À la veille du sommet du G20 à Cannes, Altermondes donne la parole aux acteurs des sociétés civiles des quatre coins du monde dans un numéro construit avec de grandes associations de solidarité internationale et les principaux syndicats. Ce numéro exceptionnel sera distribué gratuitement avec Libération mercredi 2 novembre 2011.
« NOTRE OBJECTIF est d’ouvrir les chantiers de fond qui ne peuvent plus attendre, de façon à être en mesure de présenter des résultats concrets à une opinion publique de plus en plus impatiente. » C’est ainsi que Nicolas Sarkozy lançait, le 24 janvier, la présidence française du G8 et du G20. « Et c’est vrai : les peuples n’en peuvent plus d’attendre écrivent » les 29 organisations réunies dans ce numéro d’Altermondes. Depuis 2008, le monde s’enfonce dans une crise qui est tout autant économique et financière que sociale, environnementale et démocratique. Or, les chefs d’Etat, qui se réuniront les 3 et 4 novembre à Cannes pour le sommet du G20, ont jusqu’à présent surtout donné des gages de leur bonne volonté au monde de la finance. « L’ambition de notre présidence est simple : nous vivons dans un monde nouveau, nous avons donc besoin de nouvelles idées », proclamait aussi le président. « On peut reconnaître à ce G20 d’avoir enfin mis l’accent sur des questions fondamentales comme la protection sociale ou la taxation des transactions financières, mais qu’en est-il plus globalement de notre modèle de développement ? » s’interrogent les 29 associations et syndicats. Dans sa Déclaration finale, le G8 de Deauville proclamait : « Notre objectif commun est d’agir en faveur de l’Etat de droit et de l’implication des citoyens, et d’encourager les réformes économiques et sociales, afin de répondre aux aspirations des peuples ». La société civile qui se réunit du 1er au 4 novembre à Nice, serait presque tentée de répondre : Chiche ! Peut-on imaginer répondre aux défis du monde de demain sans revoir radicalement nos modes de production et de consommation ? Il faut rompre avec l’idolâtrie de la croissance, réaffirmer la primauté des droits et réinventer un nouveau mode de vivre ensemble. Ce sont ces questions (et leurs réponses) qu’aborde ce numéro spécial d’Altermondes, réalisé en partenariat avec Libération. Revue de la solidarité internationale, du développement durable et des droits humains, Altermondes propose à ses lectrices et lecteurs un autre regard sur le monde, en donnant la parole aux sans voix, à celles et ceux qui, inlassablement et souvent dans l’ombre, œuvrent à la construction d’un monde juste, durable et solidaire. A la veille du Sommet de Cannes, elle a donc rassemblé 29 des plus importantes associations de solidarité internationale et syndicats français, pour rappeler les chefs d’Etat à leurs responsabilités : Action for global health, Aides, AITEC, Amnesty France, ATTAC, CCFD – Terre Solidaire, CFDT, CGT, Cimade, Confédération Paysanne, Coordination SUD, CRID, Demain le monde…, Ethique sur l’étiquette, FIDH, France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand, Genre en action, Max Havelaar, Médecins du Monde, One France, Oxfam France, Peuples Solidaires, Secours Catholique, Secours islamique, Sidaction, Solidarité laïque, Vision du Monde, Vital Voice, Une seule planète.Au sommaire de ce hors-série
1. COMPRENDRE LE G8 ET LE G20 – Résistances citoyennes. De la mobilisation des sociétés civiles en marge des sommets des G8 et G20, les médias ne recherchent et retiennent souvent que les images d’affrontement voire de violence. C’est négliger la force de proposition des mouvements citoyens et oublier que le progrès naît souvent de résistances citoyennes. Témoignages. – Du G6 au G20 : petite histoire de sommets. Créé en 1975 pour apporter des réponses au premier choc pétrolier et à la fin de la parité or/dollar, le G8 s’est progressivement imposé comme un forum de discussion incontournable, exerçant un rôle d’orientation politique majeur. – « C’est comme inviter les nouveaux riches pour le café ». Créé