En 2050, les neuf milliards d’êtres humains qui peupleront la planète pourront se nourrir… grâce à l’agriculture biologique. Celui qui l’affirme n’est pas un doux rêveur. C’est Marc Dufumier, un agronome de réputation mondiale qui a observé en France et dans le reste du monde le bon fonctionnement des systèmes agro-écologiques ; et les dysfonctionnements des systèmes productivistes. Avec Nicolas Hulot, cosignataire d’une tribune publiée dans Le Figaro, il en appelle à une nouvelle conception de l’agriculture.
Famines, malbouffe, dégâts environnementaux, désertification des campagnes : tel est le bilan, désastreux, de nos systèmes agricoles exagérément spécialisés, mécanisés, « chimisés ». Dans l’inconscient collectif, cette agriculture « moderne » reste pourtant la seule capable de nourrir la planète et de rémunérer correctement les paysans. Mais ce livre prouve que cette croyance ne résiste pas à l’épreuve du terrain. L’agriculture « productiviste » est pour les paysans comme pour le consommateur un choix chaque jour plus risqué, tandis que la conversion à l’agro-écologie devient chaque jour plus raisonnable. « Sur le marché mondial se côtoient des aliments produits par des agriculteurs du Sud qui travaillent avec des outils manuels ou attelés et des agriculteurs qui sont équipés de tracteurs. Ils se vendent au même prix, alors que dans un sac de riz américain ou européen, il y a deux cent fois moins de travail que dans un riz sénégalais. Comment le paysan du Sud, contraint à accepter un prix deux cents fois inférieur, peut-il nourrir sa famille, investir, avoir un animal ? Pis, l’agriculture, chez nous, est subventionnée, alors que, dans le Sud, elle doit financer l’industrie. Cette mise en concurrence inégale est à l’origine des migrations vers la ville et à l’international » explique Marc Dufumier dans un entretien publié dans Metro. Qualité des aliments, respect de l’environnement et – contrairement aux idées reçues – garantie voire amélioration des rendements : le bio n’est pas un caprice de bobo. C’est plus que jamais la voie d’avenir. « Mon livre part du constat selon lequel défendre une agriculture biologique dans les pays du Nord, ce n’est absolument pas faire du tort aux pays du Sud. Bien au contraire, c’est ce qui leur permettra de ne pas dépendre des excédants de l’Europe et des Etats-Unis et de pouvoir, par eux-mêmes, nourrir correctement leurs peuples » explique cet expert régulièrement consulté par la FAO et la Banque mondiale. Si Marc Dufumier [[Professeur émérite en agriculture comparée et développement agricole à l’AgroParistech. Expert auprès de la FAO et de la Banque mondiale, il est régulièrement sollicité par les gouvernements étrangers confrontés à des crises alimentaires ou agricoles. Membre du Comité de veille écologique de la Fondation Nicolas Hulot.]], décide aujourd’hui de s’adresser au grand public c’est parce qu’il y a urgence : la mutation vers le bio prend du temps et les déséquilibres agricoles actuels vont aller en s’accentuant, avec des conséquences directes sur notre quotidien. Nous mangeons mal et abîmons nos campagnes parce que nos systèmes de production sont malsains. Nous subissons une forte pression migratoire aux frontières de l’Europe parce que le Sud n’arrive plus à fixer ses paysans dans les campagnes. Insécurité alimentaire, insécurité environnementale, insécurité géopolitique : il n’y a plus de temps à perdre pour remettre l’agriculture sur les bons rails. Un sujet d’actualité au moment où les candidats à l’élection présidentielle se succèdent au salon de l’agriculture. Marc Dufumier résume : « Le Président a eu une phrase très malheureuse quand il a dit : « L’environnement, ça commence à bien faire ». En situation de crise, ces thèmes préoccupent moins le public, mais s’il n’en reste qu’un, c’est celui de l’alimentation et de la santé. Les idées avancent. Par exemple, l’Institut national de la recherche agronomique vient de créer un département d’agroécologie : on comprend que l’outil de travail, ce n’est pas un animal ou une parcelle mais un écosystème. Mais dans la pratique, ça ne progresse pas, car beaucoup d’agriculteurs ont investi dans de l’équipement, des intrants chimiques, et ne peuvent pas en sortir car ils sont endettés. C’est une question de politique : est- ce qu’on veut subventionner des algues vertes ou des produits de terroir ? » – Références : FAMINE AU SUD, MALBOUFFE AU NORD par Marc DUFUMIER – Editeur : NiL éditions – Date de parution : février 2012 – 193 pages – ISBN : 2-84111-523-2 – Prix : 18,00 €Tribune de Marc Dufumier et Nicolas Hulot
