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Commerce international et mondialisation de l'économie

L’économie grise a-t-elle un avenir ?

Question citoyenne à Florent Mairot - agent M&C

Vous trouverez ci-joint l’exposé présenté par Florent aujourd’hui en cours d’intelligence économique et relations internationales. Cdurable.info décide de le publier pour ouvrir le débat sur l’économie grise, évaluée à 15% du PNB mondial, dont une infime partie pourrait résoudre bien des problèmes et financer un développement durable à la fois socialement équitable, économiquement viable et écologiquement responsable.

contacter l’auteur Nous conviendrons d’une vaste définition de l’économie grise en y englobant : – toutes activités totalement illégales : drogues, proxénetisme, trafics, racket, contrebande, vol à main armée, fausse monnaie… – toutes activités illégales avec une part légale : pots de vin sur marché publics (équipements, travaux…), détournements de ressources publiques, trafic d’armes (violation d’embargo, vente aux guerillas), caisse noire des casinos, fraude fiscale, fausses factures, travail clandestin… – toutes activités légale avec une part illégale : délits d’initiés, commissions d’intermédiaire sur les contrats à l’export fiscalement déductibles (armement, aéronautique…), entente et abus de position dominante (marché publics), financement occulte des partis politiques, présentations de faux bilans… Dans le contexte actuel de mondialisation, les flux d’échanges de produits et de services sont devenus incontrôlables. Ils ont été multipliés respectivement par 3 et 4 ces 15 dernières années. D’où la difficulté de mesurer avec exactitude la part illégale de l’économie mondiale. Selon Jacques ATTALI (économiste, écrivain, haut fonctionnaire et ancien conseiller de MITTERAND), l’économie criminelle représente aujourd’hui 15 à 20% du PNB mondial. Comment ce phénomène va-t-il évoluer étant donné qu’il est très bien intégré dans l’économie mondiale? Nous verrons dans un premier temps l’économie grise pour la survie (approche micro-économique), puis l’économie grise pour le profit (approche macro-économique). L’économie grise est régie par le profit. Nous allons dans un premier temps voir le rôle de la mondialisation dans l’évolution de l’économie grise puis comment les Etats peuvent-ils lutter contre ce phénomène. Les organisations criminelles ont suivi le mouvement de la mondialisation. Tout en tirant profit des frontières, l’économie grise prospère grâce à la dérèglementation et au relâchement des contrôles par un libéralisme triomphant et l’effondrement de l’Etat notamment dans le tiers-monde et l’ex-URSS. Le néolibéralisme a fait éclater les cadres de référence des économies nationales. D’abord la dérèglementation s’est imposée d’elle-même dès que la finance internationale s’est libérée des contraintes des Etats. Ces derniers, se montrant très laxistes, se sont contentés d’accueillir sur leur sol le maximum de capitaux. En comprenant les enjeux d’approvisionnement en énergies et matières premières, certains politiciens n’ont pas hésité à utiliser des procédés illégaux pour sauver des marchés publics à l’exportation. Peu importe les moyens pour s’assurer les bonnes grâces d’un chef d’Etat corrompu ou obtenir la signature d’une vente d’armes. Chaque fois qu’une ressource de valeur est découverte notamment en Afrique, que ce soit pour le cas de l’ivoire, de l’or, du caoutchouc, du pétrole ou du diamant, les habitants de la région en question meurent en grand nombre et dans la misère. En effet, l’argent sert souvent à acheter des armes et financer des conflits locaux. Certains groupes criminels contrôlent une partie de ces ressources en les revendant et en se fondant dans la masse de l’économie mondiale. Ces groupes attirent ceux qui se sentent exclus du système, en dénonçant le pillage des multinationales occidentales et la cupidité de leurs dirigeants. En réalité, leurs relations sont souvent complices. Moisés NAIM (rédacteur de Foreign Policy, ancien directeur exécutif de la Banque mondiale) évoque l’existence et le développement de trous noirs géopolitiques qui parviennent à envahir les points phares des économies développées du fait que le commerce illicite est essentiellement déterminé par la différence de prix des marchandises entre le lieu de production et le lieu de vente finale. En Colombie, seul 15% de l’espace intérieur est contrôlé par l’Etat, ce qui laisse une grande marge de manœuvre pour les FARC et autres groupes para-militaires pour produire la cocaïne en toute impunité. L’utilisation géopolitique de la drogue ou des mafias pour subventionner une guerilla amie, déstabiliser un adversaire ou infiltrer un réseau terroriste existait déjà au temps de la guerre froide. Elle a maintenant décuplé grâce à l’évolution des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et des Communications). Face aux montants démesurés des bénéfices engendrés, il est