L’empreinte écologique… Tout le monde en parle, mais savez-vous réellement ce que recouvre ce concept ? L’empreinte écologique d’une population c’est la surface de la planète, exprimée en hectares, dont cette population dépend, compte tenu de son mode de vie, pour ses besoins en produits du sol (surfaces pour l’agriculture, la sylviculture) et en zones de pêche ; en terrains bâtis ou aménagés (routes et infrastructures) ; en forêts capables de recycler les émissions de CO2 (empreinte énergie) et plus généralement en surfaces d’absorption des déchets.
Cet indicateur récent (il date du milieu des années 1990), initié par deux chercheurs de l’Université de Columbia à Vancouver, est porté par deux ONG : le WWF et l’organisation Redefining Progress qui lui ont assuré une diffusion large au sein de différents espaces sociaux : militants, politiques, scientifiques et professionnels. Cet indicateur cherche à être indépendant de toute valeur économique. Il n’utilise aucun prix, par exemple pour calculer le nombre d’hectares globaux dont l’entité a besoin pour continuer à se développer. Il représente une sorte de photographie de la ponction sur le milieu, exercée par une population à un moment donné. Notre empreinte écologique est « insoutenable » Par exemple, l’empreinte moyenne d’un Français est de 5,3 hectares. Pour un Américain, on obtient 9,7 hectares, record du monde développé. Ces hectares sont « empruntés » dans l’ensemble du monde, le plus souvent sans contrepartie : les Français ne paient pas le service que leur rendent les forêts brésiliennes ou africaines en recyclant leurs émissions de CO2. Au total, l’empreinte écologique moyenne des hommes est passée de 0,7 planète en 1961 à 1,2 planète actuellement : l’humanité emprunte chaque année à la nature 20 % de ressources renouvelables de plus que ce que permettraient les flux annuels de régénération naturelle de ces ressources. Ce chiffre de 1,2 planète recouvre de fortes inégalités : la majorité des habitants du monde a une empreinte écologique assez faible, en raison d’un niveau de vie et de consommation très réduit. Si tous les habitants de la planète avaient le mode de vie des Américains, il faudrait environ cinq planètes pour y faire face. Si tous avaient le niveau de vie moyen des Français, il en faudrait près de trois [[Lire La poursuite de la croissance actuelle nous mène droit dans le mur par Jean Gadrey, Economiste, professeur à l’Université de Lille 1]]. Nombreuses sont les collectivités territoriales qui se sont montrées intéressées ; citons parmi elles les villes de Paris, Besançon, Romans, Vervey en Suisse, Vancouver, les principales villes d’Ecosse (Aberdeen, Dundee, Edinburgh, Glasgow, Inverness), ou encore Toronto [[Lire : L’empreinte écologique : nouvel indicateur, ancienne approche ? Mise en perspective et analyse territoriale de l’empreinte écologique par Antoine Goxe et Sandrine Rousseau.]]. Bien entendu, l’empreinte écologique présente des lacunes : elle laisse de côté matières minérales, eau, éléments toxiques et déchets radioactifs et accorde peu de place à l’érosion de la biodiversité. Mais elle n’en constitue pas moins un outil qui nous permet de comprendre que… les limites sont dépassées. Un livre très détaillé lui est désormais consacré en français : l’Empreinte écologique d’Aurélien Boutaud et Natacha Gondran.L’Empreinte écologique d’Aurélien Boutaud et Natacha Gondran
– Présentation de l’éditeur : Depuis plusieurs décennies, la multiplication et l’aggravation des atteintes à l’environnement ont amené l’humanité à s’interroger. Ne sommes-nous pas tout simplement en train de solliciter la nature au-delà de ses capacités de régénération ? Ne sommes-nous pas sur le point de dégrader irrémédiablement le capital naturel qui sert de support à toutes nos activités ? C’est pour apporter une réponse argumentée et chiffrée à ces questions que le concept d’empreinte écologique est apparu au cours des années 1990. En démontrant que l’économie mondiale mobilisait chaque année davantage de ressources que la biosphère est capable d’en régénérer, cet indicateur a permis de populariser l’idée de « déficit écologique ». Pour mieux comprendre et interpréter ses résultats, les auteurs nous invitent à plonger au cœur du système comptable de l’empreinte écologique. Détaillant ses fondements, sa finalité exacte, ses limites, mais aussi ses avantages indéniables, ils apportent un éclairage inédit sur un outil qui occupe désormais une place centrale dans les débats sur le développement soutenable. – Les auteurs : Aurélien Boutaud, docteur en sciences et génie de l’environnement de l’École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne, est aujourd’hui conseiller et chercheur indépendant, spécialiste des indicateurs alternatifs. Natacha Gondran est maître-assistante au centre SITE (Sciences, informations et technologies pour l’environnement) de l’École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne. Ses activités de recherche et d’enseignement portent sur les enjeux et méthodes contribuant à la prise en compte de l’environnement au sein des processus décisionnels. – Références : L’empreinte écologique de Aurélien BOUTAUD et Natacha GONDRAN – Editeur : La Découverte – Collection : Repères n°527 – Parution : février 2009 – 128 pages – ISBN : 9782707156853 – Prix public : 9,50 €Dépasser la dictature du PIB par Hervé Kempf
Extrait de sa critique du livre l’Empreinte écologique publiée dans Le Monde (31 janvier 2009) : Hervé Kempf, journaliste au Monde, nous propose, pour commencer, un petit exercice : « prononcez le mot de « décroissance » devant un économiste, et vous le verrez lever les yeux au ciel, vous accuser de vouloir la misère du tiers-monde et, vraisemblablement, tourner les talons en fulminant contre les écologistes rétrogrades. » Et de souligner malicieusement dans une chronique publiée le 31 janvier dernier : « Mais il se trouve que… nous sommes déjà en décroissance. Par la crise, qui fait reculer pour la première fois depuis longtemps le niveau du produit intérieur brut (PIB) ? Non. Du fait de l’atteinte continue que l’humanité inflige au capital naturel de la planète, c’est-à-dire à l’ensemble des ressources biologiques qui servent de support à ses activités. » Il poursuit son argument : « Mais, si cette atteinte est documentée par des milliers d’études sur le changement climatique, la crise de la biodiversité, la multiplication des pollutions, elle souffrait de ne pas pouvoir être synthétisée par un indicateur significatif. Rien à opposer au règne du PIB – qui en est venu à devenir le fétiche de l’enrichissement et du bien-être. Hausse du PIB, bien. Baisse du PIB, mal. Et quand le PIB monte, et que pourtant, la société exhibe de manière de plus en plus manifeste ses malaises et ses tensions, c’est… qu’il ne monte pas assez ! Quant à la crise écologique, eh bien, c’est une autre affaire, que le PIB ne peut pas mesurer, et qui est donc secondaire… » « Il y faut, pour commencer, de nouveaux indicateurs. La bonne nouvelle est que, depuis une dizaine d’années, un tel indice s’est progressivement développé et affermi : « l’empreinte écologique » suscite un intérêt croissant dans les milieux académiques. Le livre d’Aurélien Boutaud et Natacha Gondran vient donc à point : expliquant en termes clairs et rigoureux la méthode élaborée par Mathis Wackernagel et William Rees depuis une dizaine d’années, il est à notre connaissance la première présentation en français de cet outil essentiel. » – Lire la critique complète d’Hervé Kempf sur le site du Monde