Les dirigeants africains devraient donner la priorité à la mise en œuvre des questions environnementales et de santé dans leurs politiques nationales et régionales pour relever les défis de plus en plus importants que sont la pollution de l’air, les maladies à transmission vectorielle et l’exposition aux produits chimiques, selon un nouveau rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) publié le 21 Février 2013.
Synthèse
La troisième édition de l’Avenir de l’Environnement en Afrique (AEO-3), commissionnée par la Conférence ministérielle africaine sur l’environnement (CMAE), met en évidence les liens entre l’environnement et la santé, se basant sur les statistiques qui montrent que 28% des maladies en Afrique sont liées aux risques environnementaux. La diarrhée, les infections respiratoires et le paludisme représentant 60% des impacts connus de l’environnement sur la santé. Plus précisément, les particules fines – les polluants atmosphériques qui ont le plus grand impact sur la santé humaine – sont une préoccupation majeure dans les zones pauvres rurales où l’accès limité aux réchauds et aux carburants propres a des effets considérables sur la santé en raison de la pollution de l’air intérieur. La pollution de l’air en Afrique peut être de 10 à 30 fois plus élevée que les limites fixées par l’Organisation Mondiale de la Santé. Au nombre des questions soulignées et qui ont un impact majeur figure la dégradation des biens et services bénéfiques pour la santé tels que les aliments et les plantes médicinales fournies par la biodiversité terrestre et marine. Par exemple, 80% de la population rurale en Afrique dépend des médicaments traditionnels récoltés dans la nature. Le rapport met également en lumière un manque de capacité à faire face aux effets croissants du changement climatique tels que le manque d’eau ainsi que les conditions d’assainissement et d’hygiène inadéquates (en 2010, seulement 60% de la population de l’Afrique subsaharienne avaient accès à l’eau potable), ainsi que de mauvaises pratiques de gestion des déchets.Résumé
Le Résumé du Rapport AEO-3 à l’attention des décideurs politiques a pour objet de fournir des informations qui peuvent aider les pays membres de la CMAE à renforcer leurs capacités d’élaboration de politiques et le plaidoyer aux niveaux national, régional et international. « La population africaine a le taux de croissance le plus rapide du monde et l’économie du continent se développe à un taux proportionnel, cependant l’accent n’a pas été suffisamment mis sur le rôle que peuvent jouer les questions environnementales sur le bien-être des citoyens de ce continent dynamique et en croissance », a déclaré le Directeur Exécutif du PNUE et Secrétaire Général adjoint des Nations Unies. « L’Afrique entre dans une nouvelle phase qui pourrait voir le continent devenir un acteur important dans la transition vers une Economie Verte mondiale et inclusive, mais pour cela, elle a besoin d’une population en bonne santé ayant un accès garanti aux ressources naturelles », a-t-il ajouté. « AEO-3 fournit aux décideurs politiques une orientation claire pour construire un avenir durable et sain en se concentrant sur les domaines qui nécessitent une attention urgente et montre comment éliminer les obstacles à la mise en œuvre des politiques, tout en mettant en évidence de nouvelles politiques. » Le rapport met en évidence des questions émergentes et évalue les tendances des changements environnementaux ainsi que leurs conséquences sur la santé humaine dans la région. Elle propose en outre de nouvelles orientations politiques susceptibles de permettre des changements futurs dans une perspective durable. En outre, le rapport révèle que de nombreuses bonnes politiques pour aborder la question des changements environnementaux existent déjà mais sont entravées par une mise en œuvre faible. L’évaluation de l’AEO-3 propose un certain nombre d’actions qui si elles étaient appliquées de manière effective pourraient conduire au bon fonctionnement de politiques prometteuses. « Comme le souligne le rapport, les gouvernements africains ne sont que trop conscients des défis auxquels est confronté le continent en termes d’impacts environnementaux sur la santé humaine. Il existe d’importants efforts en cours pour lutter contre ces problèmes, y compris la mise en place de nombreuses politiques pertinentes », a déclaré Mme Terezya Huvisa, ministre d’État de l’Environnement de la République Unie de Tanzanie et Présidente de la CMAE. « Toutefois, ces politiques doivent être mises en œuvre avec vigueur pour avoir un impact, et les mécanismes d’application doivent être mis en place et renforcés pour en réduire les conséquences négatives », a-t-elle ajouté. « Si les recommandations de AEO-3 sont suivies, les citoyens peuvent espérer vivre de manière plus saine et plus productive. »Les messages clés et les recommandations politiques