La PAC peut-elle encore sauver l’agriculture ? Tribune de Marc Dufumier et Nicolas Hulot dans le Figaro (27/02/2012). Depuis plus de cinquante ans, la politique agricole commune (PAC) règne sur notre agriculture, détermine son avenir et celui de plus de 11 millions d’agriculteurs en Europe. Depuis l’après-guerre, un leitmotiv : produire toujours plus pour garantir la sécurité alimentaire du continent. Certes, l’Europe produit aujourd’hui assez pour se nourrir et souffre même, depuis les années 1980, de crises régulières de surproduction. Mais le coût social et environnemental de cette politique est catastrophique. Les choix faits, ceux de toujours plus d’engrais et de pesticides, de surconsommation d’eau ou encore de l’ultraspécialisation des agricultures régionales autour de l’élevage ou des grandes cultures céréalières sont lourds de conséquences. Pour les hommes et les femmes qui en vivent, c’est une perte de 25 % de l’emploi agricole en dix ans et, avec elle, la détérioration du tissu rural, du lien social et une paupérisation croissante. Peut-on se résoudre à ce que plus d’un quart des agriculteurs gagnent moins de 900 euros par mois, et soient ainsi au-dessous du seuil de pauvreté ? Non. Quant aux dégâts environnementaux, ils condamnent à très court terme l’existence même de l’agriculture – sans parler des risques pour la santé des consommateurs, mais plus encore pour les paysans eux-mêmes, liés à l’utilisation excessive des intrants. Qu’en sera-t-il de notre productivité quand les sols auront perdu totalement leur fertilité et que tous les engrais ou les OGM n’y pourront rien ? Nos cultures et nos élevages parviendront-ils à s’adapter au changement climatique inévitable ? Où irons-nous chercher une eau déjà de plus en plus rare et convoitée de tous ? Tous les voyants sont au rouge. N’ignorons plus les dommages collatéraux, ni leur prix. Sans le savoir, nous payons trois fois le prix de notre alimentation : premièrement en faisant nos courses, deuxièmement par nos impôts, puisque 350 euros par foyer sont consacrés au soutien de cette politique, troisièmement parce que l’agriculture laisse à la charge de la société l’ensemble des dommages à l’environnement, qu’il faut bien réparer. Presque 10 % de la facture d’eau des ménages est consacrée ainsi au traitement de l’eau polluée par les nitrates et les produits phytosanitaires, pour un montant global de près de 1,5 milliard d’euros par an ! La PAC, comme l’agriculture d’aujourd’hui, ne correspond plus aux aspirations des citoyens, français et européens L’essor du bio, chez soi comme en restauration collective, montre bien que nous aspirons à une alimentation de qualité et de proximité. Malgré cela, la surface cultivée en bio reste très en deçà des attentes, faute d’une politique adaptée. Notons que si le bio avait bénéficié des mêmes aides que l’agriculture intensive, il ne fait aucun doute que son coût serait plus abordable. Quelques acharnés continuent à porter la vision archaïque d’une agriculture européenne qui « doit » nourrir le monde. Quelle illusion ! Le problème n’est pas tant de produire mais de répartir. Plus d’un milliard de personnes souffrent de la faim sur une planète qui non seulement produit assez pour tout le monde, mais qui s’offre le luxe, selon la FAO, de gaspiller plus de 30 % de la production mondiale ! Ne rien changer, continuer comme avant est sans doute rassurant, mais nous n’avons tout simplement pas le choix. Assumer est sans doute le moindre mal. Les limites écologiques de notre monde, l’érosion de la biodiversité, la pollution des nappes phréatiques, les changements climatiques imposent un nouveau modèle agricole et une transition que la PAC doit anticiper et accompagner. II faut changer le logiciel sur la répartition des aides. D’abord en finir avec une agriculture à deux vitesses : celle des exploitations, aidées massivement alors même qu’elles sapent le capital naturel, et celle d’une agriculture