À l’approche des vacances, le sénateur de l’Aude, Roland Courteau, attire l’attention sur la situation préoccupante de la flore et de la faune méditerranéennes. Dans un rapport de l’Opecst (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques) qui passe en revue tous les types de pollution, il interpelle les usagers sur les dégâts que provoquent sur l’environnement les plastiques, sacs, bouteilles, filtres de cigarettes et autres menus objets rejetés par inadvertance ou négligence à l’eau, dans une mer fermée comme la Méditerranée qui met un siècle à se renouveler.
« La Méditerranée est dans une situation préoccupante. Si l’on veut continuer à voir “danser la mer le long des golfes clairs”, la communauté internationale doit réagir » a déclaré le sénateur, en présentant hier son rapport de 300 pages intitulé « Pollution en Méditerranée : état actuel, et perspectives à l’horizon 2030 », le fruit « de quelque deux cents auditions de scientifiques français et étrangers ». Le caractère « préoccupant » de la situation s’illustre « sur la rive Sud par une prolifération de phosphates et nitrates en raison de l’absence d’usine de retraitement des eaux, ou de leur inefficacité. Sur la rive Nord, on fait face à des pollutions héritées du passé, avec des métaux lourds dans les sédiments des grands fleuves comme le Rhône, l’Ebre ou le Pô », note le sénateur. Au rang des “pollutions émergentes” figurent toutes les molécules pharmaceutiques, tandis que la dispersion des plastiques est pointée comme « un grand fléau » au même titre que le rejet de 100 000 à 200 000 tonnes d’hydrocarbures par des « capitaines voyous des mers ». Alors que 80% de la pollution provient de l’intérieur des terres, la Méditerranée, comme l’ensemble des océans, souffre d’une accumulation de déchets. « La densité des macrodéchets est de 40 pièces au kilomètre carré, mais peut être plus forte aux débouchés des grandes villes », souligne le sénateur qui s’inquiète tout autant des microplastiques. Ces débris minuscules, de l’ordre de 300 micromètres, fixent les polluants, véhiculent les espèces invasives et trompent les animaux, qui les prennent pour du zooplancton et meurent d’occlusion intestinale. Le sénateur insiste aussi sur la multiplication des espèces invasives (on en compte aujourd’hui 925 dont 56% sont pérennes) au détriment des espèces endémiques, la prolifération de toxines dans les parcs à coquillages le long des lagunes, l’accroissement constant du trafic maritime dont le transit est passé en quelques années de 312 à 492 millions de tonnes… Dans tous les domaines, le rapport conclut à « la nécessité de mobiliser la communauté internationale, sinon nous aurons franchi le point de non-retour. »RÉSUMÉ DU RAPPORT
I. LA GÉOGRAPHIE PHYSIQUE ET HUMAINE DES MÉDITERRANÉES La mer Méditerranée est un espace physique très fragmenté. C’est aussi une zone frontière entre deux mondes dont les différences politiques, culturelles et économiques sont très marquées. On doit garder à l’esprit ces deux types de réalités lorsqu’on examine les pollutions du bassin et leurs perspectives d’y porter remède, puisque plus de 80 % de la pollution maritime provient des terres. A. Les données de la géographie physique 1. L’environnement terrestre : La Méditerranée, du fait de son histoire géologique conflictuelle est enserrée par des montagnes et des plateaux. Avec deux conséquences :- Les formations montagneuses les plus élevées sont plutôt situées au nord et à l’est du bassin ; les caractéristiques pluviométriques y sont ainsi plus favorables que sur la rive Sud.
- En matière aérologique, ce relief montagneux facilite les formations de vents violents qui contribuent aux transports de polluants industriels de la rive Nord et du nord de l’Europe vers le sud.
- Une forte croissance urbaine : Entre 1970 et 2000, la population urbaine côtière a progressé de 10 millions d’habitants sur la rive Nord et de 30 millions d’habitants sur les rives Sud et Est. Un autre trait de ce développement urbain est la constitution progressive de mégapoles de dimension européenne (Barcelone, Marseille, Rome, Athènes, Gênes, Naples, Alexandrie) ou mondiale (Le Caire/15-16 millions d’habitants, Istanbul/13-14 millions d’habitants). Mais ceci ne doit pas occulter le fait que les rives de la Méditerranée comprennent également 85 villes dont la population évolue entre 300 000 et un million d’habitants. Pour la seule Turquie, on dénombre 12 villes de plus d’un million d’habitants.