Le rapport a pour objectif spécifique de fournir des messages clés et des recommandations de politique, notamment : – Les problèmes environnementaux et de santé méritent une considération prioritaire dans le développement national. – La pollution de l’air intérieur et extérieur, les aliments dangereux et insalubres, l’élimination inadéquate des déchets, le manque de contrôle ou le contrôle insuffisant des vecteurs de maladies, et l’exposition aux produits chimiques sont les principaux risques environnementaux sur la santé dans la plupart des pays africains. – Une réduction effective de la pollution de l’air intérieur nécessite de repenser les programmes d’électrification nationaux et d’accélérer l’accès aux technologies améliorées et autres sources alternatives d’énergie plus propres. – Des mesures telles que la gestion communautaire des ressources naturelles et le paiement pour les services écosystémiques devraient être développés et étendus pour conserver la biodiversité et pour fournir des services tels que les aliments et les plantes médicinales de manière à promouvoir la santé humaine. – Les produits chimiques procurent des avantages dans plusieurs domaines mais s’ils sont mal utilisés, ils peuvent entraîner une pollution de l’environnement ainsi que des risques graves pour la santé humaine. Les orientations politiques recommandées concernent donc : le renforcement de la connaissance et des données documentées sur les risques de santé; l’accélération de la maîtrise et de la mise en œuvre des Conventions de Bâle, de Stockholm et de Bamako et l’intégration de la problématique relative aux déchets électroniques dans la législation nationale. – La variabilité du changement climatique affecte la santé humaine en raison de la capacité insuffisante de l’Afrique à faire face à ses impacts négatifs. Les options en matière de politiques incluent l’intégration des découvertes scientifiques relatives au climat dans la prise de décision, le développement des capacités d’adaptation et le renforcement des systèmes de préparation, de réponse et d’alerte précoces. – Les ressources côtières et marines contribuent à la santé humaine et doivent être conservées et utilisées durablement. En plus d’étendre à grande échelle la gestion des Zones Côtières Intégrées, il faut assurer la surveillance effective des zones côtières pour protéger l’environnement côtier et marin de la dégradation et de la pollution. – L’accès à l’eau potable et à un assainissement adéquat est vital pour la santé humaine et exige des mesures pour améliorer les infrastructures, réduire la pollution des sources d’eau disponibles et lutter contre les mauvaises conditions d’hygiène. – Evaluer l’adéquation des changements d’utilisation des sols, réguler l’acquisition à grande échelle des terres et promouvoir des technologies qui améliorent la productivité des terres et une utilisation plus efficiente de l’eau peuvent promouvoir une gestion durable des terres et augmenter la sécurité alimentaire et la nutrition. – Des analyses prospectives montrant les différentes manières par lesquelles la gestion de l’environnement pourrait impacter sur la santé humaine dans le futur peuvent permettre une bonne adaptation face aux incertitudes domestiques et à l’échelle mondiale et permettre une planification flexible sur le long terme. – Les options pour améliorer la faible mise en œuvre des politiques existantes incluent : des données et les systèmes d’information adéquats, la mobilisation des partenaires, des mécanismes institutionnelles pour assurer l’alignement des partenaires autour des mêmes objectifs et leur collaboration, le renforcement de capacité de toutes les parties prenantes et une mise en œuvre claire d’une feuille de route avec des objectifs réalisables et des mécanismes de financement.Etat de l’Environnement
Le rapport AEO-3 a établi les messages ainsi que les recommandations ci-dessous à partir des dernières données disponibles sur la qualité de l’air, la biodiversité, les produits chimiques et les déchets, l’eau pure et les installations sanitaires et les terres. Les données disponibles sur les liens entre l’environnement et la santé doivent être mises à jour. Les données disponibles incluent également les faits et chiffres suivants :La qualité de l’air
La faible combustion des carburants solides utilisés pour la cuisine et le chauffage en Afrique rurale ainsi que la mauvaise ventilation ont souvent pour résultats une pollution de l’air intérieur qui est de 10 à 30 fois plus élevée que les limites posées par l’OMS. Les estimations du nombre de décès causés par la pollution de l’air extérieur sont de 800 000 morts dans le monde chaque année, pour la plupart dans les zones urbaines, 40 000 de ces décès surviennent en Afrique. En Angola, 6,9% des maladies au niveau national sont imputables à l’utilisation de carburant solide, au Malawi les chiffres sont de 5,2%.Biodiversité