alors tentant de financer du même coup les partis politiques pour s’assurer une clientèle de choix. Pour se faire, rien de plus simple que d’utiliser les multiples facilités offertes par la dérégulation des échanges et l’inefficacité des dernières règlementations en place. Derrière ces détournements de haut niveau, toute une économie de débrouille, de passe-droit et tout un système de copinage se sont développés. Ce qui nous amène à traiter le problème judiciaire. L’impuissance de la justice est telle que sur 450 commissions rogatoires adressées à l’étranger par le parquet de Milan dans l’opération MANI PULITE engagée en avril 1997, seules 180 ont abouties et certaines ont mis jusqu’à 5 ans pour lui parvenir. Et quand un réseau parvient à être démantelé, dans la plupart des cas, un autre est là pour le remplacer. Globalement, la lutte contre la criminalité financière patine. Il existe un réel problème de tolérance. On peut le voir à travers le monde, les circuits de commercialisation et de distribution de l’économie souterraine agissent souvent en toutes impunité (certains sont même indiqués dans des guides touristiques, tels que l’allée de la soie à Pékin, Charoen Krung Road à Bangkok ou Canal Street à New York…). Les trafiquants et délinquants financiers profitent beaucoup de cette frontière assez floue entre le légal et l’illégal et exploitent un maximum le droit pour parvenir à échapper aux législations en vigueur dans chaque pays. L’économie de régions entières se voit contrôlée par des organisations criminelles, qui se sont substituées à l’Etat, ou l’ont pénétré. Les capitaux issus de l’économie illégale circulent sans entrave, tandis que les banquiers s’abritent derrière le secret banquaire. Les paradis fiscaux sont aujourd’hui au centre des débats : permettant l’évasion fiscale, ils sont contraires à l’intérêt général; facilitant le blanchiment, ils participent au soutien des mafias et trafics en tous genres. Selon Lucy Kosimar, journaliste américaine, 26% des richesses mondiales sont détenues dans les paradis fiscaux. Ces richesses sont, pour une grande part, le résultat d’une évasion fiscale sans précédent, évasion très largement facilitée par les mécanismes mis en place dans les chambres de compensation et particulièrement Clearstream. Pour simplifier, le principe d’une chambre de compensation est de permettre à ses clients de se connaître pour s’adresser mutuellement leurs ordres de transferts ou de règlements (elle sert donc d’intermédiaire financier et conserve toutes traces de ces échanges en cas de contestation de ses clients, d’où le nom donné de « boîtes noires de la mondialisation »). Au départ, les listes de clients étaient transparentes. Cependant, au début des années 90, la direction de CETEL (ex-CLEARSTREAM) a autorisé la création de « comptes non-publiés » (pour faciliter les transferts entre filiales et maison-mères). Le problème est que certains clients n’ont que des comptes non-publiés et peuvent ainsi transférer des sommes cash illimitées et invisibles. Il faut savoir que CLEARSTRAM se rémunère sur le droit de garde et sur les mouvements de titres. Théoriquement, le Chiffre d’Affaires doit inclure également le résultat des comptes non-publiés, mais dans l’affaire CLEARSTREAM, certains comptes clients non-publiés ne l’étaient pas, ce qui les a conduit à établir une double comptabilité pour créer une poche d’opacité totale, inaccessible à toute autorité de contrôle. Dès lors, le clearing constitue une entrave à la transparence des marchés financiers et facilite ainsi les délits d’initiés, le maquillage de bilans, le blanchiment d’argent sale, alors que, à l’origine, cette technique bancaire permet de rendre plus sûres et plus rapides les transactions internationales. L’implication de nos politiques ainsi que d’autres institutions telles que SWIFT démontre la nature complexe de cette affaire. SWIFT est une société de routage financier qui transporte les ordres de cash entre 7000 institutions financières et transfère quotidiennement 3000 milliards d’euros. Le système permet des virements en cascade dans une série de paradis fiscaux en quelques secondes. Il est totalement aveugle puisqu’il crypte les informations qu’il transporte. Le fonctionnement de SWIFT est régulièrement mis en cause par les autorités chargées de la lutte contre le blanchiment car il existe également des comptes non-publiés chez SWIFT. Les conséquences sur les états et la fiscalité deviennent dramatiques : – L’état ne recouvre pas les impôts qu’il devrait et les déficits se creusent. – Pour lutter contre ces déficits, l’état se voit contraint d’emprunter. Les emprunts sont réalisés auprès des établissements qui profitent justement de l’évasion fiscale. Ces établissements touchent donc des intérêts sur ces emprunts. Le gain est double : moins d’impôts, plus d’intérêts !

Que font donc les Etats et les différentes institutions internationales pour lutter contre ces pratiques ?