- Un urbanisme spontané : Dans certains pays de la rive Sud, en particulier en Egypte, la croissance urbaine n’est pas contrôlée (même les cimetières sont bâtis au Caire). Ceci complique le déploiement ultérieur d’équipements antipollution.
- un urbanisme littoral démesuré au regard des besoins des populations résidentes ;
- l’augmentation des tensions sur l’utilisation de l’eau qui résulte d’habitudes de consommation très spécifiques (golfs, piscines, usage individuel moins restreint que celui des populations locales), mais aussi de la coïncidence des afflux touristiques avec les périodes d’étiage.
- chimique du fait du stockage incontrôlé de pesticides interdits (polluants organiques persistants) depuis des décennies – dont les installations sont lessivées, en cas de fortes pluies vers les bassins versants, puis vers la mer ;
- physique, du fait de la présence – aux fins d’irrigation – d’une centaine de barrages réservoirs qui bloquent les limons et accroissent l’érosion naturelle des zones côtières.
- passées : Ce sont soit les relargages de PCB et de POP qui reposent dans les sédiments des fleuves, soit les rémanences d’exploitations minières anciennes, soit encore les restes industriels des pays de l’Est (l’Albanie avec un site où l’on retrouve 60 g de mercure par litre d’eau de mer est un cas d’école).
- traditionnelles : Ce sont les apports industriels des 3 grands fleuves de la rive Nord (Pô, Ebre, Rhône) ou les industries de transformations d’hydrocarbures (10 000 tonnes par an de rejets provenant des raffineries en Algérie).
- transférées : Ces pollutions industrielles correspondent à des industries déjà anciennes (textile, engrais, chimie, cimenterie, etc.) mais qui ont été implantées depuis une vingtaine d’années sur la rive Sud. Ces activités industrielles sont assez « sales » et, la plupart du temps, très peu contrôlées.
- d’avenir : Il s’agit de pollutions imputables aux supports matériels de l’économie immatérielle (portables, PC, etc.) dont les habitants de la rive Sud s’équipent progressivement, en l’absence d’une législation et de filières de recyclage ad hoc.
- l’ancienneté de certaines installations ;
- le déport vers le fond de la mer des opérations de traitement des fluides dans les installations les plus modernes.
- sur 21 % de ces molécules, on ne possède aucune donnée,
- sur 65 % très peu de données,
- sur 11 % des informations minimales,
- et seules 3 % ont été totalement testées.
- Les métaux lourds : Dans le Rhône, en Arles et sur les flux particulaires (suivant les métaux, de 2 % à 15 % sont dissous dans l’eau), on aboutit à des annuelles. On doit cependant souligner qu’une partie de cet apport est un écho d’usages anciens, les métaux déposés sur les sédiments pouvant être relargués en fonction de leur localisation et de l’importance des crues. Mais, au total, la teneur en métaux lourds de la Méditerranée n’est pas notablement différente de celle d’autres régions maritimes du monde.
- Les contaminants chimiques traditionnels : La plupart des molécules recherchées appartiennent aux trois groupes identifiés comme toxiques que sont les PCB, les POP et les HAP. Or, comme cela a déjà été souligné, la plupart de ces substances ont deux caractéristiques : une très forte rémanence dans l’environnement due à leur faible biodisponibilité ; une importante faculté de bioaccumulation due à leur solubilité dans les graisses, ce qui explique qu’on les retrouve souvent au sommet de la chaîne alimentaire. Cet héritage explique que, quoique ces produits aient été interdits ou leur usage très limité, ils sont encore présents dans l’environnement marin.
- faute de financements réguliers, un fort pourcentage des stations d’épuration y sont en mauvais état de fonctionnement ;
- beaucoup de ces stations ne sont équipées que pour les traitements primaires ou secondaires sur la base des seuls procédés physicochimiques, ce qui exclut la destruction des nitrates et des phosphates par des procédés biologiques ;
- et, le plus souvent, le littoral est mieux pourvu en STEP que l’intérieur des terres dont la plupart des eaux usées arrivent également à la mer. Au total, la plupart des personnes entendues sur ce point estiment que 60 à 80 % des habitants de la rive Sud du Bassin, soit ne sont pas reliés à des réseaux d’assainissement, soit sont desservis par des systèmes d’épuration incomplets ou au fonctionnement intermittent.
- ce sont des vecteurs des espèces invasives ;
- ils fixent des polluants persistants et les transmettent à la chaîne alimentaire par l’intermédiaire du phytoplancton.
