La tribune « COP28 : l’ESS, un potentiel inexploité face à la crise climatique », signée par les dirigeants du Groupe SOS à l’international[[Les signataires de la tribune « COP28 : l’ESS, un potentiel inexploité face à la crise climatique », dirigeants du Groupe SOS à l’international : Frédéric Bailly, vice-président exécutif, Groupe SOS, Alexandre Lourié, directeur général international, Groupe SOS, Kevin Goldberg, président de l’association Groupe SOS International, Victorine A Ndeye, Ministre de la Microfinance et de l’Economie Sociale et Solidaire du Sénégal, Jeroo Billimoria, fondatrice Catalyst 2030 et directrice générale de Child and Youth Finance International, Chékéba Hachémi, présidente fondatrice de l’association Afghanistan Libre, Pauline Effa, directrice générale, partenariat France et Afrique, Yasmine Hamraoui, présidente, French Impact et partner chez Impact Partners, Nigel Kershaw, président The Big Issue Group, co-fondateur, Big Issue Invest et The Big Exchange, Nicolas Messio, président de l’association PULSE et de l’association PPI – People Power Inclusion, Robin Richa, directeur général, Arcenciel, Arnaud Mourot, directeur général Europe, Ashoka et président fondateur de l’association PLAY International, Patrice Papet, président de Planète Urgence, Marie-José Moinier, présidente de l’association Santé Sud, Bruno Chatelier, cofondateur du fond de dotation DDB share, Diane Binder, fondatrice et directrice générale de Regenopolis, Owen Marsh, cofondateur de l’association Ambitions Transitions et administrateur du Groupe SOS, Pénélope Silice, responsable développement international & communication, Groupe SOS, Amandine Hersant, directrice générale, Planète Urgence, Guillemette Petit, directrice générale, PLAY International, Anne-Leïla Batel, directrice générale, PULSE, Benjamin Soudier, directeur général, Santé Sud, Damien Thierry, directeur général, Ateliere Fara Frontiere, Audrey Negui, directrice générale, PPI – People Power Inclusion, Tony Bernard, directeur général, Impact Tank, Xuan-Dai Veret, directrice générale, Groupe SOS Consulting, Baptiste Pécriaux, directeur général, Impact Campus.]], alerte sur les difficultés d’accès des structures de terrain aux plus grands fonds climatiques, alors que les modalités de fonctionnement du fonds pertes et dommages sont encore en discussion à la COP 28, et sur le potentiel inexploité de l’ESS face à la crise climatique.
La communauté mondiale réunie à la COP 28 se félicite du financement de 225 millions d’euros d’un fonds « pertes et dommages » permettant de relever les défis urgents posés par la crise climatique dans les pays les plus vulnérables. Alors que le déploiement du fonds reste à préciser, il convient de rappeler qu’il existe une solution systémique sous-utilisée : le développement de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS). En partageant la valeur et le pouvoir avec les acteurs économiques locaux soucieux de leur impact environnemental, elle offre un potentiel inexploité pour l’adaptation au changement climatique et l’atténuation de ses effets dévastateurs.
Aujourd’hui, l’économie, en raison de ses activités non durables, accentue la crise climatique ; elle devrait la combattre. Le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial organisé par la France cette année a souligné que la justice climatique passe par une réforme de notre modèle économique et financier actuel ; il convient de passer de la parole aux actes. Hélas, les fonds climatiques les plus importants suivent une logique de fonctionnement et d’attribution tellement restrictive qu’ils excluent les acteurs économiques de terrain. Le Fonds vert pour le climat, par exemple, ne finance directement que de grosses organisations, pour la plupart internationales, et nécessite un mécanisme d’accréditation pouvant prendre jusqu’à trois ans afin d’être éligible à son financement. Les structures locales, au plus proche des besoins, ne peuvent pas y prétendre. C’est anachronique.
L’avancée du fonds « pertes et dommages » est porteuse d’espoir. Il doit dédommager les pays en développement, qui n’émettent qu’une minorité des émissions de gaz à effet de serre, mais en subissent de plein fouet les conséquences. C’est une opportunité à ne pas manquer. Il est crucial d’y intégrer l’action des acteurs locaux de l’ESS et de leur consacrer des ressources financières substantielles : les associations, coopératives, entreprises sociales qui renforcent l’autonomie des populations locales et favorisent le développement durable sans opposer écologie, impact social et économie.