Selon Jean DE MAILLARD (magistrat), les résultats de la lutte contre le blanchiment de l’argent sale est accablant. Seule une infime partie des méthodes de blanchiment ont été poursuivies. INTERPOL évalue à 3 milliards de $ l’ensemble des saisies effectuées dans le monde en 20 ans de lutte anti-blanchiment, soit l’équivalent de 3 journées de transfert d’argent sale ! L’échec est total, comme si la coopération judiciaire internationale était conçue pour échouer, en étant soumise à la souveraineté des Etats. Perdra-t-on la guerre contre l’économie grise sans même l’avoir engagée? Les procédures pour obtenir ne serait-ce qu’une information sur un compte bancaire étranger sont telles que des mois voire des années sont nécessaires à son obtention et doit passer par la voie diplomatique. En France, elle doit, en plus, transiter par le ministère de la Justice. Le comble est que certains pays, comme la Suisse ou le Luxembourg, offrent à leurs ressortissants le droit de contester devant leurs tribunaux les demandes des juridictions étrangères. Chaque demande n’est valable qu’une seule fois et ne peut être réutilisée. Ce système est incroyablement inefficace mais aucun Etat ne semble envisager sérieusement de le modifier… Même si dès les années 90, la création du GAFI (Groupe d’Action Financière) a permis d’établir une liste de 40 recommandations (révisée en Juin 2003) pour lutter contre les paradis fiscaux, on se pose toujours la question de la volonté des Etats à coopérer pour enrayer ce système. Au niveau européen, les Etats ont du mal à abandonner leur souveraineté judiciaire, malgré les efforts faits par les propositions, en 1997, d’une équipe de juristes européens dans le CORPUS JURIS (projet de création d’un espace judiciaire européen organisé autour d’un parquet européen) découlant de l’appel de Genève en 1996, et par la suite dans le manifeste de Strasbourg en 2000. L’après 11 septembre a très largement changé la donne dans l’importance donnée aux organisations criminelles. Il existe aussi d’autres idées pour lutter contre la spéculation financière, notamment l’instauration de la taxe TOBIN imaginé par un professeur américain du même nom. Il s’agit donc d’instituer une taxe au niveau mondial sur les échanges financiers internationaux, ce qui serait un outil pour mondialiser la justice fiscale. Quand la justice se met au service de la criminalité financière… Les blanchisseurs ne manquent pas d’ingéniosité pour blanchir leur fond. En effet, la technique du faux procès, par l’intermédiaire de 2 sociétés complices, permet de blanchir la somme désirée en faisant un procès à l’une des sociétés qui se laisse condamner et paye à l’autre la somme demandée. Comble de l’ironie : l’indemnité perçue par la société qui a gagné son procès n’est pas imposable et la justice a servi de machine à laver… Pour conclure, l’avenir de l’économie grise dépendra beaucoup de la capacité des Etats et des institutions internationales à s’unir pour éradiquer ce phénomène, donc de la volonté politique de nos dirigeants et de la conscience de chacun, subissant les conséquences sociales et humaines provoquées dans le monde par les activités criminelles. Malgré l’électrochoc du 11 septembre, les institutions internationales et les gouvernements continuent d’ignorer les contradictions profondes du système mondial. La lutte contre l’économie criminelle, le blanchiment et les paradis fiscaux s’arrête là où commencent les intérêts des puissants. L’avenir semble donc être prospère aux trafiquants en tous genres de part l’imbrication des relations commerciales avec les Etats et l’hypocrisie de ces derniers face à l’opinion mondiale. BIBLIOGRAPHIE – « Un monde sans loi » de Jean DE MAILLARD en mai 2000 – « Révélation$ » de Denis ROBERT et Ernest BACKES en février 2001 – « Une brève histoire de l’avenir » de Jacques ATTALI en octobre 2006 – « Le livre noir de l’économie mondiale » de Moisés NAIM en janvier 2007 – « Rapacités » de Jean-Louis Gergorin et Sophie Coignard en février 2007 « Les goinfres » de Patrick BONAZZA en mars 2007 – Pour aller plus loin : le dossier « Les circuits du black dans l’entreprise » de lentreprise.com

Les circuits du black dans l’entreprise

Petits arrangements avec la comptabilité, cavalerie organisée, fraude à la TVA… L’économie grise concerne tout le monde. Plongée dans les circuits de l’argent au noir. Multiples, ils permettent de frauder, de manière plus ou moins occulte : Basique : un paiement en liquide encaissé ou par carte sans passer en comptabilité Discret : la facture d’une prestation que l’on gonfle artificiellement Classique, mais payant : les fausses factures qui ne correspondent à aucune prestation Plus culotté : la fausse récupération de TVA Transnational : les rémunérations versées sur un compte rémunéré dans un paradis fiscal Etienne Gless | LEntreprise.com |

 

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