu : la nature humaine, transformée et enrichie, deviendra un livre qui paraîtra l’année suivante. Il y est dit que nature et culture sont indissociables l’une de l’autre, chacune produisant l’autre dans une boucle récursive permanente.

Ont été réunis des biologistes, anthropologues, sociologues, mathématiciens, cybernéticiens afin de faire se rapprocher (reliance) les points de vue, les oppositions et les options fondamentales des spécialités et de leurs épistémologies. Un ouvrage en trois tomes réunit les contributions des participants au colloque:

  • T1 : Le primate et l’homme ;
  • T2 : Le cerveau humain ;
  • T3 : Pour une anthropologie fondamentale.

La Méthode

La Méthode est l’œuvre majeure d’Edgar Morin. Comprenant six volumes au total (qui peuvent être lus dans le désordre), on pourrait la qualifier d’encyclopédie (qui met en cycle les savoirs) : la méthode y est déroulée de façon cyclique, pour ne pas dire répétitive, s’appliquant à de nombreuses notions dont certaines sont reprises ci-après.

Le premier tome, intitulé La Nature de la nature, où sont traités les concepts d’ordre et de désordre, de système, d’information, etc. du monde physique.

Le second, intitulé La Vie de la vie, aborde le vivant, la biologie.

Les troisième et quatrième tomes abordent le thème de la connaissance.

Le troisième est intitulé La Connaissance de la connaissance. Il aborde la connaissance du
point de vue anthropologique. Il y ouvre le chantier de l’épistémologie complexe.

Le quatrième tome de La Méthode, Les Idées, d’après les mots d’Edgar Morin, « pourrait aussi en être le premier ». En effet, « il constitue l’introduction la plus aisée à « la connaissance de la connaissance » et de façon inséparable au problème et à la nécessité d’une pensée complexe ». Il complète l’œuvre épistémologique du troisième tome en abordant la connaissance du point de vue collectif ou sociétal (« l’organisation des idées »), puis au niveau de la « vie des idées », qu’il appelle la noologie. Il traite en particulier dans un dernier chapitre des notions philosophiques de langage, de logique et de paradigme, auxquelles il applique sa méthode.

Dans une note de lecture, Jean-Louis Le Moigne souligne l’importance du dernier chapitre de ce tome 4 qu’Edgar Morin consacre à « la Paradigmatologie » : « encore un néologisme nouveau, dira-t-on ? Sans doute, mais il me semble si fécond pour nous permettre d’entendre la richesse de l’univers pensable sans commencer par l’appauvrir en la simplifiant ». Jean-Louis Le Moigne cite pour conclure Edgar Morin : « Nous en sommes au préliminaire dans la constitution d’un paradigme de complexité lui-même nécessaire à la constitution d’une paradigmatologie. Il s’agit non de la tâche individuelle d’un penseur mais de l’œuvre historique d’une convergence de pensées. » Selon les mots de Morin, la paradigmatologie est « le niveau qui contrôle tous les discours qui se font sous son emprise et qui oblige les discours à obéir ».

Le cinquième tome (L’Humanité de l’humanité, L’Identité humaine) est consacré à la question de la trinité humaine : Individu – Société – Espèce.

La Méthode se termine par un sixième tome intitulé Éthique, qui envisage les incertitudes et les contradictions éthiques et prône une éthique de la compréhension.

Conscience planétaire et politique de civilisation :

Avec Terre-Patrie, écrit en 1993, (avec Anne-Brigitte Kern), Edgar Morin en appelle à une « prise de conscience de la communauté du destin terrestre », véritable conscience planétaire : « C’est en Californie, en 1969-1970, que des amis scientifiques de l’université de Berkeley m’ont éveillé la conscience écologique », rapporte-t-il, avant de s’alarmer : « Trois décennies plus tard, après l’assèchement de la mer d’Aral, la pollution du lac Baïkal, les pluies acides, la catastrophe de Tchernobyl, la contamination des nappes phréatiques, le trou d’ozone dans l’Antarctique, l’ouragan Katrina à La Nouvelle-Orléans, l’urgence est plus grande que jamais ».

En 2007, il est l’auteur de L’An I de l’ère écologique : la Terre dépend de l’homme qui dépend de la Terre. Le livre comporte un dialogue avec Nicolas Hulot. Cette conscience doit s’accompagner pour Edgar Morin d’une nouvelle « politique de civilisation », pour sortir de cet « âge de fer planétaire… préhistoire de l’esprit humain »

La politique de civilisation, explique Edgar Morin, « vise à remettre l’homme au centre de la politique, en tant que fin et moyen, et à promouvoir le bien-vivre au lieu du bien- être »

L’économiste Henri Bartoli appelle d’ailleurs à replacer l’homme au centre de l’économie (l’économie doit être au service de la vie et non l’inverse). Plus concrètement, partant du constat que la civilisation moderne génère souvent mal-être profond et individualisme, il propose de s’attacher « à régénérer les cités, à réanimer les solidarités, à susciter ou ressusciter des convivialités, à régénérer l’éducation ».

