Préservation de la biodiversité, qualité des sols, production de bois…, les forêts sont essentielles pour la société par les multiples services qu’elles rendent, et ce d’autant plus dans le contexte du défi climatique actuel. À la fois « puits de carbone » et levier d’une économie « décarbonée » par l’utilisation du bois, les forêts sont au cœur d’un débat tant sociétal que scientifique. À la demande du ministère chargé de l’agriculture et de la forêt, INRAE et l’IGN ont conjointement engagé une expertise scientifique visant à éclairer ce débat pour la forêt et les filières forêt-bois de la France métropolitaine. Ce sont les résultats de ce travail qui sont publiés dans « Filière forêt-bois et atténuation du changement climatique – Entre séquestration du carbone en forêt et développement de la bioéconomie » paru aux éditions Quae.
Si l’enjeu principal consiste, dans les régions intertropicales et boréales, à lutter contre la déforestation et la dégradation des ressources forestières, les forêts et les forestiers des régions tempérées sont soumis à des objectifs qui peuvent paraître antagonistes : accroître la séquestration du carbone atmosphérique dans la biomasse et dans les sols tout en fournissant une part croissante des ressources nécessaires à la production des biens matériels et de l’énergie dont les sociétés humaines ont besoin, et renouveler progressivement les forêts pour leur permettre de s’adapter aux conditions climatiques de demain.
Etablir le bilan carbone de la filière aujourd’hui et le projeter à l’horizon 2050
Renseigner les divers compartiments de la filière forêt-bois à explorer, mettre en lumière les zones d’incertitude du bilan actuel, c’est sur ces bases que des projections du bilan carbone complet de la filière française à l’horizon 2050 ont pu être dressées afin d’examiner notamment les impacts que pourraient avoir trois stratégies de gestion durable des ressources forestières, en tenant compte de l’aggravation du changement climatique et de crises majeures liées aux risques d’incendies après sécheresse, aux tempêtes et aux invasions biologiques à large échelle : une stratégie d’extensification des prélèvements, se traduisant par le maintien des volumes de récolte actuels ; une stratégie moyenne pour laquelle les taux de prélèvement actuels seraient conservés, ce qui augmenterait les volumes de bois récoltés ; et une stratégie d’intensification des prélèvements combinée à une politique volontariste de reboisement visant à remplacer les peuplements peu productifs ou en impasse sylvicole par des nouvelles plantations plus productives.Un rôle majeur confirmé de la filière forêt-bois pour l’atténuation du changement climatique
Ces projections mettent en évidence que, quelle que soit l’option choisie, le bilan carbone annuel de la filière forêt-bois française demeurera largement positif et pourrait même continuer à progresser. Cela confirme le rôle majeur de ce secteur dans l’atténuation du changement climatique. Néanmoins, aux incertitudes déjà relevées pour l’établissement du bilan carbone actuel, s’ajoutent celles sur le devenir de certains coefficients et paramètres techniques dont les valeurs influent sur les résultats de projection. Au rang de ces incertitudes, on peut citer l’évolution du rythme de croissance de la forêt française à mesure du vieillissement des peuplements, l’évolution des émissions de gaz à effet de serre évitées par la mobilisation de produits forestiers, ou encore l’impact de crises biotiques et abiotiques que la forêt sera probablement amenée à traverser plus régulièrement au cours des décennies à venir. Le cumul de ces incertitudes empêche d’identifier clairement si l’une des trois stratégies de gestion forestière envisagée serait plus nettement gagnante que les deux autres, les résultats globaux obtenus étant le plus souvent relativement proches.Un éclairage pour les politiques publiques
Si les incertitudes compliquent l’identification de « la » stratégie de gestion dégageant les bilans carbone les plus favorables, leur exploration permet cependant de proposer une première approche de la résilience de la filière et de guider la réflexion sur les usages des bois qu’il faudrait favoriser pour améliorer le bilan carbone des stratégies soutenant le développement de la bioéconomie. L’objectif de cet ouvrage n’est donc pas de trancher entre des positions présentées parfois sous des formes caricaturales. Il est d’apporter un éclairage aux acteurs (professionnels, publics, associatifs), aux décideurs et aux citoyens qui se sentent concernés par un tel enjeu, afin de mieux comprendre toute la complexité et les incertitudes qui entourent l’arbitrage entre séquestration du carbone en forêt et développement de la bioéconomie.Référence
Filière forêt-bois et atténuation du changement climatique – Entre séquestration du carbone en forêt et développement de la bioéconomie – Editions Quae – coll. Matière à débattre et décider – 152 pages, juillet 2020. – Version papier en vente Filière forêt-bois et atténuation du changement climatique – Entre séquestration du carbone en forêt et développement de la bioéconomie – En libre accès en version numérique