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Dossier d'AVICENN

L’étiquetage des nanomatériaux

Association de Veille et d'Information Civique sur les Enjeux des Nanosciences et des Nanotechnologies

Nanotechnologies et nanomatériaux : nous en avons tous entendu parler. Nous savons déjà que leur taille « microscopique » est un atout indéniable pour diffuser les innovations et autres biotechnologies … Mais c’est aussi un réel danger en l’absence de recul car ils peuvent franchir les « barrières » du corps … Alors comment savoir ce qui contient des nanomatériaux ? Quelques produits sont déjà (ou seront bientôt) étiquetés [nano] en Europe : les cosmétiques, depuis juillet 2013 ; les biocides, depuis septembre 2013 ; l’alimentation, à partir de décembre 2014. Pour le reste, malgré les attentes fortes de la société dans ce domaine, le silence des industriels prévaut. De nombreux défis restent à relever. Un dossier de l’équipe Avicenn pour connaitre l’essentiel à savoir sur l’étiquetage des nanos.

L’étiquetage [nano]

Par MD, DL et l’équipe Avicenn – Mars 2014

Cette fiche a vocation à être progressivement complétée et mise à jour avec l’aide des adhérents et veilleurs de l’Avicenn. Vous pouvez vous aussi contribuer à l’améliorer en nous envoyant vos remarques à l’adresse redaction(at)veillenanos.fr.

Quelques produits déjà (ou bientôt) étiquetés [nano] en Europe

L’étiquetage [nano] est (ou sera bientôt) obligatoire en Europe pour trois catégories de produits :

L’étiquetage [nano] des cosmétiques : obligatoire depuis juillet 2013 Le Règlement Cosmétiques exige que les fabricants mentionnent la présence des nanomatériaux dans la liste des ingrédients des cosmétiques : une règle d’étiquetage prévoit que soit indiqué, dans le cas du TiO2 : Titanium dioxyde [nano].
Bien qu’obligatoire depuis juillet 2013, l’étiquetage n’est pas encore généralisé, pour des raisons précisées ici.

L’étiquetage [nano] des biocides : obligatoire depuis septembre 2013 Le Règlement Biocides exige lui aussi que l’étiquette indique la présence de nanomatériaux dans les produits biocides, avec le terme «nano» entre parenthèses.
Il requiert également que soient mentionnés « les risques spécifiques éventuels qui y sont liés » : cette disposition constitue une première, les obligations d’étiquetage prévues par d’autres textes européens étant jusqu’ici limitées à la seule mention du terme « nano ». Reste à voir si et comment elle sera mise en pratique.

L’étiquetage [nano] dans l’alimentation : obligatoire à partir de décembre 2014 Dans l’alimentation, le Règlement INCO prévoit l’obligation d’apposer sur l’étiquette la mention [nano] devant les ingrédients de taille nano à compter de fin 2014, malgré la pression des lobbys industriels et de la Commission européenne pour un allègement de cette obligation.

Des définitions hétérogènes Dans les trois cas, les « nanomatériaux » étiquetés ne sont pas définis de la même façon :
  • le Règlement Cosmétiques1 définit un nanomatériau comme un « matériau insoluble ou bio-persistant, fabriqué intentionnellement et se caractérisant par une ou plusieurs dimensions externes, ou une structure interne, sur une échelle de 1 à 100 nm » ;
  • le Règlement Biocides se base sur la définition des nanomatériaux préconisée par la Commission2 en octobre 2011 : « un matériau naturel, formé accidentellement ou manufacturé, contenant des particules libres, sous forme d’agrégat ou sous forme d’agglomérat, dont au moins 50 % des particules, dans la répartition numérique par taille, présentent une ou plusieurs dimensions externes se situant entre 1 nm et 100 nm » ;
  • le Règlement INCO3 définit quant à lui un nanomatériau comme un « matériau produit inten­tionnellement présentant une ou plusieurs dimensions de l’ordre de 100 nm ou moins, ou composé de parties fonc­tionnelles distinctes, soit internes, soit à la surface, dont beaucoup ont une ou plusieurs dimensions de l’ordre de 100 nm ou moins, y compris des structures, des agglomé­rats ou des agrégats qui peuvent avoir une taille supérieure à 100 nm mais qui conservent des propriétés typiques de la nanoéchelle« .

Dans les faits, les ONG de consommateurs redoutent que beaucoup de nanomatériaux échappent à l’étiquetage (cf. « l’effet passoire » détaillé plus bas).