en 1999 pour trouver des réponses aux crises financières des années 90, le G20 n’est devenu sommet des chefs d’Etat qu’en novembre 2008. Retour sur la genèse de cette instance avec Bertrand Badie, professeur à l’Institut d’études politiques de Paris et enseignant-chercheur associé au Centre d’études et de recherches internationales (CERI). – Deauville : un festival de promesses. Fort d’une « petite » centaine d’engagements, les chefs d’Etat du G8 sont ressortis satisfaits du Sommet de Deauville qui s’est tenu les 26 et 27 mai dernier. La société civile, encore une fois peu consultée, s’est montrée moins enthousiaste. – Légitimité : 8 sur 20. Pour orienter la marche du monde, est-on plus légitime à vingt qu’à huit ? La question ne fait pas de doute pour les chefs d’Etat, surtout s’ils siègent au G20. Un constat nettement moins évident pour les sociétés civiles. – « Une métamorphose est nécessaire ». Confier à une poignée de pays la responsabilité de résoudre des enjeux internationaux n’est-ce pas délégitimer l’ONU ? Entretien avec Stéphane Hessel, ambassadeur de France et secrétaire de la commission ayant élaboré la Déclaration universelle des droits de l’Homme. – La gouvernance mondiale est-elle crédible sans la société civile ? N’en déplaisent aux dirigeants du G20, les Etats ne peuvent plus répondre seuls aux crises mondiales. Une réforme de la gouvernance mondiale s’impose, qui doit laisser sa place à la société civile. Pourquoi ? Comment ? Quelles difficultés pour y parvenir ? – Fonds mondial : la voix au chapitre. En intégrant la société civile, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme affiche un mode de gouvernance unique. Entretien avec Karlo Boras, directeur exécutif de Jazas, association serbe de lutte contre le sida. – TRIBUNE : Placer l’OIT au cœur des décisions. La présidence française du G20 s’est montrée ouverte au dialogue avec le mouvement syndical international. Si les gouvernements désirent réellement établir une gouvernance mondiale crédible, ils doivent replacer l’OIT au coeur des principales décisions sur l’économie mondiale. PAR SHARAN BURROW | SECRÉTAIRE GÉNÉRALE DE LA CONFÉDÉRATION SYNDICALE INTERNATIONALE (CSI) 2. LES 6 PRIORITES A L’AGENDA DU G20 G20, les priorités de la présidence. La France accueille coup sur coup, la même année, le G8 et le G20. Si les priorités fixées par la présidence française sont intéressantes, force est de constater qu’elles s’inscrivent surtout dans une logique dictée par les prochaines élections présidentielles. Le G20 sera-t-il un tremplin pour un second mandat ? – PRIORITÉ N°1 Réformer le système monétaire international « Les autorités n’ont tiré aucune leçon de la crise ». Crise oblige, le G20 a fait de la refonte du système financier mondial une de ses priorités. Les gouvernements tardent pourtant à s’y mettre réellement. Décryptage avec Pedro Paez Perez, ex-ministre équatorien de l’Économie, président de la Commission technique présidentielle pour la Nouvelle architecture financière régionale (NAFR). – PRIORITÉ N°2 Renforcer la régulation financière Les mastodontes de la finance. Le G20 prétend avoir renforcé les règles applicables au secteur financier (Accords de Bâle III). Des mesures que beaucoup jugent pourtant trop timides pour encadrer certains mastodontes de la finance. L’évasion fiscale, un principe philosophique. REPORTAGE LUXEMBOURG – En 2009, le G20 menaçait de sanctions les Etats et juridictions dites non coopératives (les paradis fiscaux) qui n’engageraient pas de réformes vers plus de transparence. Depuis, près de 600 accords d’échange d’informations fiscales ont été signés. Pourtant, la fraude et l’évasion fiscales continuent de prospérer. – PRIORITÉ N°3 Lutter contre la corruption Le partage des fruits de la corruption. REPORTAGE ALGERIE – La présidence française veut mener une action résolue pour la moralisation de la vie économique. L’Algérie, où les entreprises multinationales investissent, a signé la Convention des Nations unies contre la corruption. Est-ce