à taille humaine, plus soucieuse de ses impacts, et pourtant jusqu’à maintenant marginalisée par les politiques agricoles. Cela passe notamment par la fin rapide des références historiques qui perpétuent une répartition inéquitable des aides entre agriculteurs et entre Etats membres. D’autre part, il faut remettre l’environnement au cœur de la PAC pour qu’elle soutienne les agriculteurs non pas en fonction des quantités qu’ils produisent, mais des services qu’ils rendent aux écosystèmes et a la société. Aujourd’hui, aucune aide directe n’est octroyée en fonction des performances écologiques de l’agriculture. La Commission européenne propose que 30 % des aides soient allouées à la mise en œuvre de mesures environnementales. C’est un minimum indispensable et non négociable si l’on veut changer la donne. Nous souhaitons par exemple qu’un agriculteur qui s’engage à préserver la qualité de l’eau, à créer des haies pour protéger la biodiversité et à diversifier ses cultures, soit justement rémunéré. Un système vertueux est possible pour produire une alimentation de qualité en paix avec son environnement. Cette reforme de la PAC n’aura de sens que si elle s’inscrit aussi dans une réflexion plus globale sur l’agriculture mondiale. Puisqu’à juste titre l’ambition européenne est la sécurité alimentaire, gageons que nous nous mettrons rapidement en situation de nous affranchir des importations massives, notamment de soja, aux conséquences sociales et environnementales tragiques outre-Atlantique, en particulier pour les forêts tropicales. Ce n’est pas une fatalité, nous avons les moyens de développer en Europe les protéines nécessaires à l’alimentation du bétail. Dans le même temps, il est nécessaire que nous cessions rapidement d’approvisionner les marchés des pays du Sud avec des produits à bas coût et de mauvaise qualité. Car les subventions déguisées aux exportations concurrencent les cultures vivrières du Sud et condamnent son agriculture. Cette inévitable remise en cause des règles du jeu du commerce agricole, et notamment des accords de Blair House et des restitutions aux exportations, constitue le pendant international d’une reforme de la PAC. II y va de la dignité de l’Europe que d’être à l’écoute des aspirations des citoyens comme des producteurs, au Nord comme au Sud.Rencontres avec l’auteur
– Le 6 mars à Pompaire : Conférences-débat de Marc Dufumier organisées par Biosèvres : « Osons la bio organisée » suivies d’ une séance de dédicace. Salle polyvalente de Pompaire : 14h00 et 20h30. Renseignements : 05 49 63 23 92. – Le 8 mars à Chataubriand : Conférence-débat de Marc Dufumier : « Nourrir l’humanité » ? à 20h30 au théâtre de Verre à Chateaubraind, entrée 3 €. Réservations : 02 40 28 64 38. Le 9 mars toujours à Chataubriand : Débat suivi d’une séance de dédicace de Marc Dufumier après la projection du film à 20h30 dans le cadre du Festival « Lumières sur l’environnement' ». Atlantic cinéma – 21 rue de la Vernisserie à Chateaubriand, 02 40 28 96 21. – Le 22 mars à Angers. Dans le cadre de l’Assemblée générale de la CAB, débat et intervention de Marc Dufumier : « 20 % de Bio en 2020. Comment atteindre ce cap ? » A 14h30 à l’Ethic étapes Lac de Maine, 49 avenue du Lac de Maine à Angers. Réservation : cab@biopaysdelaloire.fr ou 02 41 18 61 40 – www.biopaysdelaloire.fr.
Famine au Sud, malbouffe au Nord : comment le Bio peut nous sauver
Marc Dufumier est comme tous les autres,il veut une agriculture agro écologique, comme moi, mais il oublie toujours une chose essentielle : pour avoir un sol conduit en agro-écologie il ne faut surtout plus le travailler mécaniquement. Les vers de terre aprécieront et donc la vie du sol aussi par conséquent. Le grand tord de tout ceux qui parlent d’une autre agriculture est d’oublier l’essentiel de ce qui fait la destruction des sols : le travail excéssif mécanique, même en bio. J’en ai la preuve tous les jours chez moi et chez bien d’autres qui pratiquons l’agriculture de conservation. Je suis sûr de ne pas me tromper dans la hiérarchie des problèmes qui conduisent un sol à se dégrader, même si le trop d’engrais et de pesticides est avéré. Encore une fois ce n’est pas en supprimant tout qu’on résoud les problèmes, c’est l’excès de chaque chose qui est néfaste.