L’impact des activités humaines sur les ressources hydriques, l’augmentation rapide de la population, le développement de l’Asie et de l’Afrique et les risques engendrés par le manque d’hygiène et d’installations sanitaires ont été les principaux sujets débattus à Stockholm, qui abrite la Semaine mondiale de l’Eau jusqu’à samedi. « Il faut bien comprendre que ce que l’on mange, ce que l’on achète, a des conséquences immédiates sur les ressources en eau », a souligné Stéphanie Blenckner, porte-parole de l’Institut international de l’Eau (Siwi), tout en rappelant que l’exploitation des ressources naturelles est vouée à s’intensifier pour satisfaire la demande croissante de biens, services et aliments et combattre la pauvreté dans le monde. D’après les chiffres de l’ONU, un cinquième de la population mondiale vit aujourd’hui dans une situation de pénurie d’eau ; cette dernière donnée devrait cependant franchir la barre des 30% d’ici la fin de l’année. En Asie, où vit 60% de la population mondiale, le développement économique exponentiel des dernières années a eu un impact significatif sur la diminution des ressources hydriques : à l’heure actuelle, un habitant du continent asiatique peut compter en moyenne sur 20% de l’eau dont il pouvait disposer dans les années 1950. D’ailleurs, parmi les 2500 experts réunis à Stockholm, certains estiment que les changements climatiques menacent plus particulièrement les ressources en eau de la région de l’Himalaya où la subsistance de 1,3 milliard de personnes est en jeu.
Les ressources en eau de l’Himalaya menacées
La région montagneuse de l’Himalaya, qui abrite la plus grande surface de glaciers du monde et la plus large zone de permafrost hors régions polaires, a ces dernières années expérimenté une fonte rapide des glaces et des changements spectaculaires en matière de précipitations, déplorent-ils. « Les glaciers de l’Himalaya reculent plus rapidement que partout ailleurs dans le monde », affirme Mats Eriksson, responsable du programme pour la gestion de l’eau au Centre international du développement intégré des montagnes. Bien que les hautes altitudes, l’éloignement et la coopération difficile entre les pays de cette région compliquent les études pour comprendre le phénomène, M. Eriksson estime qu’il est évident que « la région est particulièrement affectée par les changements climatiques ». « Le recul des glaciers est énorme, jusqu’à 70 mètres par an », précise-t-il. Xu Jianchu, qui dirige le Centre pour les études de l’écosystème montagnard en Chine, assure lui aussi que le changement climatique ravage l’Himalaya, soulignant par exemple que les températures sur le plateau tibétain ont augmenté de 0,3 degré par décennie, « le double, note-t-il, de la moyenne mondiale ». Il est difficile de quantifier les répercussions sur les disponibilités en eau, mais l’impact est réel dans la région où glaciers et neige contribuent à 50% de l’eau qui coule des montagnes et alimente neuf des plus grandes rivières d’Asie. L’Himalaya, connu pour « être le toit du monde », s’étend à travers la Chine, l’Inde, le Népal, le Pakistan, la Birmanie, le Bhoutan et l’Afghanistan. La chaîne montagneuse constitue une source importante d’eau pour l’une des régions les plus peuplées de la planète, soit 1,3 milliard de personnes recensées dans le bassin de l’Himalaya. « La neige et la glace fondent, fournissant une source très importante d’eau fraîche pour l’irrigation, l’énergie et l’eau à consommer en aval », explique M. Xu. Les glaciers ont d’énormes capacités de conservation de l’eau. Si les niveaux d’eau augmentent à mesure que la glace fond, à long terme, la disparition des glaciers va réduire l’eau disponible en aval. « La subsistance (des populations) sera durement affectée » par ce phénomène, souligne M. Eriksson. Parallèlement à la fonte des glaces, les scientifiques notent que les précipitations dans nombre de régions de l’Himalaya apportent plus de pluie en période de mousson et moins en période sèche. « Les régions plus sèches deviennent encore plus sèches alors que les régions les plus humides deviennent encore plus humides », résume Rakhshan Roohi, chercheuse à l’Institut de recherches en ressources en eau du Pakistan. Selon M. Eriksson, les effets des changements climatiques ont été particulièrement ressentis dans la partie ouest plus sèche de l’Himalaya. Outre les conditions climatiques incertaines pour les récoltes, qui ont provoqué la migration de personnes à la recherche de moyens de subsistance alternatif, les agriculteurs sont confrontés à un nombre croissant de désastres naturels tels que des crues soudaines et le débordement des lacs. « J’imagine qu’auparavant, la région souffrait d’une crue soudaine par saison et les gens arrivaient peut-être à s’y adapter. Mais si on a trois, quatre ou cinq crues soudaines, c’est probablement trop. La question est de savoir combien (de crues) la population est capable de tolérer sans perdre ses bases de subsistance », conclut M. Eriksson.