suffisant ? – PRIORITÉ N°4 Lutter contre la volatilité excessive des prix des matières premières Les stocks d’urgence, une réponse incomplète. Une nouvelle crise alimentaire se dessine. En cause, la forte hausse et la volatilité des prix, exacerbées par la spéculation. Le G20 agricole a décidé de mesures pour accroître la transparence sur le marché des céréales et proposé un projet de réserves alimentaires d’urgence. Un premier pas… insuffisant. Agriculture familiale et souveraineté alimentaire. Afin d’éviter l’exode massif vers les villes et les crises alimentaires, il est urgent d’investir dans le maintien et le renforcement de l’agriculture familiale, largement majoritaire dans le monde. Diffusion des pratiques agro-écologiques et investissement dans le développement rural constituent des chantiers prioritaires. – PRIORITÉ N°5 Renforcer la dimension sociale de la mondialisation Responsabiliser, de gré ou de force ? Le G20 devrait, selon la présidence française, insister sur la dimension sociale de la mondialisation, le travail décent et la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSEE). Mais il manque des pistes d’actions concrètes pour rendre ces promesses effectives. Mikyung Ryu, une femme engagée. Coordinatrice internationale de la KCTU (Korean Confederation of Trade Unions), l’une des principales organisations syndicales sud-coréennes, Mikyung Ryu dénonce haut et fort l’hypocrisie de son pays, hôte du G20 en 2010. Protection sociale : de l’audace ! Le G20 Emploi, qui s’est tenu les 26 et 27 septembre, a recommandé la mise en oeuvre de socles de protection sociale adaptés à chaque pays. Une véritable avancée. Introduction sur un enjeu du XXIe siècle suivi de reportages au Brésil et en Haïti. 0,4% du PIB pour un succès. REPORTAGE BRESIL – Mettre en place un socle de protection sociale pour garantir un accès pour toutes et tous à des services sociaux essentiels est une voie qu’explore le Brésil depuis 2003 avec la Bolsa Familia. Quel bilan en tirer, huit ans après ? Le dilemme de l’urgence qui s’éternise. REPORTAGE HAITI – Les pays émergents ne sont pas les seuls à s’engager sur la voie de la protection sociale. Un an et demi après le séisme, plus de 600 000 sinistrés vivent toujours dans des camps, aux conditions d’hygiène dramatiques. Le nouveau président, Michel Martelly, a décidé de lancer un programme national pour la santé. « L’éducation n’est pas une priorité actuellement ». Le socle de protection sociale promu par la présidence française vise à garantir l’accès pour tous à l’éducation. Réelle ambition ou voeu pieux ? Entretien avec David Edwards, vice secrétaire général de l’Internationale de l’Education. – PRIORITÉ N°6 Agir pour le développement Le développement, parent pauvre du G20 ? « Le développement sera un deuxième enjeu majeur pour le G20. Je souhaite que notre double présidence fasse de l’Afrique sa priorité. » Tels furent les mots que Nicolas Sarkozy prononça lors de la conférence de presse du 24 janvier 2011. Un message porteur d’espoir pour la société civile ? Tunisie : rompre avec les diktats. Une nouvelle page de l’histoire de la Tunisie s’est tournée. L’Assemblée constituante, élue le 23 octobre, doit plancher sur une nouvelle constitution, garante des droits fondamentaux et de la liberté pour le peuple de prendre en main le développement de son pays. Quel financement pour le développement ? C’est classique : les nouvelles idées sont plus séduisantes que les anciennes. Et si on ne peut qu’encourager la présidence française à défendre haut et fort la proposition de taxe sur les transactions financières, elle ne doit pas en revanche en profiter pour renier ses engagements en matière d’aide publique au développement, ou pour soutenir des politiques commerciales qui mettent en danger les populations du Sud. À qui profite le commerce ? G20 comme G8 sont intraitables : interdiction de prendre des mesures qui entraveraient la sacro-sainte libre circulation des biens et des services. C’est contraire aux