S’il y a bien un domaine où les vingt-cinq dernières années n’ont guère permis d’avancer, en tout cas en pratique, c’est bien l’écologie. […] La montée en flèche du chômage dans la plupart des pays développés a partout fait passer ces préoccupations au second rang : la croissance, n’importe quelle croissance, redevenait éminemment souhaitable pour revenir au plein emploi. […] Il faudra attendre 1992 et le sommet de Rio, avec en particulier la menace du changement climatique qui se précise, pour que les choses recommencent à bouger. […] Mais en 2002, à Johannesbourg, Jacques Chirac, le président français, pourra sans difficulté faire un tabac en résumant la situation d’un laconique « la maison brûle et nous regardons ailleurs ». Parole d’expert de la part d’un dirigeant politique présent au premier plan dans son pays depuis trente ans, mais guère actif concrètement.
Personne n’est prêt au changement
Bien sûr l’orientation libérale prise par la mondialisation depuis vingt-cinq ans ne facilite pas les choses sur le plan de l’écologie. Du fait notamment des règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) qui empêchent de faire des conditions de production un critère sélectif dans les échanges commerciaux. L’absence d’une organisation mondiale de l’environnement, capable de tenir tête à l’OMC et au Fonds monétaire international, se fait ressentir. Mais l’essentiel est ailleurs : les inégalités dans l’accès aux ressources et dans la responsabilité des pollutions sont énormes. Or, la solution des problèmes écologiques ne peut advenir que sur la base d’une reconnaissance d’un droit égal pour tous à l’accès aux ressources. Les pays pauvres ne peuvent en effet pas accepter que les pays riches leur interdisent de se développer à leur tour pour des raisons écologiques. Une mutation écologique est donc nécessaire, à la fois dans les modes de vie et dans la répartition des richesses à l’échelle mondiale. Force est de constater, au-delà des discours, que les habitants des pays riches, et pas seulement leurs dirigeants politiques ou ceux des multinationales, n’y sont pas prêts. Peut-être la conjugaison du nouveau choc pétrolier et des premiers dérèglements climatiques majeurs va-t-elle changer la donne … Extraits de l’article signé par Guillaume Duval (pages 51 et 52) du numéro de novembre 2005 d’Alternatives Economiques (n°241). Dans le même numéro d’Alternatives Economiques, retrouvez un entretien d’Alain Lipietz (économiste, député européen vert) qui pense aussi que les « habitants des pays riches » sont tentés de ne rien faire : » Chacun pense qu’il faut faire quelque chose et qu’il doit y mettre du sien, mais comme les efforts individuels ne peuvent être que dérisoires, la tentation est très forte de considérer qu’après moi le déluge ! Cet effet pervers ne peut être contré que par une décision politique contraignante adoptée à la majorité. Or, il n’existe pas d’espace politique à l’échelle des crises écologiques qui nous menacent. De ce point de vue, l’échec de l’Europe politique, avec le rejet du traité qui constitutionnalisait les principes de précaution, de prévention et pollueur-payeur, (ce que la France n’a pas osé faire), est la plus grande catastrophe écologique de l’année. Elle fera sans doute plus de dégâts que Katrina … «