L’expression « politique de civilisation » a été reprise par le président de la République française Nicolas Sarkozy, lors de ses vœux du 31 décembre 2007. Edgar Morin s’est montré très nuancé quant à cette utilisation du concept : « Je ne peux exclure que M. Sarkozy réoriente sa politique dans ce sens, mais il ne l’a pas montré jusqu’à présent et n’en donne aucun signe. » « J’ai deux désaccords très importants avec Sarkozy : sur la politique extérieure, où je vois un alignement sur Bush et sur l’intérieur et la politique inhumaine envers les immigrés. Pour le reste, il y a une marge d’incertitude et il peut évoluer Le chef de l’État est un personnage plastique, en mouvement. Il n’a pas encore pris conscience du caractère radical d’une politique de civilisation. »

Les Sept Savoirs nécessaires à l’éducation du futur :

Edgar Morin, dans son avant-propos, classe cet opus comme l’ultime d’une trilogie :

  • La tête bien faite. Repenser la réforme, réformer la pensée, 1999 ;
  • Relier les connaissances, 1999 ;
  • Les Sept Savoirs nécessaires à l’éducation du futur, 2000.

Il y dégage les sept thèmes qui doivent devenir fondamentaux dans les enseignements.

Penser la crise : l’abîme ou la métamorphose ?

La réflexion d’Edgar Morin plonge au cœur des mouvements de l’histoire, faite de sauts et de soubresauts, loin de l’idée de progrès linéaire, comme il l’explique à un journaliste de Sciences humaines au cours d’une conférence de décembre 2008: « La réflexion sur le monde d’aujourd’hui ne peut s’émanciper d’une réflexion sur l’histoire universelle. Les périodes calmes et de prospérité ne sont que des parenthèses de l’histoire. Tous les grands empires et civilisations se sont crus immortels – les empires mésopotamien, égyptien, romain, perse, ottoman, maya, aztèque, inca… Et tous ont disparu et ont été engloutis. Voilà ce qu’est l’histoire : des émergences et des effondrements, des périodes calmes et des cataclysmes, des bifurcations, des tourbillons des émergences inattendues. » Et parfois, ajoutera-il à la fin de sa
conférence :

« Au sein même des périodes noires, des graines d’espoir surgissent. Apprendre à penser cela, voilà l’esprit de la complexité. »

Bibliographie : La méthode de la méthode

Selon Edgar Morin, pour comprendre le monde, il faut associer les principes antagonistes d’ordre et de désordre, en y adjoignant celui d’organisation. Reprenant les idées d’Héraclite et de Weaver, Morin oppose la complexité désorganisée et la complexité organisée.

« La complexité s’impose d’abord comme une impossibilité de simplifier, elle surgit là où l’unité complexe produit ses émergences… La complexité n’est pas la complication ». Ce qui est compliqué peut se réduire à un principe simple comme un écheveau embrouillé ou un nœud de marin.

Comment se développe l’intelligence ? Une pensée incapable d’envisager le contexte et le complexe planétaire rend aveugle et irresponsable, l’intelligence doit non seulement découper, cloisonner et isoler, mais aussi relier et recomposer. On peut dire que la connaissance progresse principalement par capacité à contextualiser et à globaliser.

C’est une œuvre monde qui refonde l’humanisme en élaborant une méthode pour s’approcher du mystère des choses … Nous le savons bien … Mais il faut faire un gros effort théorique pour persévérer dans cette démarche !

Comment j’ai utilisé la psychologie systémique en entreprise dans le cadre de mon programme de leadership à HEC :

La méthode :

  • Définir clairement le problème en termes concrets.
  • Examiner les solutions déjà essayées
  • Définir clairement l’objectif de changement auquel on veut aboutir Formuler et mettre en œuvre un projet pour effectuer ce changement

Les outils d’intervention systémique :

  • La dissociation, la méta position
  • La métaphore
  • Le fantasme du pire …
  • La question miracle, la technique du « comme si »
  • La définition d’objectif
  • Le recadrage
  • La prescription du symptôme et des résistances
  • L’alternance illusoire
  • L’injonction paradoxale.
  • La recherche des exceptions

LE FONDS CULTUREL DE L’ERMITAGE

Mission et réalisations :

Le Fonds de dotation de l’Ermitage, conformément à sa devise inspirée de Léonard de Vinci : « Il sole non vede mai l’ombra », jamais le soleil ne voit l’ombre, reflète des valeurs de résilience et de transformation de l’horreur en beauté.

Ce faisant, elle traduit la dualité de la nature humaine.
Dualité entre nature et culture, éternité et modernité, introspection et action, ordre et chaos… Toute grande œuvre d’art questionne et exprime un mystère, le mystère d’un cosmos harmonieux, comme le soulignait les grecs.

Historique :

Le Fonds culturel de l’Ermitage, créé par Martine Boulart, parrainé par le Ministère de la Culture et inauguré par Jack Lang le 15 septembre 2014, a pour objet de mettre en évidence des travaux d’artistes de culture française et citoyens du monde, de toutes disciplines engagées sur des valeurs d’humanisme et pour la sauvegarde de la planète.

Il a également pour objet de contribuer à la recherche de nouvelles voies de création artistique qui sortent des sentiers battus par les modes post-duchampistes et par les excès de la domination financière du marché de l’art.

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Cyrille Souche
Cyrille Souchehttp://cdurable.info
Directeur de la Publication Cdurable.info depuis 2005. Cdurable.info a eu 18 ans en 2023 ... L'occasion d'un nouveau départ vers un webmedia coopératif d'intérêt collectif pour recenser et partager les solutions utiles et durables pour agir et coopérer avec le vivant ...

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