La diversité biologique de l’Afrique maintient la santé humaine dans la mesure où elle représente une source importante de nourriture, de médicaments et de services écosystémiques: 80% de la population rurale de l’Afrique dépend de la médecine traditionnelle. Au Zimbabwe, 50 espèces de champignons, 25 espèces de fruits et 50 espèces de feuilles légumineuses sont récoltées à l’état sauvage. L’exploitation incontrôlée et la fragmentation des habitats naturels menacent la biodiversité des plantes médicinales et la valeur de la sécurité alimentaire. La surexploitation et le changement climatiques contribuent également à la dégradation de la biodiversité et les déséquilibres dans les relations prédateur-proie peuvent favoriser les conditions d’éclosion d’une maladie. Les changements ou les perturbations des habitats sont causés par les barrages, la destruction des récifs coralliens et la pêche à la dynamite. Par ailleurs, la conversion des forêts naturelles et des prairies en terre arables crée également des conditions qui peuvent favoriser les vecteurs des maladies.Les produits chimiques et les déchets
Les risques sanitaires en Afrique proviennent des produits agrochimiques, les polluants organiques persistants, les stocks de produits chimiques, les déchets électroniques et les déchets du pétrole. En côte d’Ivoire, le centre national de recherche agronomique à Abidjan estime que 65% des maladies dont souffrent les maraîchers, les producteurs de coton, les producteurs de mangues et les consommateurs sont dues aux pesticides. La Communauté de l’Ogoni dans le delta du Niger au Nigéria est exposée aux hydrocarbures qui se trouvent parfois en quantité élevée dans l’air extérieur et l’eau destinée à la consommation. De plus, les membres de la Communauté de Nisisioken Ogale consomment de l’eau de puits contaminés par le benzène, connus comme carcinogène, à des niveaux 900 fois plus élevés que les limites posées par l’OMS.Le changement climatique
La quatrième évaluation du Panel intergouvernemental sur le changement climatique a découvert que l’Afrique se réchauffe plus vite que la moyenne mondiale et la température pourrait augmenter de près de 3 à 4° Celsius en moyenne au cours du siècle. Cela fait du changement climatique un enjeu majeur pour la santé et l’économie en Afrique dans la mesure où les maladies sensibles au climat sont susceptibles de se propager avec le réchauffement. Il s’agit notamment de la fièvre de la vallée du Rift, qui touche aussi bien les populations que le bétail. Le choléra, la méningite et le paludisme liés au réchauffement et aux inondations apparaissent dans des zones jusqu’alors non exposées. Il s’agit des hauts plateaux du Kenya, du Rwanda et de la Tanzanie. Les effets du réchauffement en Afrique sont également susceptibles de se traduire par une réduction du rendement des cultures et de la productivité du bétail, par des pénuries d’eau potable et par des déplacements de population dans certaines régions.La pollution et l’assainissement
La pollution causée par l’homme en Afrique provient des eaux usées non traitées, qui s’infiltrent dans les puits naturels et qui proviennent des latrines, de la pollution au nitrate des nappes souterraines due aux fertilisants, de l’eau riche en calcium libéré par les mines de phosphates et de l’eutrophisation des bassins de rétention en raison de la pollution organique. La majorité de la population africaine manque d’eau potable. Cela représente environ 1/3 de la population en Afrique sub-saharienne soit 330 millions de personnes sur les 884 millions de personnes qui n’ont pas accès à l’eau. Bien qu’en 2010 le nombre de personne utilisant des sources améliorées d’eau potable a augmenté de 11% depuis 1990, seulement 60 millions de la population sub-saharienne ont un accès à l’eau potable. L’Afrique du Nord est la seule région qui a dépassé les cibles de l’Objectif de développement du Millénaire avec une couverture d’accès qui est passé de 72% en 1990 à 89% en 2008. La pénurie d’eau devrait passer de 47 % en 2000 à 65 % en 2025.Les terres
Sur une période de plus de 50 ans à partir de 1950, une superficie de 0,5 millions de km carré de sols a été dégradée. Plus de 60 % de la population du Burkina Faso, de l’Ethiopie, du Lesotho et du Mali vivent sur des terres dégradées. Les changements dans l’utilisation peuvent également altérer l’écologie des maladies humaines, ce qui rend les populations plus vulnérables aux infections. Les effets indirects sur la santé de la dégradation des terres incluent la propagation des maladies infectieuses au cours de la migration des populations. Il est estimé que l’Afrique représente 70% des terres louées ou achetées pour produire des récoltes destinées à l’agriculture pour l’alimentation ou les bio-carburants. Ce qui a des impacts sur la sécurité alimentaire et les conditions de vie.Ressources
L’avenir de l’environnement en Afrique est un outil de la Conférence ministérielle africaine sur l’environnement (CMAE) pour le suivi de la gestion de l’environnement en Afrique. Il fournit un cadre pour le suivi environnemental aux niveaux national et sous-régional. Son objectif ultime est de permettre aux pays membres de la CMAE d’adopter des politiques et des programmes de gestion de l’environnement pour assurer un avenir durable du continent. Le partenaire du Secrétariat de la CMAE est le Programme des Nations Unies pour l’environnement à travers son bureau régional pour l’Afrique (ROA) et la Division de l’alerte précoce et des évaluations dans la production du rapport AEO. – Télécharger le Résumé du Rapport AEO-3 – Télécharger le Rapport Complet AEO-3 – Consulter le 1er Rapport sur l’Avenir de l’Environnement en Afrique en Français