Pour le reste, le silence des industriels prévaut

Hormis ces obligations imposées par l’Europe, peu d’indications émanent des industriels concernant la présence de nanomatériaux dans les produits commercialisés. Plusieurs raisons peuvent expliquer leur réticence : le souci de protéger le secret commercial ou industriel, la crainte de voir les consommateurs se détourner de leurs produits et/ou le risque de voir leur responsabilité engagée en cas de problème4 (certaines organisations ayant appelé à la mise en place de moratoires sur les nanoproduits ou procédés nanotechnologiques).
L’Afssa a souligné en 20095 que « les interrogations grandissantes au niveau international sur les risques liés aux nanotechnologies se sont traduites par la disparition de la référence à ces nanotechnologies sur certains supports de communication ».
A contrario, certains misent sur l’effet marketing « high tech » et branché du préfixe nano6 (même, dans certains cas, pour des produits qui ne contiennent pas nécessairement plus de nanomatériaux que d’autres7 !).
Difficile, dans ces conditions, d’avoir une idée précise des produits de consommation commercialisés qui contiennent des nanomatériaux : des recensements de nano-produits existent, mais leur fiabilité est limitée. Pourtant, il y a un véritable demande en faveur d’une meilleure information concernant la présence de nanomatériaux dans les produits qui nous entourent.

Une attente forte de la société

L’étiquetage des nanomatériaux dans les produits de consommation a été réclamé par de nombreux acteurs de la société :

Les défis à relever

Comment remédier à l’effet passoire ? Beaucoup de nanomatériaux échappent (ou échapperont) à l’obligation d’étiquetage : les produits qui sont censés être obligatoirement étiquetés (cosmétiques, biocides ou alimentation) le sont dans des conditions très restrictives. Le seuil des 100 nm, notamment, a été retenu de façon arbitraire, et le Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (SCENIHR) de la Commission européenne a souligné l’absence de fondement scientifique à cette limite de 100 nm11. Des résultats d’études toxicologiques font état d’effets toxiques engendrés spécifiquement à l’échelle submicronique dépassant les 100 nmn, notamment jusqu’à 600 nm12.
Quant aux autres produits, ils ne sont soumis à aucune obligation mais au seul bon vouloir des industriels, dont on a souligné plus haut qu’il a été très limité jusqu’à aujourd’hui.

Que mettre sur l’étiquette ? Etant donné les incertitudes relatives aux propriétés et aux risques des nanomatériaux, il y a débat sur ce qui doit figurer sur l’étiquette des produits contenant des nanomatériaux.
Des ONG comme France Nature Environnement ou Consumer Union considèrent qu’en plus de la mention [nano], il faut indiquer les caractéristiques physico-chimiques des nanomatériaux contenus dans le produit et les risques associés.
Mais des informations aussi techniques seraient peu lisibles par les consommateurs, et la multiplication et la complexité des informations sur les emballages n’est pas nécessairement synonyme de choix éclairés. Des solutions plus radicales ont donc été proposées :
  • des logos alertant sur les risques liés aux nanoparticules, une idée de l’ONG ETC Group qui organisé un concours international à cet effet en 2006.
  • la mention « sans nano », à l’instar de ce qui se fait pour les OGM : une idée défendue par la Soil Association, structure britannique de promotion de l’agriculture biologique, les Amis de la Terre Australie, Attac, et plus récemment par José Vieira dans l’Express13
Ces initiatives sont controversées : l’Institut national de la consommation (INC), l’OPECST en 2012 et les industriels redoutent un signe d’alerte trop anxiogène qui pourrait susciter un sentiment de méfiance ou des peurs « injustifiées » (sic) auprès des consommateurs.

L’association Sciences et Démocratie a dès 2009 exprimé sa préférence pour une simplification de l’étiquetage, qui mentionnerait les risques intrinsèques des produits – nano ou pas – à l’image de ce qui a été accompli en matière de consommation d’énergie. Cette solution permettrait d’éviter de laisser les consommateurs désemparés devant une étiquette sans réelle signification.

Comment contrôler la mise en oeuvre de l’étiquetage ? Quel niveau de preuve faut-il exiger, et comment valider que l’information communiquée est correcte et protéger ainsi le consommateur des allégations trompeuses, sachant que les méthodes et outils permettant de détecter ou mesurer les nanomatériaux sont encore limités aujourd’hui ? Des progrès sont en cours, mais beaucoup reste encore à faire.
Comment s’assurer que les PME, qui ne disposent pas des mêmes moyens que les grandes firmes, ne soient pas pénalisées par cette exigence ?
A ces questions, l’INC propose un arsenal de mesures concrètes mais relativement lourdes.