- les accidents mettant en cause des pétroliers ou le pétrole contenu dans les cuves des autres navires,
- les incidents liés aux manoeuvres portuaires,
- et la pollution chronique provenant de rejets volontaires (100 000 à 200 000 tonnes par an suivant les estimations).
- Le dispositif de la Convention de Barcelone : le « Plan d’action Méditerranée » (PAM). Créé en 1976, le PAM gère 10 protocoles de lutte antipollution conclus entre les 21 Etats riverains. Après trente ans d’existence, et malgré ce dispositif conventionnel imposant, le bilan de cet organisme est en demi-teinte. Par exemple, pour la plupart des Etats de la rive Sud et Est, il est très difficile d’avoir des informations fiables sur la pollution des milieux côtiers.
- L’intervention de l’Union européenne : La construction progressive d’un droit convergent de l’environnement reposant principalement sur des directives et dont l’application insuffisante ou la méconnaissance peut être sanctionnée par la Cour de Justice de l’Union a marqué un progrès majeur dans ce domaine Mais l’Union dispose d’autres instruments d’actions et, en particulier : l’Agence européenne de sécurité maritime et la Banque européenne d’investissement (BEI). De 2003 à 2009, la BEI a consacré 1,5 milliard d’euros de prêts à un investissement d’amélioration de l’environnement. Actuellement, l’institution est associée au programme « Horizon 2020 » qui vise à réduire le nombre de « produits chauds » de pollution en Méditerranée. Mais son action, utile, peut être sujette à deux critiques : – comme banquier, elle ne finance que les dossiers les plus achevés techniquement, qui ne sont pas toujours ceux des pays qui nécessitent le plus d’investissement en équipements de lutte contre la pollution ; – elle ne prend pas en considération la vie ultérieure des équipements qu’elle finance (ce qui explique le mauvais état de fonctionnement et de maintenance de certains d’entre eux).
- L’Union pour la Méditerranée (UPM) : Actuellement, l’Union pour la Méditerranée est encalminée. La volonté politique initiale de coopération au co-développement méditerranéen bute sur le problème des territoires occupés par Israël. Il en résulte que même les réunions techniques (par exemple sur l’eau en 2010) ne peuvent déboucher, d’autant plus que les décisions doivent être prises à l’unanimité. Pour relancer l’UPM, il est nécessaire de déconnecter son organisation politique de ses possibilités d’action dans le domaine du développement. Il faut donc créer, sur la base d’un volontariat et d’une règle de majorité qualifiée, une Agence de protection de l’environnement permettant de faire progresser les projets d’équipement dans ce domaine.
- la poursuite de la minéralisation des sols côtiers (équipements, logements) ;
- l’accroissement de la production de déchets (industriels, municipaux, ménagers) ;
- et l’augmentation de la demande annuelle en eau qui passerait de 290 km3 à 332 km3 – avec une progression de 25 % au Sud et à l’Est, alors que ces régions regroupent déjà 60 % de la population mondiale des pays pauvres en eau.
- le développement de milieux propices à la propagation des espèces invasives venues de la Mer Rouge ;
- la diminution des apports en eau douce qui seront aussi plus chargés en polluants.
- le réchauffement de l’eau et la hausse de la salinité ne seront pas uniformes, ni sur tout le bassin, ni à toute profondeur. Ces modifications pourront entraîner une modification de la circulation des courants dont on ne mesure pas les conséquences sur les milieux marins ;
- certains scénarios prévoient une remontée de la couche de mélange des eaux qui est l’endroit où la production de phytoplancton est la plus forte. Cette remontée pourrait menacer le bon fonctionnement de la chaîne alimentaire ;
- l’acidification du milieu marin, dont la progression en Méditerranée est parallèle à celle de l’océan, menace à terme la calcification de très nombreuses espèces (mollusques, crustacés, coraux, …). Ceci d’autant plus que ce phénomène est plus marqué près des côtes et à faible profondeur (là où les biotopes méditerranéens sont les plus riches).