Le potentiel de l’ESS est immense, particulièrement en Afrique, qui est en première ligne face à la crise climatique, mais aussi pionnière en matière d’innovations sociales et écologiques. Aujourd’hui, le continent africain subit 35 % des pertes humaines causées par la crise climatique, alors qu’elle émet moins de 5 % des gaz à effet de serre. Des solutions sont portées par le tissu local de l’ESS, mais elles méritent encore d’être mises à l’échelle. Par exemple, les coopératives de petits producteurs de vanille de Madagascar permettent de partager la valeur tout en diffusant des pratiques agricoles plus écologiques. La restauration des espaces de mangrove dégradés du littoral du Cameroun permet de créer des emplois dans les associations locales des communautés les plus vulnérables. En Casamance, dans le sud du Sénégal, les porteurs de projets à impact social et environnemental se multiplient dans les incubateurs d’entreprises et allient rentabilité économique et bienfaits d’intérêt général.
L’économie sociale et solidaire est un impensé du combat écologique ; elle est pourtant une solution incontournable. Elle offre une voie vers la résilience à partir du tissu économique de terrain. Intégrer l’ESS dans l’action climatique, lui garantir un accès adéquat aux financements et favoriser un environnement politique favorable – les Nations-Unies ont déjà appelé à sa reconnaissance par tous ses Etats-Membres dans une résolution d’avril dernier – sont des étapes essentielles vers un avenir durable et inclusif. À l’heure où le monde perd confiance dans la COP, entre lenteur des négociations et peur du « green-washing », il est essentiel de rappeler avec force qu’une économie fondamentalement écologique existe : c’est l’économie sociale et solidaire. Elle est le vecteur d’un changement systémique pour la justice climatique. C’est le message que nous, acteurs du changement, portons à la COP 28.
L’ESS en France
En France, les sénateurs ont débattu des moyens dédiés à l’Économie sociale et solidaire (ESS) au sein du Projet de loi de Finances (PLF) pour 2024. Deux amendements importants pour le développement de l’ESS ont été adoptés : un amendement visant à financer la fonction Accueil, orientation et information des Chambres régionales de l’Economie Sociale et Solidaire (CRESS) à hauteur de 2,5 millions d’euros et un second proposant une augmentation du financement de l’ESS à hauteur de 4 millions d’euros. Ces amendements s’inscrivent dans les priorités annoncées par Olivia Grégoire pour le développement de l’ESS, une forme d’économie représentant 200 000 entreprises et 2,5 millions d’emplois, essentielle pour le quotidien des Français, plus soucieuse des personnes, plus sobre quant à la pression exercée sur les ressources naturelles, présente dans tous les territoires et innovante dans de nombreux secteurs stratégiques. La situation du réseau des CRESS illustre le manque de moyen dédiés au développement de l’ESS. Les CRESS fédèrent les acteurs de l’ESS en région et sont reconnues par la loi ESS de 2014. L’article 6 de celle-ci leur attribue des missions légales relatives à la représentation, l’appui à la création, au développement et au maintien des entreprises de l’ESS (associations, coopératives, fondations, mutuelles, sociétés commerciales de l’ESS). Malgré toute l’importance des missions légales qui leurs sont confiées, l’Etat ne les finance qu’à hauteur de 80 000 euros par CRESS, un montant largement insuffisant pour leur permettre de répondre aux besoins de développement des entreprises et organisations de l’ESS, ce qui de fait les prive de chances. Les crédits dédiés au développement transversal de l’ESS dans le budget de l’Etat sont de 19,2 millions d’euros, une somme à comparer aux 800 millions d’euros affectés cette année par le gouvernement espagnol au développement de l’ESS. Placer l’ESS au cœur des planifications écologiques et sociales à venir Olivia Grégoire a fixé comme l’une de ses priorités une meilleure coordination de l’écosystème de l’ESS avec les collectivités territoriales et les chambres consulaires, car une telle coordination ne pourra aboutir sans moyens supplémentaires dédié au développement de l’ESS sur l’ensemble du territoire. A propos d’ESS France Reconnue par la loi du 31 juillet 2014 relative à l’ESS, ESS France fédère les organisations nationales représentant les différentes formes statutaires de l’Économie sociale et solidaire (ESS) ainsi que les Chambres régionales de l’ESS, et toute autre personne morale qui souhaite s’investir dans ses activités. Depuis les territoires, jusqu’à l’échelle européenne et internationale, ESS France contribue, depuis plus de vingt ans, au développement de l’ESS dans toutes ses dimensions.Groupe SOS International
GroupeSOS_logotype_baseline_FR.svg Le Groupe SOS agit à l’international en faveur de l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD). Les ONG, associations et entreprises sociales du Groupe SOS interviennent auprès des acteurs locaux de plus de quarante pays, accompagnent les organisations de la société civile locale, accélèrent la nouvelle génération d’entreprises sociales, solidaires et écologiques, partagent les meilleures innovations sociales et environnementales et mettent la finance au service des objectifs de développement durable.