L’hydrogène naturel : une contribution au mix énergétique ?
IFPEN étudie le potentiel des sources d’hydrogène naturel à terre
Si les premières sources naturelles d’hydrogène (H2) ont été découvertes en mer dans les années 70, IFP Energies nouvelles (IFPEN) est l’un des tous premiers centres de recherche mondiaux à s’intéresser aux zones d’émissions d’H2 à terre. Après des travaux exploratoires qui ont montré que des émanations naturelles continues d’H2 se rencontrent fréquemment sur terre, IFPEN lance un nouveau programme de recherche qui se concentre sur leur potentiel d’exploitation industrielle.
L’hydrogène (H2), tel que nous l’envisageons aujourd’hui, n’est pas considéré comme une source d’énergie mais plutôt comme un vecteur d’énergie; il n’est pas émis naturellement comme le sont les énergies fossiles mais résulte de la transformation d’une ressource. L’H2 utilisé dans l’industrie [[L’hydrogène est surtout utilisé dans le raffinage des huiles lourdes et la production d’ammoniac (engrais)]] est principalement produit par transformation du gaz naturel (CH4) au prix d’une émission de CO2. Dans l’avenir, l’hydrogène, fabriqué alors à partir de l’électrolyse de l’eau, est envisagé comme mode de stockage d’énergie pour compenser l’intermittence du solaire ou de l’éolien.
Cependant, de plus en plus d’indices montrent que des émanations naturelles substantielles d’hydrogène existent. Changement de paradigme : plus qu’un vecteur d’énergie, l’hydrogène pourrait être une source d’énergie – à l’instar des énergies fossiles – mais dont la combustion émet de l’eau (H2O) et non du CO2. Si l’hydrogène « naturel » existe et peut donc être qualifié de géoressource propre, s’agit-il pour autant d’une source durable ? C’est l’enjeu des travaux actuels conduits par IFPEN.
Les émanations naturelles d’hydrogène ont d’abord été découvertes au fond des mers, le long des dorsales médio-océaniques (« fumeurs noirs et fumeurs blancs »). Dans cet environnement, l’existence d’un système volcanique induit une circulation hydrothermale mettant en contact, à haute température, l’eau de mer et les roches très réduites provenant du manteau terrestre, les péridotites. Ces roches s’oxydent au contact de l’eau de mer dont la réduction produit l’hydrogène. Ces « fumeurs » présentent l’inconvénient d’être situés par très grands fonds et très loin des côtes. Leur exploitation n’est donc pas économique.
IFPEN a, en conséquence, orienté ses travaux sur les sources terrestres d’H2 plus faciles d’accès, qui ont été observées dans deux types de contexte géologique :
– les grands massifs terrestres de péridotite, où un contexte tectonique particulier expose les roches, d’origine mantelliques, à l’altération par les eaux météoriques.
– des zones situées au cœur des continents, les zones intraplaques, et en particulier dans les parties les plus anciennes, les cratons précambriens, situés au centre des continents émergés.
Si la littérature scientifique fait état ponctuellement de ces émanations d’hydrogène, celles-ci n’avaient pas fait l’objet, jusqu’alors, de campagnes d’exploration plus poussée. Les premiers travaux d’IFPEN ont confirmé l’existence de flux localement importants d’H2 sur les plus grands massifs de péridotites, à l’échelle mondiale; mais surtout ils ont démontré l’ubiquité de flux d’hydrogène en zone intraplaque. Diffus dans la plupart des sites, ces flux présentent localement des accumulations substantielles. Les différents fluides naturels étudiés peuvent présenter plus de 80 % d’H2. Ce gaz est associé à du méthane, parfois à de l’azote, et localement à de l’hélium en quantités économiquement exploitables (alors que l’approvisionnement mondial en ce gaz rare qui trouve des applications de haute technologie est par ailleurs très tendu actuellement).
En ce qui concerne l’origine de cet hydrogène terrestre, IFPEN privilégie deux pistes : – l’oxydation par l’eau des roches riches en fer réduit – un dégazage continu de la planète, ce qui bouleverserait la conception usuelle de la composition chimique de l’intérieur des planètes terrestres.
Pionnier dans la recherche sur l’hydrogène naturel à terre, IFPEN va poursuivre ses travaux dans le cadre d’un nouveau programme pour évaluer l’intérêt technico-économique d’une production industrielle d’H2 naturel, en particulier dans les cratons qui couvrent des surfaces très importantes sur la planète et dont le potentiel de production serait donc intéressant.
Si l’hydrogène naturel s’avérait exploitable, il pourrait constituer une nouvelle source d’énergie durable – la production observée étant un phénomène continu lié à la dynamique de la terre – propre, respectueuse de l’environnement, et bien répartie sur les différents continents. Mais le chemin est encore long avant d’envisager une production industrielle de grande ampleur. Des efforts de recherche importants seront nécessaires pour lever les verrous existants.
Glossaire
– Dorsales médio-océaniques : limite divergente de deux plaques lithosphériques formant une chaine de relief sous-marin. Siège d’un volcanisme qui créé le plancher océanique. 64 000 km de dorsales dessinent les limites de plaques au fond des océans. La dorsale médio-atlantique séparant les plaques Europe-Afrique et Amériques est la plus longue d’entre-elles (7000 km). – Péridotite : roche issue du manteau terrestre composée essentiellement d’olivine (jusqu’à 90%) et de pyroxènes (minéraux ferromagnésiens). Ces minéraux contiennent du fer réduit dont l’oxydation par l’eau produit de l’hydrogène. Ces roches sont localement exposées à la surface des fonds océaniques. Elles affleurent aussi à terre dans des contextes tectoniques particuliers. – Zone intraplaque : zone située à l’intérieur d’une plaque tectonique par opposition à une zone en limite de plaque. Dans la zone intraplaque, où les échanges avec les profondeurs sont plus limités qu’aux limites de plaques, se trouvent les parties les plus anciennes des continents, les cratons.- Contact : Anne-Laure de Marignan au 01 47 52 62 07