règles de l’OMC et préjudiciable à la croissance. Et aux populations ? La taxation sur les transactions financières, enfin ? Les financements innovants pour le développement ont le vent en poupe. Les plus connus sont la taxe sur les billets d’avion qui finance Unitaid ou la Facilité de financement internationale pour la vaccination (IFFim). Du moins étaient les plus connus. Car, dans le cadre de sa présidence du G20, la France est devenue une ardente défenseuse de la taxation des transactions financières. Questions-réponses. Un billet d’avion, des vies sauves. Entretien avec Nelson Juma Otwoma, coordonnateur du Réseau national kényan des personnes vivant avec le VIH/Sida (NEPHAK), qui siège au conseil d’administration d’Unitaid en tant que représentant de communautés vivant avec la maladie. 3. CE QUE NE DIT PAS L’AGENDA DU G20 La croissance est-elle la solution à la crise ? Depuis 2008, le monde traverse une crise sans précédent. Le G20 de Cannes a fait de la croissance un de ses objectifs majeurs. Signe des temps, on parle de croissance verte, de croissance durable, de croissance inclusive. Lors du lancement de la présidence française du G20, en janvier, Nicolas Sarkozy déclarait : « L’ambition de notre présidence est simple : nous vivons dans un nouveau monde, nous avons donc besoin de nouvelles idées . » La croissance, cette vieille idée, peut-elle permettre de répondre aux enjeux du monde ? Débat. PROPOS RECUEILLIS PAR DAVID ELOY | AVEC LA COLLABORATION D’ANTOINE CHAO Avec : – Jean-Paul Fitoussi directeur de recherche à l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) et coordinateur de la « Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social » – Nasser Mansouri- Guilani directeur du Centre d’études économiques et sociales de la CGT – Xavier Ricard directeur des partenariats internationaux du CCFD–Terre Solidaire – Aurélie Trouvé économiste et coprésidente d’ATTAC TRIBUNE : Le droit au développement n’est pas question de charité. Navanethem Pillay, Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, rappelle aux décideurs politiques qu’ils doivent s’assurer que dans les forums économiques clés, comme le G20, les droits humains – et donc les êtres humains– sont au premier plan. C’est ainsi que les objectifs de paix, de sécurité et de développement pour tous ont une chance d’être atteints. PAR NAVANETHEM PILLAY | HAUT-COMMISSAIRE DES NATIONS UNIES AUX DROITS DE L’HOMME Donner de la force aux droits. Les droits humains sont-ils voués à ne jamais être respectés ? Pas si sûr. La ratification du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels pourrait changer la donne. 4. UNE MOBILISATION AU-DELA DE CANNES Rendez-vous à venir. Entre le G20 de Cannes et le G20 au Mexique, en 2012, trois événements verront converger les mouvements citoyens : la conférence euro-africaine sur la migration et le développement, à Dakar (Sénégal), la conférence des parties à la convention des Nations unies sur le changement climatique, à Durban (Afrique du Sud), et la conférence sur le développement durable dite Rio + 20, au Brésil, au mois de juin. – Durban : la « conférence des pollueurs » ? Entretien avec Brian Ashley, directeur de l’ONG sud-africaine, AIDC, à propos de la Conférence des Nations unies sur le changement climatique qui va se tenir à Durban, du 28 novembre au 9 décembre. – RIO + 20 FAIT L’ÉCONOMIE D’UN BILAN – 2012 : LE G20 ACCOSTE AU MEXIQUE Paroles d’acteurs. La société civile n’est pas une abstraction. Elle est composée d’hommes et de femmes qui, envers et contre tout, se mobilisent pour les droits et la justice. A eux la parole pour clore ce numéro. TRIBUNE : Le feu qui brûle dans nos ventres. Les défis auxquels est confrontée l’humanité sont considérables. Les solutions existent. Elles sont même parfois à portée de main. Comme le rappelle Angélique Kidjo1, en conclusion de ce numéro, c’est le manque de volonté politique qui affame les populations. Aux citoyennes et citoyens de réagir. PAR ANGÉLIQUE KIDJO | CHANTEUSE | BÉNIN