LES PROPOSITIONS
I. UNIFIER LA GOUVERNANCE POLITIQUE DE LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION EN MÉDITERRANÉE II. ACTIVER LES COOPÉRATIONS DE RECHERCHE SUR LES MILIEUX MÉDITERRANÉENS- 1. Créer, en France, une Alliance de recherche sur les milieux marins méditerranéens
- 2. Institutionnaliser la coopération entre les principaux instituts de recherche des pays de la rive Nord
- 3. Parrainer les laboratoires des États des rives Sud et Est
- 1. Éradiquer les relargages de produits interdits depuis des décennies
- 2. Traiter les stocks de pesticides
- 3. Déterminer l’âge des plates formes d’exploitation pétrolière
- 1. Amplifier l’effort de recherche
- 2. Mettre en oeuvre des instruments financiers adaptés aux constantes de temps de l’évolution climatique
- 1. Développer l’utilisation de l’instrument satellitaire
- 2. Uniformiser les systèmes d’information sur le trafic maritime
- 3. Faire appliquer sur l’ensemble du bassin les accords prévoyant l’installation d’équipements d’apurement des eaux de cales et des boues
- 4. Poursuivre les initiatives de normalisation des procédures judiciaires et des sanctions
- 5. Parfaire l’application des accords de coopération en cas de rejets accidentels
- 1. Systématiser les recherches sur l’effet des polluants sur les milieux marins
- 2. Amplifier les recherches sur les polluants émergents
- 3. S’interroger sur les risques de polymérisation de la mer
- 1. En Méditerranée française
- 2. Sur l’ensemble du bassin
Mer méditerranée : rapports, missions scientifiques, l’état des connaissances
– 43 espèces de poissons menacées d’extinction : Plus de 40 espèces de poissons dont près de la moitié des espèces de requins et de raies risquent de disparaître en Méditerranée ces prochaines années, notamment en raison de la surpêche, de la dégradation des habitats marins et de la pollution, selon une étude réalisée pour la liste rouge de l’Union internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Pour en savoir plus, cliquez ici. – La Méditerranée, un joyau menacé selon le programme international Census of Marine Life : On savait déjà que les fonds marins abritent une vie animale et végétale d’une diversité prodigieuse… et d’une grande vulnérabilité. Mais les premiers résultats du programme « Census of Marine Life », publiés lundi 2 août dans la revue PLoS One, en donnent une image d’une ampleur et d’une précision sans précédent. Ce pré-rapport établit notamment que la riche biodiversité de la mer Méditerranée est très fragilisée par l’activité humaine et par l’invasion d’espèces exogènes. Elle serait ainsi une des régions marines les plus menacées de la planète. Explications. Pour en savoir plus, cliquez ici. – Forages gaziers : menace sur la vie marine de la Méditerranée : Alors que dans les Cévennes et un peu partout en France, elles font face à une résistance citoyenne, les sociétés de forage se bousculent dans le Bassin du Levant, en Méditerranée orientale, pour commencer à exploiter les énormes champs de gaz qui y ont été découverts. Les inquiétudes sur les dégâts irréversibles que subirait la biodiversité marine exceptionnelle de cette zone, ainsi que les restrictions légales sur l’exploitation en haute mer, sont ignorées à ce jour. Pour en savoir plus, cliquez ici. – Expédition MED : 1 million de clics pour sauver la Méditerranée de l’invasion plastique. MED comme Méditerranée En Danger. Voici une campagne scientifique et environnementale qui va faire parler d’elle ! Des chercheurs issus d’une dizaine de laboratoires universitaires européens se mobilisent pour mettre en lumière un phénomène alarmant, la présence d’une pollution quasi invisible, susceptible de rentrer dans notre chaine alimentaire : les microfragments de plastiques. En effet, la première série d’analyses des échantillons réalisée par l’IFREMER et l’université de Liège, estiment qu’environ 250 MILLIARDS de microfragments de plastiques contaminent la Méditerranée en surface. La mer Méditerranée est-elle en train de devenir une « soupe de plastique » ingérée par les poissons et même le plancton, base de toute la chaîne alimentaire ? Pour en savoir plus, cliquez ici. – Pollution : des traces de médicaments dans l’eau des rivières et de la Méditerranée. De récentes études démontrent que les stations d’épuration n’éliminent pas les résidus de médicaments contenus dans les eaux usagées, ce qui contribue à la pollution des rivières. Les conséquences de cette pollution sont importantes, des poissons hermaphrodites ou qui changent de sexe, des êtres humains qui résistent aux traitements antibiotiques et, vraisemblablement, d’autres retombées que l’on ne connaît pas encore … Pour en savoir plus, cliquez ici. – 40 entreprises suspendent la commercialisation du thon rouge d’Atlantique et de Méditerranée. Un groupe d’entreprises leaders sur leur marché viennent de signer le manifeste du WWF sur le thon rouge, et s’engagent à l’arrêt de la commercialisation du thon rouge d’Atlantique et de Méditerranée, pour permettre la reconstitution des stocks. Pour en savoir plus, cliquez ici.