Un étiquetage nécessaire… mais pas suffisant L’étiquetage ne doit pas conduire les industriels ni les pouvoirs publics à se décharger sur le consommateur de toute responsabilité.
Selon la juriste Stéphanie Lacour, « donner au public une information satisfaisante sur les nanotechnologies, les risques qu’elles sont susceptibles d’induire et la composition des produits auxquels il est exposé afin de lui permettre d’opérer, à titre individuel et collectif, les choix les plus pertinents est un objectif louable et répond à une demande sociale incontestable. Les risques associés aux nanomatériaux demeurant, dans leur immense majorité, incertains, la mise en place d’obligations d’étiquetage ne constitue néanmoins pas, à elle seule, un outil pertinent. » Il doit être, selon la juriste, « correctement inséré dans une gestion plus globale des risques émergents – allant de l’adoption de mesures de précaution en amont à des procédures transparentes lors de la mise sur le marché des produits et à la mise en œuvre d’obligations de vigilance partagées »14.

→ Si l’étiquetage est nécessaire, il y a aujourd’hui un quasi-consensus sur le fait qu’il doit être accompagné d’autres actions d’information et d’encadrement – comme les fiches de données de sécurité, les fiches de déclaration environnementale et sanitaire, l’enregistrement préalable pour autorisation de mise sur le marché.

Ethiquetage NanosInside : une réflexion made in Avicenn

Une proposition expliquée en diaporama commenté audio (8 minutes) :



Envoyez-nous vos photos d’étiquettes portant la mention [nano]

camera-wb.gif Envoyez vos clichés des premières étiquettes portant la mention [nano] à redaction(at)veillenanos.fr en précisant les références du produit, la date et le lieu de vente.

Lire aussi sur le site veillenanos.fr

Ailleurs sur le web


Sur l’étiquetage en général (pas spécifiquement nano) :

 


NOTES et REFERENCES
1 – Voir notre fiche Quelle réglementation des nanomatériaux dans les cosmétiques en Europe ?, veillenanos.fr

2 – Voir notre article EUROPE – Adoption de la nouvelle définition des nanomatériaux par la Commission européenne : premières réactions et analyses, Veillenanos, 19 oct. 2011

3 – Voir notre fiche Quel encadrement des nanomatériaux dans l’alimentation en Europe ?, veillenanos.fr

4 – Voir notamment à ce sujet :

5 – Nanotechnologies et nanoparticules dans l’alimentation humaine et animale, Afssa (aujourd’hui ANSES), mars 2009

6 – Voir le cahier d’acteur de l’association Sciences et Démocratie réalisé dans le cadre du débat public national sur les nanotechnologies, 2010

7 – Par exemple, les Ipod-Nano (baladeurs numériques), les Tata Nano (voitures) ou les nouvelles enseignes de proximité de Franprix

8 – Voir par exemple, ces questions portant sur le thème « Information des consommateurs, étiquetage des produits » sur le site du débat public http://www.debatpublic-nano.org

9 – Réponse des autorités françaises à la consultation publique de la Commission européenne relative à la révision éventuelle des annexes du règlement REACH pour les adapter aux nanomatériaux, SGAE, septembre 2013

10 – INTERNATIONAL : Recommandations et guide de l’ISO pour un étiquetage des nanomatériaux dans les produits de consommation, veillenanos.fr, 30 décembre 2013

11 – Scientific Basis for the Definition of the Term “nanomaterial”, SCENIHR, 8 décembre 2010

12 – La « Food & Drug Administration » (FDA) américaine a ainsi choisi de définir un nanomatériau comme un matériau dont l’une des dimensions au moins est inférieure à 1000 nm. Cf. Reporting Format for Nanotechnology-Related Information in CMC Review, Office of Pharmaceutical Science (FDA), juin 2010

13 – Vers un étiquetage « sans nanoparticules »? in Nanoparticules: quels risques pour la santé ?, José Vieira, L’Express.fr, 2 février 2012

14 – Des tenants et aboutissants de l’étiquetage des nano-produits, Stéphanie Lacour, Bulletin de veille scientifique, ANSES, 2011


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