Il y a tout juste un an, le 12 janvier 2010, la terre a tremblé pendant près d’une minute en Haïti. La violence de la secousse a réduit l’île en cendres, plus de 250 000 personnes sont mortes sous les décombres. Aujourd’hui encore, un million de Haïtiens sont sans abri et vivent dans des camps d’urgence, qui ressemblent de plus en plus à des bidonvilles.
Un documentaire : sauvez Haïti
Un an après le tremblement de terre, difficile de parler de reconstruction. Le provisoire est devenu permanent : les gens vivent tassés les uns sur les autres, les latrines débordent et contaminent l’eau potable ; résultat, le choléra se répand et a déjà tué plusieurs milliers de Haïtiens. Si avant le séisme, les institutions ne fonctionnaient déjà pas, aujourd’hui l’île est devenue une république des organisations humanitaires : quelque 15 000 ONG assurent une grande partie des prestations sociales, soignent les malades, prennent en charge l’éducation et les orphelins. Le bilan de l’aide internationale destinée à la reconstruction d’Haïti est décevant : en octobre, sur les 5 milliards de dollars d’aide promis, seulement 60 millions étaient arrivés, souvent l’argent ne franchit même pas la douane. Où en est la reconstruction ? Pour quand le retour à la stabilité politique ? Pour avoir quelques éléments de réponse, je vous propose de (re)voir le documentaire et le débat de la soirée thématique diffusée le 11 janvier dernier sur ARTE :Un témoignage : tout bouge autour de moi de Dany Laferrière
Dans un livre publié cette semaine aux éditions Grasset, le romancier haïtien raconte sa terre martyrisée en des éclats de textes bouleversants… « Tout cela a duré moins d’une minute. On a eu huit à dix secondes pour prendre une décision. Quitter l’endroit ou rester. Très rares sont ceux qui ont fait un bon départ. On s’est retrouvés à plat ventre, au centre de la cour. Sous les arbres. La terre s’est mise à onduler comme une feuille de papier que le vent emporte. Bruits sourds des immeubles en train de s’agenouiller. Ils n’explosent pas. Ils implosent, emprisonnant les gens dans leur ventre. Soudain, on voit s’élever dans le ciel d’après-midi un nuage de poussière. Comme si un dynamiteur professionnel avait reçu la commande expresse de détruire une ville entière sans encombrer les rues afin que les grues puissent circuler. » Le 12 janvier 2010, Dany Laferrière se trouve à Haïti pour le festival « Etonnants voyageurs ». Comme tant d’autres, il est pris dans le tremblement de terre. Au contraire de tant d’autres, il réchappe à la catastrophe. Un an après, dans Tout bouge autour de moi, il témoigne de ce qu’il a vu – sur le moment, puis quelques semaines plus tard, à l’occasion d’un retour en Haïti. Sans pathos, sans lyrisme. Des « choses vues » qui disent l’horreur, mais aussi le sang-froid des Haïtiens. Que reste-t-il quand tout est tombé ? La culture. C’est par elle et grâce à elle que, aussitôt, ils résistent au découragement. Les marchands d’art recommencent à exposer leurs tableaux, dans la poussière, au gré du vent. Les gens racontent, suivant la tradition d’oralité si chère au pays. Les amis sont là, et la solidarité internationale. Et cette étrange télévision qui, pour nourrir sa présence 24 heures sur 24, crée des « pillages » qui n’existent pas, du romanesque s’ajoutant au drame. Dany Laferrière y oppose la littérature. Ce qu’elle voit, ce qu’elle peut dire, sans mensonge. Pour lui, « ce tremblement de terre est un événement dont les répercussions seront aussi importantes que celles de l’indépendance d’Haïti, le 1e janvier 1804 ». Et si, d’un mal il faut tirer un bien, ne peut-on pas dire qu’il a placé Haïti, et pour longtemps, au cœur du monde ? Références : tout bouge autour de moi de Dany Laferrière – Editeur : Grasset – Parution : janvier 2011 – 192 pages – EAN : 9782246777311 – Prix : 15 €